
Le président libanais Michel Aoun remettant samedi à l’ambassadrice de France à Beyrouth, Anne Grillo, une lettre destinée à son homologue français Emmanuel Macron. Photo Dalati et Nohra
Aucune percée au niveau de la formation du gouvernement n’est à espérer avant le retour à Beyrouth du Premier ministre désigné, Saad Hariri, en vacances depuis la semaine dernière aux Émirats arabes unis à l’occasion de la fête du Fitr. Si, durant ces jours fériés, rumeurs, démentis et contacts sont allés bon train, le dossier reste tributaire des décisions que pourrait prendre le leader du Futur, annoncées par ses milieux pour l’après-Fitr. Alors qu’il était censé rentrer incessamment, Saad Hariri a prolongé de quelques jours son séjour à l’étranger. L’occasion pour lui de tenir des réunions, confie à L’Orient-Le Jour Moustapha Allouche, vice-président du courant du Futur, sans pour autant donner de détails sur la destination du Premier ministre désigné après les Émirats arabes unis, ou les personnalités qu’il envisagerait de rencontrer.Ce flou entretenu autour de ce que M. Hariri compte entreprendre suscite de nombreuses interrogations. D’autant qu’il peine toujours à obtenir un feu vert saoudien pour former la nouvelle équipe ministérielle. « Je ne sais pas si Saad Hariri se rendra en Arabie saoudite. Mais nous ne pouvons pas attendre indéfiniment une position saoudienne claire », commente M. Allouche. Riyad semble toutefois adresser des messages politiques au Premier ministre désigné. C’est dans ce cadre que l’on pourrait inscrire l’entretien de plus d’une heure tenu durant le congé du Fitr entre Tammam Salam – ancien chef du gouvernement et membre du club des anciens Premiers ministres qui ont toujours soutenu Saad Hariri dans le bras de fer l’opposant à Michel Aoun – et l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Beyrouth, Walid Boukhari. Si, selon notre chroniqueur politique Mounir Rabih, les deux hommes n’ont pas abordé le dossier du gouvernement, la réunion serait toutefois le prélude à une rencontre élargie entre le diplomate saoudien et les ex-Premiers ministres Fouad Siniora, Nagib Mikati et Tammam Salam.
À la recherche d’une alternative à Hariri ?
La démarche de l’ambassadeur saoudien intervient à l’heure où certains milieux politiques et médiatiques orbitant notamment dans la galaxie aouniste évoquaient ces derniers jours l’éventuelle recherche d’un substitut à Saad Hariri, d’autant que ce sont des proches de M. Hariri lui-même qui avaient agité le spectre d’une possible récusation du chef du gouvernement désigné. Récemment, il était question d’un possible recours à Nagib Mikati pour former le futur cabinet. Une éventualité que le principal concerné et son entourage se sont employés à démentir. Il n’en demeure pas moins qu’une personnalité informée confie à L’OLJ que l’option Mikati ne serait pas définitivement exclue, du moins à l’heure actuelle.
Saad Hariri, lui, ne semble toutefois plus vouloir jeter l’éponge. Surtout après avoir reçu des conseils allant dans ce sens de son entourage, mais aussi de différents acteurs sur la scène internationale, notamment Le Caire. Lors de leur dernier entretien téléphonique il y a deux jours, le chef de la diplomatie égyptienne, Sameh Choucri, aurait de nouveau demandé au chef du Futur d’enterrer l’option de la récusation. Le dossier libanais aurait d’ailleurs été au menu du sommet entre Emmanuel Macron et son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi, lundi à l’Élysée. « Toute éventualité, avec ses avantages et inconvénients, doit être profondément examinée », explique Moustapha Allouche, faisant savoir que « plusieurs conseils ont été adressés à M. Hariri pour donner une nouvelle chance aux contacts en cours ». Selon le numéro deux du Futur, « le gouvernement pourrait être formé en deux jours si le chef de l’État approuvait la vision de Saad Hariri au lieu de ne penser qu’aux intérêts de Gebran Bassil (le chef du Courant patriotique libre et gendre de Michel Aoun) ». Les haririens renvoient ainsi toujours la balle dans le camp de Baabda qu’ils accusent de bloquer sciemment les tractations gouvernementales. Saad Hariri pourrait même faire assumer au président et à son camp la responsabilité directe dans l’impasse actuelle quand il décidera de sortir de son silence dans les jours qui viennent, croit savoir Mounir Rabih. De son côté, dans une déclaration en marge de l’hommage qu’il a rendu lundi au mufti Hassan Khaled, assassiné le 16 mai 1989, le secrétaire général du Futur, Ahmad Hariri, a souligné que « le Premier ministre désigné prendra prochainement des positions claires. Il étudie toutes les options afin de prendre la bonne décision ».
Baabda se défend
En face, la présidence continue de se laver les mains du blocage. Elle réfute également vouloir voir Saad Hariri céder la place à une autre personnalité sunnite. Citées par notre correspondante Hoda Chédid, une source issue des milieux de Baabda dément toutes les « allégations » portant sur un « plan visant à pousser Saad Hariri à se récuser » et qui ont pour but de « camoufler l’échec de M. Hariri à présenter une mouture gouvernementale viable ». « Devant plusieurs personnalités, Michel Aoun a exprimé le souhait de collaborer avec le Premier ministre désigné », ajoute cette source, rappelant que Baabda ne demande au Premier ministre désigné qu’« une formule gouvernementale conforme au pacte national et respectant le partenariat ». Baabda a, en outre, démenti les informations rapportées par certains médias concernant la teneur de la lettre que M. Aoun a adressée samedi à son homologue français, Emmanuel Macron, via l’ambassadrice Anne Grillo, et selon lesquelles le président libanais a, dans cette missive, imputé la responsabilité du blocage à Saad Hariri.
La diplomate française s’est par ailleurs entretenue vendredi avec le leader du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt. De source proche de Moukhtara, on indique que, dans sa forme, la réunion était porteuse d’un message clair : le leader druze ne fait pas partie de ceux que Paris accuse de bloquer la formation du cabinet, même si aucun entretien n’a eu lieu entre M. Joumblatt et M. Le Drian lors de son dernier séjour au Liban. Ces mêmes sources évitent toutefois de se prononcer sur le fait de savoir si les discussions ont aussi porté sur le dossier gouvernemental. On laisse toutefois entendre que l’heure est à « une nouvelle approche » du dossier, sans donner plus de détails.
Le président de la Chambre Nabih Berry tient, lui, toujours à ce que ce soit le leader du Futur qui mette en place la nouvelle équipe. « Si Saad Hariri rend son tablier, les nouvelles consultations parlementaires (pour nommer son successeur) pourront ne pas aboutir », commente un proche de M. Berry contacté par L’OLJ. Il laisse ainsi entendre qu’il serait difficile de trouver une personnalité sunnite qui accepterait de prendre la relève sous les mêmes conditions.
Aucune percée au niveau de la formation du gouvernement n’est à espérer avant le retour à Beyrouth du Premier ministre désigné, Saad Hariri, en vacances depuis la semaine dernière aux Émirats arabes unis à l’occasion de la fête du Fitr. Si, durant ces jours fériés, rumeurs, démentis et contacts sont allés bon train, le dossier reste tributaire des décisions que pourrait...
commentaires (8)
Pourquoi Michel Aoun et son gendre-chéri ne disent-ils pas clairement et avec courage: "nous deux voulons un gouvernement avec les ministres dociles et qui nous conviennent, une justice à genoux devant nos ordres, un parti divin qui ferme les yeux sur notre corruption, en échange de notre silence sur leurs nombreux trafics de tous genres qui n'ont rien de divin. " Ainsi tout le monde saurait à quoi s'en tenir, en premier les nombreux visiteurs qui viennent écouter poliment les balivernes débitées et les promesses évaporées dès qu'ils ont tourné le dos. Et nous, Libanais, ainsi que tous ceux qui croient encore sincèrement pouvoir sauver notre pays, saurons exactement par quel bout commencer ! - Irène Saïd
Irene Said
16 h 54, le 18 mai 2021