Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a demandé mardi, après avoir entendu la juge Ghada Aoun, à l'Inspection judiciaire de "faire le nécessaire" quant au bras de fer judiciaire dans lequel la procureure générale près la cour d'appel du Mont-Liban est actuellement engagée avec le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate. Une tournure expressément allégée qui ne dit pas directement si la juge Aoun a personnellement été déférée devant l'Inspection judiciaire ou si des mesures à son encontre seront envisagées, dans un but apparent de dédramatiser l'affaire.
A l'issue de sa réunion hebdomadaire, en partie consacrée à cette affaire opposant les deux magistrats, le CSM a appelé la juge Ghada Aoun à se conformer à la décision de M. Oueidate, qui avait, en fin de semaine dernière, réorganisé les tâches judiciaires afin de dessaisir Ghada Aoun de certains dossiers liés aux crimes financiers, parmi lesquels une enquête pour blanchiment d’argent contre le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, et le PDG de la banque SGBL, Antoun Sehnaoui. Mme Aoun avait enfreint la décision du procureur en menant, vendredi et samedi, deux perquisitions très médiatisées de la société de change Mecattaf, dans le Metn.
Dans son communiqué, le Conseil a assuré que "le bras de fer en question n'est pas entre ceux qui veulent lutter contre la corruption et traduire les corrompus en justice et ceux qui veulent empêcher cela". "Il ne s'agit pas non plus d'une lutte entre le procureur général près la Cour de cassation et le procureur de la cour d'appel et surtout pas d'une querelle entre deux camps politiques comme certains l'ont présenté". Des propos qui visent à éloigner le dossier des tensions politiques entre le Courant patriotique libre, dont Mme Aoun est proche, et le courant du Futur, dans l'orbite duquel gravite M. Oueidate. Rappelant la chronologie des faits ayant mené à la situation actuelle, le texte souligne que "le CSM a décidé, à la faveur du rôle que lui définit la loi, de demander au procureur général près la Cour de cassation et au président de l'Inspection judiciaire de prendre les mesures adéquates concernant les agissements de la juge Ghada Aoun, et a décidé aussi de l'entendre, Mme Aoun n'ayant pas respecté les engagements qu'elle a pris devant le CSM et s'étant abstenue de se présenter devant la Cour de cassation". Pour ce qui est des évènements de vendredi et samedi derniers, le texte explique qu'"au vu des agissements (de Ghada Aoun) à la suite de la décision du procureur général, datée du 15 avril, le CSM a décidé de demander à l'inspection judiciaire de faire le nécessaire, et à la juge Aoun de se conformer à la décision du juge Oueidate".
Dans son texte, le CSM précise enfin que son président, Souheil Abboud, s'exprimera sur tous ces dossiers à une date ultérieure.
"Manifester pacifiquement est un droit"
La juge Aoun a été entendue par le CSM pendant près de quarante minutes mardi matin. A son arrivée au palais de Justice de Beyrouth, elle avait été accueillie par des vivats et slogans de partisans du Courant patriotique libre (CPL, aouniste).
Selon des informations des médias locaux, Ghada Aoun a en outre porté plainte contre plusieurs juges, dont Ghassan Oueidate, estimant que sa décision de redistribuer les tâches judiciaires et de lui retirer des dossiers spécifiques constitue une infraction au code de procédure pénale et impacte les enquêtes en cours.
La querelle entre Ghassan Oueidate et Ghada Aoun fait écho à la crise politique que connaît le Liban depuis plusieurs mois, alors que M. Hariri et le chef de l'État, Michel Aoun, ne parviennent pas à se mettre d'accord pour former le futur gouvernement. Ces tensions s'étaient traduites dans la rue, lundi, lors de sit-in sous tension de partisans aounistes et du Futur devant le palais de Justice en parallèle à une réunion du CSM.
Commentant ces derniers développements, le président Aoun a déclaré mardi que "manifester pacifiquement est un droit, tout comme celui de s'exprimer librement, et il doit être éloigné de toute logique confessionnelle". Il a encore appelé l'Etat à "assurer la justice pour tous", selon des propos rapportés par le compte Twitter de la présidence.
commentaires (7)
Du jamais vu nul part ! Du n’importe quoi, même pas digne d’une république bananière, une famille contre la République et son peuple. Désolant triste et très grave. C’est un coup d’Etat du Palais contre les institutions, et un abus de pouvoir de la future EX procureure.
Le Point du Jour.
19 h 56, le 21 avril 2021