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Politique - Focus

Aoun-Hariri : cinq ans d’amour et de haine

La relation entre les deux hommes a été sans cesse perturbée par la présence du gendre du président.

Aoun-Hariri : cinq ans d’amour et de haine

Le 18 février 2015, Saad Hariri recevait à la Maison du Centre Michel Aoun, député à l’époque, accompagné de son gendre, Gebran Bassil. Photo d’archives ANI

29 octobre 2019. Après dix jours de manifestations dans tout le Liban réclamant la chute du gouvernement, Saad Hariri annonce sa démission sans avoir prévenu personne de sa décision. Se sentant lâchés dans la fosse au lion, les aounistes vivent ce moment comme une trahison qu’ils ne pardonneront jamais au leader sunnite. La tension est déjà très forte entre Baabda et la Maison du Centre. Mais les deux parties sont encore liées par ce qu’il reste du compromis présidentiel de 2016 qui les contraint, bon gré mal gré, de trouver un terrain d’entente.

Quelques jours plus tard, c’est dans cet état d’esprit que Saad Hariri se rend au palais présidentiel. Il s’agit d’activer les concertations autour d’une formule gouvernementale qui puisse apaiser la rue et répondre aux vœux de changement des contestataires. Le chef du courant du Futur est à nouveau positionné pour diriger l’équipe ministérielle. Il a cependant une condition : pas question d’intégrer Gebran Bassil au sein du nouveau gouvernement. Aux yeux de Saad Hariri, cela ne fait aucun doute : le chef du Courant patriotique libre, l’homme le plus conspué par la rue, est le principal responsable de la débâcle actuelle. Mais le président Aoun ne l’entend pas de cette oreille. « Vous êtes arrivés ensemble, Gebran et toi. Vous partirez ensemble », lance-t-il à son hôte. Ce dernier répond du tac au tac : « Excellence, c’est avec vous que je suis arrivé et c’est ensemble que nous partirons. Le compromis (présidentiel), c’était entre vous et moi. » Ce jour-là, un trait définitif est tiré sur cette entente qui avait permis à Michel Aoun d’accéder à la tête de l’État. Comme un symbole, c’est le troisième personnage – toujours lui – de cette relation mouvementée qui a fini par séparer les deux autres.

Le président vient de consacrer une nouvelle équation : Saad Hariri contre Gebran Bassil. Pour le chef de l’État, pas question que le premier soit à la tête d’un gouvernement qui ne compte pas parmi ses membres le second. Cela reviendrait à faire de son gendre le bouc émissaire de la scène politique. Celui-là même qui fut pourtant, tout au long des années du compromis, l’homme le plus puissant – à l’exception bien sûr de Hassan Nasrallah – du Liban. Ultérieurement, après que Saad Hariri a réussi à s’imposer, en octobre dernier, pour former un nouveau gouvernement sans Gebran Bassil, Michel Aoun a dû accepter ce fait à contre-coeur, posant toutefois comme condition d’obtenir la minorité de blocage au sein du cabinet.

« Celui qui m’a privé de la présidence est mort »
Entre Saad Hariri et Michel Aoun, la relation d’amour et de haine commence discrètement en 2014 et non en 2016, comme beaucoup tendent à le croire. L’histoire aurait pu rester secrète. Mais un Libanais tombe sur Gebran Bassil et Saad Hariri assis ensemble dans un restaurant à Paris. Michel Aoun les rejoint un peu plus tard. Le témoin en question s’empresse de faire part de ce qu’il a vu à un homme politique libanais de premier plan, qui mène sa petite enquête et découvre qu’une rencontre à Rome avait précédé celle de Paris.

Le Liban se prépare à la présidentielle alors que le mandat de Michel Sleiman approche de sa fin. Personne ne sait ce qui a déclenché ce rapprochement, ponctué de pourparlers au cours desquels Saad Hariri, Michel Aoun et Gebran Bassil sont sur le point de parvenir à un accord identique à celui qu’ils ont fini par sceller en 2016. « Ce sont des personnalités vaticanes, françaises et britanniques qui ont facilité ce rapprochement », affirme l’homme politique précité qui a souhaité garder l’anonymat.

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Mais l’activité diplomatique européenne ne fait pas l’unanimité. Du côté de Riyad, le principal parrain de Saad Hariri, on voit d’un très mauvais œil ce rapprochement entre leur protégé et le camp chrétien allié au Hezbollah, sa bête noire. En faisant passer le message au chef sunnite, l’Arabie va faire avorter l’accord. Le chef de la diplomatie saoudienne de l’époque, le prince Saoud al-Fayçal, s’envole pour Paris après des contacts entre Bkerké et Riyad qui voulaient tous les deux éviter un vide présidentiel et empêcher le Hezbollah de paralyser la scène politique jusqu’à ce que son allié chrétien, Michel Aoun, soit élu à la tête de l’État. Mais les négociations pour une entente sur un successeur à Michel Sleiman s’avèrent ardues. L’idée d’une prolongation du mandat de ce dernier est évoquée. Saoud al-Fayçal en discute dans la capitale parisienne avec le chef druze Walid Joumblatt. Le 9 juillet 2015, le décès du chef de la diplomatie saoudienne est annoncé. Michel Aoun jubile en comprenant que la voie est désormais ouverte : « Celui qui m’a privé de la présidence est mort. »

La machine aouniste se remet en marche, profitant d’une conjoncture internationale que le tandem Aoun-Bassil considère être en sa faveur. L’accord nucléaire vient en effet d’être signé entre l’Iran et les cinq grandes puissances du Conseil de sécurité + l’Allemagne. Au Liban, les Forces libanaises et le courant du Futur sentent le vent tourner en faveur du Hezbollah. Saad Hariri décide de reprendre l’initiative en soutenant la candidature de Sleiman Frangié, lui aussi allié au Hezbollah. Mais l’accès à la présidence du leader de Zghorta serait le pire des scénarios pour Samir Geagea, qui décide alors d’enterrer la hache de guerre et d’appuyer la candidature de Michel Aoun à Baabda. Saad Hariri est coincé et n’a d’autre choix que de reprendre les négociations avec le tandem Aoun-Bassil. Riyad finit par céder à contre-cœur, alors que le leader sunnite promet qu’il va réussir à éloigner les aounistes du Hezbollah.

Saad Hariri et Michel Aoun. Photo d'archives AFP

« Mon ami Gebran »
Le fondateur du CPL est élu le 31 octobre 2016 à la présidence de la République. Contre la volonté du président du Parlement Nabih Berry, sans qui rien ne pouvait se faire auparavant. Saad Hariri prend ici tous les risques. Celui de s’éloigner de ses partenaires traditionnels, Nabih Berry et Walid Joumblatt, et de perdre le soutien de son parrain sur la scène régionale. Et comme si cela n’était pas suffisant d’être en situation de faiblesse face au duo CPL-Hezbollah et dans son mano a mano avec Gebran Bassil dont la personnalité est beaucoup plus forte que la sienne.

Tous ces risques vont devenir réalité au fil du mandat jusqu’à la rupture en 2019. Mais avant cela, pendant trois ans, le Premier ministre va accepter toutes les règles du compromis et même développer un rapport affectif avec le chef de l’État qu’il identifie à une figure paternelle. La relation atteint son pic après l’épisode de la séquestration de Saad Hariri en Arabie saoudite, en novembre 2017. Michel Aoun refuse d’accepter la démission du Premier ministre, présentée sous la contrainte, et se bat pour assurer son retour au Liban. Le duo se transforme presque en tandem. Lors des élections législatives de 2018, le leader sunnite appelle à voter pour « (son) ami Gebran », dans le caza du Liban-Nord III, là où se joue la bataille entre tous les chefs chrétiens.

Le soulèvement populaire va avoir raison de cette idylle qui ressemblait déjà de plus en plus à un amour déçu. La séparation est officialisée lors du dernier Conseil des ministres avant la démission du chef du gouvernement. La séance qui se tient ce jour-là à Baabda est animée, raconte un ministre présent à la réunion. Les ministres planchent sur le programme de réformes économiques, et Gebran Bassil insiste pour y faire passer son plan de réforme du secteur de l’énergie tel qu’il le prévoit, en dépit de l’opposition des ministres du Hezbollah, d’Amal, des FL et du PSP. Le ton monte. Saad Hariri n’intervient pas. Il ne veut pas se disputer avec Gebran Bassil ni se heurter aux autres. Le chef du CPL et Waël Bou Faour, ministre de l’Industrie, en arrivent presque aux mains. Pour éviter une escalade, Michel Aoun, Saad Hariri, l’ancien ministre de la Santé Jamil Jabak et son collègue qui relate cet épisode se rendent dans une salle adjacente pour déjeuner. Saad Hariri en profite pour demander au président de convaincre son gendre d’ajourner l’examen du plan pour l’énergie. À ce moment-là, le chef du CPL entre en trombe dans la salle et se tient debout entre les deux hommes, le dos tourné à Michel Aoun. Il s’adresse en ces termes à Saad Hariri : « Je vous dis que ce plan va passer, ce qui signifie qu’il va passer. Ce que je veux doit se réaliser. » Le Premier ministre essaie de le calmer et de le convaincre d’en ajourner l’examen à cause de la situation explosive dans le pays, mais Gebran Bassil, visiblement énervé, hausse encore plus la voix et, l’index levé en direction de Hariri, lance : « Je te dis qu’il va passer. » C’en est trop pour Jamil Jabak, qui, choqué par le manque de respect de son collègue à l’adresse du Premier ministre, est sur le point de le gifler. Saad Hariri est furieux. Il regagne la salle de réunion et, sans s’asseoir, annonce que la séance est levée alors même qu’elle est présidée par le chef de l’État. Plusieurs ministres le suivent pour le calmer. Il rentre de nouveau, se rassoit, s’excuse et demande au président de lever la séance. Mais c’est la goutte de trop pour le leader sunnite, régulièrement humilié par Gebran Bassil en Conseil des ministres.

Voilà cinq mois désormais que celui qui est Premier ministre désigné depuis octobre ne parvient pas à s’entendre sur la formation d’un gouvernement avec Michel Aoun. Ce dernier a tout fait pour essayer de remplacer son ancien partenaire. Les deux hommes doivent se revoir aujourd’hui, mais l’optimisme n’est pas de mise. « Bassil tente de maintenir l’équation : lui contre Hariri », soutient un proche du leader sunnite, convaincu que le chef du CPL veut négocier tout un package qui inclurait la prochaine échéance présidentielle. Mais, jeudi dernier, Saad Hariri a présenté pour la première fois la réalité, à ses yeux, de la nouvelle équation : lui contre Michel Aoun. Autrement dit, soit ils s’entendent, soit ils tombent tous les deux.

29 octobre 2019. Après dix jours de manifestations dans tout le Liban réclamant la chute du gouvernement, Saad Hariri annonce sa démission sans avoir prévenu personne de sa décision. Se sentant lâchés dans la fosse au lion, les aounistes vivent ce moment comme une trahison qu’ils ne pardonneront jamais au leader sunnite. La tension est déjà très forte entre Baabda et la...

commentaires (9)

voila les consequences du mariage religieux agree par eux deux. divorce qui va trainer sans aucun espoir

Gaby SIOUFI

17 h 11, le 22 mars 2021

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • voila les consequences du mariage religieux agree par eux deux. divorce qui va trainer sans aucun espoir

    Gaby SIOUFI

    17 h 11, le 22 mars 2021

  • A Halloween story !

    Wow

    13 h 22, le 22 mars 2021

  • JE NE CROIS PAS QUE SAAD HARIRI EST HAINEUX. QUAND A L,AUTRE L,HISTOIRE EN ATTESTE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 57, le 22 mars 2021

  • "Le patriotisme c'est l'amour des siens. Le nationalisme c'est la haine des autres." Romain Gary. Pour l'amour du ciel, degagez et laissez nous batir une nation juste!!!

    Sabri

    09 h 37, le 22 mars 2021

  • RIEN QU,A VOIR LA PHOTO. QUELLE DIFFERENCE. L,UN NOBLE FILS D,UN VRAI LIBANAIS QUI A PREFERE LE MARTYRE AU LIEU DE SE VENDRE AUX ETRANGERS. L,AUTRE... ALLIE DES MERCENAIRES VENDUS A L,ETRANGER. DITES-MOI QUI SONT VOS AMIS JE VOUS DIRAIS QUI VOUS ETES, DIT L,ADAGE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 57, le 22 mars 2021

  • Le malheur pour le Liban c’est que les deux candidats a la presidence, aoun et frangieh, sont sous le controle du Hezbollah, pour ne pas en dire plus. Mais aoun obtient la palme des retournements de veste et des fausses promesses. Le ‘’champion’’ de la lutte contre l’envahisseur syrien et de la milice sectaire armee iranienne, s’est avere etre leur homme !!! Aoun apporte la poisse au Liban. Ceux qui ont appuye sa candidature le savaient

    Goraieb Nada

    08 h 39, le 22 mars 2021

  • Un zéro 0 entêté + un zéro 0 faible, manipulés par un 3ème zéro 0 sans scrupules, résultat = un immense zéro 0 déstructeur pour tout le pays ! - Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 02, le 22 mars 2021

  • Cinq ans qu'ils se haïssent et que la population les hait, et ils sont encore là ! Tous les dirigeants du pays sont haïs par leur peuple. La révolution doit prendre de l'ampleur pour les virer tous.

    Robert Malek

    01 h 22, le 22 mars 2021

  • GEAGEA ET HARIRI ONT APPORTE LA MALEDICTION AU LIBAN ET LUI ONT CONFIE AVEC LES MERCENAIRES LE SORT DU PAYS ET DU PEUPLE. S,EN DEBARRASSER AUJOURD,HUI C,EST LEUR DEVOIR.

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 27, le 22 mars 2021

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