Au lendemain d'un nouveau bras de fer entre le chef de l'Etat libanais, Michel Aoun, et le Premier ministre désigné, Saad Hariri, l'ONU, les Etats-Unis et la Ligue arabe ont exprimé leur inquiétude face au blocage politique et à la crise aiguë qui frappe le pays et réitéré leur appel à la formation rapide d'un cabinet. Ces nouvelles pressions internationales viennent s'ajouter à de précédentes déclarations faites la veille par la France et l'Union européenne.
Le Liban est toujours sans gouvernement plus de sept mois après la démission du cabinet de Hassane Diab, dans la foulée de la double explosion le 4 août 2020 au port de Beyrouth. Lundi, le processus gouvernemental était une fois de plus revenu à la case départ à l'issue d'une très brève et orageuse réunion entre MM. Aoun et Hariri, qui campent tous les deux sur leurs positions et s'accusent mutuellement du blocage. Ces derniers développements politiques interviennent alors que le pays est englué dans une crise socio-économique sans précédent, qui a fait sombrer plus de la moitié de la population sous le seuil de pauvreté.
Toutes les parties politiques doivent "faire prévaloir l'intérêt national et mettre un terme à l'obstruction politique, qui aggrave les souffrances du peuple libanais", a déclaré la Ligue arabe dans un communiqué. Le secrétaire général, Ahmad Aboul Gheit, "est très inquiet de ce qu'il se passe" au Liban et des "querelles" qui risquent de mener le pays vers une "crise aiguë dont les caractéristiques sont désormais manifestes". "Nous sommes prêts à faire ce que l'on nous demande pour apaiser la situation et parvenir à une équation permettant au Premier ministre désigné de former son gouvernement, conformément à l'initiative française, sans obstruction", ajoute la Ligue. Et de rappeler que le futur cabinet devra "sauver le pays et mettre en œuvre des réformes essentielles qui répondent aux aspirations du peuple".
Stratégie du bord du gouffre
De son côté, le département d'État américain a réitéré son appel aux dirigeants libanais à mettre un terme à leur "stratégie partisane du bord du gouffre" pour former un nouveau gouvernement. "Nous sommes inquiets de voir les derniers développements au Liban et l'inaction apparente des dirigeants du pays face aux crises multiples", a déclaré Jalina Porter, porte-parole adjointe de la diplomatie américaine lors d'un point-presse. La formule "d'inaction apparente" avait déjà été lancée la semaine dernière par Mme Porter pour évoquer les responsables libanais. "Les responsables libanais doivent mettre de côté leur stratégie partisane du bord du bord du gouffre et former un gouvernement", a-t-elle ajouté, soulignant que cette équipe devra "rapidement mettre en œuvre les réformes essentielles et attendues depuis longtemps, restaurer la confiance des investisseurs et sauver l'économie du pays".
Le patriarche maronite Béchara Raï s'est pour sa part entretenu au téléphone lundi soir avec le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, sur la situation au Liban. Lors de cet appel, le responsable onusien a exprimé "sa grande préoccupation" et rappelé l'importance de la formation rapide d'un gouvernement et de ne pas entraîner le pays dans "des conflits". De son côté, le chef de l'Eglise maronite a dénoncé "l'incapacité" des dirigeants à "s'asseoir ensemble pour se mettre d'accord sur un projet de sauvetage, alors que la faim et la pauvreté se répandent et que la monnaie nationale s'écroule et pousse le pays vers un effondrement total". "Les Libanais attendent que l'ONU joue un rôle de premier plan" face à cette accumulation de crises, a-t-il ajouté, avant de faire part au haut diplomate des "raisons qui l'ont poussé à demander la neutralité et l'organisation d'une conférence internationale sur le Liban".
La veille, le chef de la diplomatie française Jean-Yves le Drian avait demandé à l'Union européenne d'actionner "des leviers" contre les responsables politiques libanais pour qu'un gouvernement soit formé et des réformes lancées dans ce pays "dans la dérive". "Tout le monde sait ce qu'il faut faire, mais c'est bloqué pour des intérêts particuliers, parce que les responsables politiques n'arrivent pas à engager le processus", avait encore accusé M. Le Drian lors d'une réunion à Bruxelles avec ses homologues de l'UE. "Nous avons eu l'occasion de dire à la France que nous partageons ses préoccupations. Le Liban s'effondre. La situation est catastrophique et le moment n'est plus aux querelles politiques", avait renchéri le chef de la diplomatie européenne, l'Espagnol Josep Borrell à l'issue de la réunion. "Si les pressions politiques ne suffisent pas, il faudra réfléchir à ce qui peut être fait et nous avons demandé au service pour l'action extérieure un rapport sur les autres possibilités", avait-il indiqué sans prononcer le mot sanction. Mercredi dernier, le président français Emmanuel Macron avait déjà jugé nécessaire de "changer d'approche" au Liban, accusant les responsables libanais d'avoir failli à leurs responsabilités. M. Macron s'est fortement impliqué, en vain jusqu'à présent, pour tenter de débloquer la crise politique libanaise en lançant en septembre 2020 une initiative en faveur du pays du Cèdre. Avant ces déclarations du chef de l'État français, une source diplomatique française avait indiqué à des journalistes qu'Européens et Américains doivent accroître les "pressions" sur la classe politique libanaise, ce qui pourrait in fine aussi passer par des "sanctions".
commentaires (8)
Ces dirigeants de la communauté internationale devraient baisser les yeux quand ils s'adressent à nos dirigeants ... Ils semblent tellement sincères ... dans leurs déclarations que l'on serait tenté de les croire. Ils ne mentent pas sur les différentes listes proposées, c'est la vérité qui se trompe. Enfermés qu'ils sont dans cette logique destructrice et cette forme d'immobilisme caractérisée par une sorte d'état cataleptique, on en vient à espérer qu'ils disparaissent de la planète terre (vœu pieux)....
C…
19 h 58, le 23 mars 2021