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Économie - Comptes de la BDL

Audit juricomptable : premier pas vers un hypothétique engagement sérieux

Le ministre sortant de l’Économie et du Commerce, Raoul Nehmé, a reproché lundi soir à son collègue des Finances Ghazi Wazni d’avoir contribué à faire échouer l’adoption d’une loi sur le contrôle des capitaux.

Audit juricomptable : premier pas vers un hypothétique engagement sérieux

La Banque du Liban a fait savoir qu’elle fournira certains des documents demandés à partir de vendredi. Photo João Sousa

Après des mois de fausses promesses et de tergiversations, la réunion entre la Banque du Liban (BDL), le ministère des Finances et la société américaine Alvarez & Marsal, annoncée la semaine dernière, a bien eu lieu hier en visioconférence et a débouché sur un calendrier qui permettrait de relancer l’audit des comptes de la banque centrale, ainsi que celui des autres institutions publiques.

Dans le communiqué fourni par le ministère des Finances, « le Conseil central de la BDL a confirmé son attachement à l’audit juricomptable » et indiqué qu’il fournira les documents demandés par Alvarez & Marsal « à partir de vendredi et jusqu’à la fin du mois ». L’audit des comptes de la BDL est l’une des principales réformes réclamées par les pays donateurs afin d’aider financièrement le Liban, englué dans une grave crise économique et financière depuis plus d’un an et demi.

Secret bancaire

Ainsi, dès vendredi au plus tard, la BDL devra transmettre au représentant du gouvernement qui siège auprès d’elle une « liste d’informations mise à jour » et précisera quels documents ne pourront pas être finalisés avant la fin du mois. En octobre, le magazine américain Forbes avait publié les 129 demandes adressées à la BDL, mais les réponses positives de cette dernière ne constituent que 54 d’entre elles.

Le représentant devra ensuite à son tour envoyer ces informations à la société d’audit dès que son contrat, en principe suspendu depuis novembre, sera « réactivé ». Il n'a toutefois pas été précisé de date ni s’il s’agira d’un nouveau contrat ou d’un contrat amendé pour y inclure les institutions publiques conformément à ce qu’avait décidé le Parlement en décembre dernier. Enfin, le communiqué indique que les participants se sont accordés sur la nécessité de communiquer afin de suivre la progression du dossier.

Le cabinet Alvarez & Marsal a été mandaté en septembre 2020 pour réaliser l’audit juricomptable des comptes de la BDL, une opération qui vise à remonter à la source des transactions inscrites dans le but de détecter d’éventuelles fraudes. Il avait fini par jeter l’éponge deux mois plus tard suite au refus de la banque centrale de fournir les informations demandées, refus motivé selon elle par l’existence de la loi sur le secret bancaire en vigueur qui l’empêcherait de divulguer certaines opérations. Cet argument a toutefois été contesté par plusieurs voix dont celle de la ministre sortante de la Justice, Marie-Claude Najm. Cette dernière a d’ailleurs une nouvelle fois souligné hier sur son compte Twitter qu’une modification de la loi sur le secret bancaire n’avait jamais été nécessaire pour permettre à la BDL de s’exécuter et qu’elle avait demandé « depuis octobre » au Conseil des ministres « d’ordonner à la BDL » de livrer les documents.

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Pas vraiment sur la même longueur d’onde, le Parlement a lui voté en décembre une loi qui lève pendant un an le secret bancaire sur les comptes de la BDL et ceux des institutions publiques enregistrées chez elles. Si les députés l’ont présenté comme un texte capable de débloquer la procédure, il a fallu attendre plusieurs mois et de sporadiques annonces de prises de contact principalement émises par le ministère des Finances pour aboutir à la réunion d’hier devant marquer le grand retour du cabinet d’audit sur ce dossier.

Contactée, Marie-Claude Najm a réaffirmé que cette loi n’avait finalement servi qu’à gagner du temps, comme elle l’avait souligné en décembre.

Selon une source au ministère des Finances, le Liban n’a pas encore payé les 151 000 dollars de pénalités dues au cabinet dans le cas où celui-ci arrêterait sa mission avant même de l’avoir commencée, un contrat totalisant 2,1 millions de dollars. Bien que la Banque du Liban ait indiqué en automne avoir envoyé les informations demandées par les deux autres cabinets mandatés en même temps qu’Alvarez & Marsal, KPMG et Oliver Wyman – le premier pour le volet purement comptable, le second pour les particularités relatives aux banques centrales –, leurs contrats dépendent des informations collectées par Alvarez & Marsal et aucune source interrogée auparavant n’a pu expliquer à L’Orient-Le Jour où en étaient ces audits.

Tiraillements

Le dossier n’a en tout cas pas fini d’alimenter les tensions au sein de la classe politique, qui n’est toujours pas parvenue à former un nouveau gouvernement neuf mois environ après la démission de celui de Hassane Diab. Le chef de l’État, Michel Aoun, a ainsi mis en garde lundi le ministère des Finances et la BDL contre toute tentative de saboter l’audit juricomptable, assurant qu’il les considérera comme « responsables au nom du peuple libanais » en cas de nouvel échec.

Les tiraillements entre le Courant patriotique libre du camp présidentiel et le mouvement Amal du président du Parlement Nabih Berry commencent d’ailleurs à s’étendre à d’autres décisions prises ou occultées depuis le début de la crise. Lundi soir, le ministre sortant de l’Économie et du Commerce, Raoul Nehmé (CPL), a ainsi accusé Ghazi Wazni d’avoir « fait échouer » l’adoption d’une loi sur le contrôle des capitaux, échec dont le Parlement assume également « une part de responsabilité », selon lui. Son collègue a rétorqué que c’était le Conseil des ministres qui avait fait capoter le projet de loi qu’il avait lui-même présenté, un projet initialement présenté par la BDL et qui semblait loin d’être au point, selon les documents que L’Orient-Le Jour avait pu consulter en mars 2020. La ministre de la Justice, plus proche du CPL que d’Amal, a elle assuré au Commerce du Levant en janvier que c’est bien le ministre des Finances qui avait retiré le projet de loi. Depuis octobre, un autre texte sur le sujet fait l’objet de discussions au sein d’une sous-commission parlementaire, sans qu’aucune avancée concrète n’ait encore été enregistrée. Tout comme l’audit de la BDL, l’instauration d’un contrôle formel des capitaux fait partie des réformes exigées par les partenaires susceptibles de venir financièrement en aide au Liban, dont le Fonds monétaire international que les dirigeants libanais ont approché en 2020 sans succès.

Pour mémoire dans Le Commerce du Levant

Que faut-il espérer de l’audit de la Banque centrale ?

L’adoption de ce texte pourrait mettre fin à l’inégalité de traitement que subissent les déposants libanais, à qui les banques ont imposé d’importantes restrictions tout en accordant en même temps, selon plusieurs voix dont celle de l’ancien directeur général des Finances, Alain Bifani, des passe-droit à certains de leurs clients privilégiés. Certains experts jugent cependant que l’instauration d’un tel contrôle aujourd’hui ne serait pas aussi pertinent qu’il ne l’aurait été en début de crise car beaucoup de déposants, parmi lesquels figureraient des banquiers et des personnalités politiquement exposées, ont déjà sorti leurs fonds du pays et parce qu’une telle loi pourrait faire hésiter les investisseurs à placer leur argent dans le pays.

Après des mois de fausses promesses et de tergiversations, la réunion entre la Banque du Liban (BDL), le ministère des Finances et la société américaine Alvarez & Marsal, annoncée la semaine dernière, a bien eu lieu hier en visioconférence et a débouché sur un calendrier qui permettrait de relancer l’audit des comptes de la banque centrale, ainsi que celui des autres institutions...

commentaires (3)

Cet audit aurait dû avoir lieu dans le courant du 4ème trimestre 2019. Depuis, les truands et leurs complices ont bloqué la procédure pour se donner le temps de détruire tout document compromettant.

Robert Malek

19 h 20, le 07 avril 2021

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Commentaires (3)

  • Cet audit aurait dû avoir lieu dans le courant du 4ème trimestre 2019. Depuis, les truands et leurs complices ont bloqué la procédure pour se donner le temps de détruire tout document compromettant.

    Robert Malek

    19 h 20, le 07 avril 2021

  • Certains experts jugent cependant que l’instauration d’un tel contrôle aujourd’hui ne serait pas aussi pertinent qu’il ne l’aurait été en début de crise car beaucoup de déposants, parmi lesquels figureraient des banquiers et des personnalités politiquement exposées, ont déjà sorti leurs fonds du pays et parce qu’une telle loi pourrait faire hésiter les investisseurs à placer leur argent dans le pays. Je dirais qu’au contraire si des sommes ont été transférées dans d’autres pays il serait plus facile de mettre la main dessus et de dénoncer ces abus de biens publiques par les pays concernés qui voient des comptes louches s’ouvrir alors que la provenance et les tenants des comptes sont suspectés de fraudes. Ils ont sûrement atterri quelque part alors pourquoi les pays bénéficiaires ne collaborent pas pour dénoncer ce trafic et geler les comptes? Les associations de malfaiteurs auraient du mal à renier les faits. Pour ce faire il faut que les libanais spoliés attaquent en justice auprès des instances internationales les voleurs et les bénéficiaires de ces comptes qui pourraient être vus comme des receleurs.

    Sissi zayyat

    12 h 21, le 07 avril 2021

  • toujours des accusations des uns et contre accusations des autres, jamais la verite ne sera connue. remercions la crasse dirigeante pour cela

    Gaby SIOUFI

    10 h 17, le 07 avril 2021

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