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Nos Lecteurs ont la Parole

Nous attendons Godot

Jamais pays n’aura rendu un plus grand hommage à Samuel Beckett, père du théâtre de l’absurde. Pour sa pièce de théâtre En attendant Godot, nous lui avons offert, à titre de scène, les 10 452 km2 de notre pays et, à titre de figurants, l’ensemble des Libanais. Le Libanais s’est réduit délibérément au rôle de figurant et coule des jours sereins dans son apathie.

Dès lors que nous avons embrassé le ridicule comme sacerdoce, nous avons contribué à faire baigner notre pays dans l’absurdité totale.

Nous attendons tous Godot, sans savoir qui il est, qu’est-ce qu’il est et surtout s’il viendra un jour ! Qu’importe, dans la mesure où cette attente sert de justificatif à notre immobilisme complice ; nous faisons preuve d’une patience sans limite et d’une détermination inébranlable. La léthargie est salutaire, l’action est contraignante. L’action impose, la paresse repose.

Attendre Godot est devenu un culte qui disculpe la caste politique de ses crimes et exonère le peuple de son inertie.

Le spectacle de la scène libanaise nous convainc que l’indolence n’est pas médiocrité, au contraire c’est une école de pensée politique, faite sur mesure pour notre pays.

« Cela ne peut plus durer » est la rengaine que nous avons substituée à l’hymne national...

Et pourtant cela dure !

D’où viendra Godot ? Des États-Unis, de la France, de l’Iran, de l’Arabie saoudite, de la Chine ou de la Russie ? Cela nous est égal et on l’attend avec une ferveur religieuse et un espoir fou. Nous savons en tout cas qu’il ne viendra pas du Liban. Nous avons abdiqué notre contrôle du pays et sous-traité à différents régimes régionaux et internationaux notre pouvoir décisionnel.

Godot est-il la solution, la délivrance ou l’affranchissement ?

Godot apportera-t-il les conclusions relatives à l’explosion meurtrière du 4 août ?

Godot possède-t-il la baguette magique pour résorber le chaos ?

Godot a-t-il conçu l’algorithme pour nous sortir du marasme économique ?

Godot réussira-t-il à nous réhabiliter en nous dotant d’une conscience sociale et d’un « vaste programme » ? dirait le général de Gaulle.

Et si Godot était notre anéantissement comme pays et notre extinction comme peuple ?

Dans notre servitude volontaire on l’attendrait quand même en alléguant cette même impuissance qui nous conforte dans notre inaction.

« En temps de crise, les intelligents cherchent des solutions et les imbéciles des coupables. »

Continuons à chercher les coupables !

Avocat, membre du barreau du Québec

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Jamais pays n’aura rendu un plus grand hommage à Samuel Beckett, père du théâtre de l’absurde. Pour sa pièce de théâtre En attendant Godot, nous lui avons offert, à titre de scène, les 10 452 km2 de notre pays et, à titre de figurants, l’ensemble des Libanais. Le Libanais s’est réduit délibérément au rôle de figurant et coule des jours sereins dans son apathie.
Dès...

commentaires (1)

De cette description explicite et élégante de notre scène absurde , je vais retenir la conclusion : Chercher les coupables c est attendre Godot , oublier , pour le moment , les coupables et se concentrer sur les solutions c est la moitié du chemin qui est déjà faite.

Moujaes Alain G

15 h 11, le 09 avril 2021

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Commentaires (1)

  • De cette description explicite et élégante de notre scène absurde , je vais retenir la conclusion : Chercher les coupables c est attendre Godot , oublier , pour le moment , les coupables et se concentrer sur les solutions c est la moitié du chemin qui est déjà faite.

    Moujaes Alain G

    15 h 11, le 09 avril 2021

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