Le patriarche maronite Béchara Raï a critiqué dimanche les "nouvelles propositions et conditions excessives" liées à la formation du prochain gouvernement attendu depuis août, estimant que ces conditions ont pour seul objectif de "bloquer" le processus gouvernemental. Le prélat maronite en outre exprimé l'espoir que la réunion prévue lundi entre le chef de l'État Michel Aoun et le Premier ministre désigné Saad Hariri mènera à la formation d'un cabinet "d'initiatives nationales et non de marchandages politiques".
Ce nouveau sermon de Mgr Raï intervient alors que le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait "conseillé" jeudi soir à Saad Hariri de former un gouvernement "techno-politique", où les partis auraient leur mot à dire dans l'attribution des portefeuilles, et non une équipe de spécialistes indépendants, réclamée par la rue et la communauté internationale. Cette demande a été saluée samedi par le Courant patriotique libre (aouniste). MM. Aoun et Hariri se sont réunis jeudi pour la dix-septième fois, après plusieurs semaines de froid entre les deux hommes sur fond de querelles concernant notamment la répartition des portefeuilles et la nomination des ministres. Ils avaient convenu de se revoir demain lundi afin de faire avancer le processus.
"Pour sortir de la crise, nous encourageons toutes les initiatives qui permettront de former le gouvernement", a affirmé Mgr Raï lors de son homélie dominicale. Il a dans ce cadre espéré que la réunion prévue demain donnera "des résultats positifs" et qu'un cabinet de "technocrates indépendants" sera formé "après une longue attente et l'effondrement total" du pays. Soulignant que ce gouvernement devra être capable de "mener des réformes, renforcer l'économie libérale et productive", il a demandé également que les ministres qui le composent appliquent la loi et mettent en œuvre les décisions prises par le Conseil des ministres afin de "protéger les intérêts de l'État et des citoyens". "Nous attendons un gouvernement qui prendra des initiatives nationales et non un cabinet de marchandages politiques, qui entraveront son efficacité".
Pas plus de 24 heures
Béchara Raï a encore appelé Michel Aoun et Saad Hariri à "renverser la table" face à tous ceux qui veulent faire obstacle aux prises de décision. "Nous en avons assez des nouvelles propositions et des conditions excessives dont l'objectif est uniquement de bloquer" la formation du cabinet et de "tergiverser". "La mise sur pied d'un cabinet pour le Liban et les Libanais ne doit pas prendre plus de 24 heures", a lancé le patriarche. Il a estimé que "si certains veulent faire assumer au prochain cabinet les divisions régionales et la course à la présidence de la République, cela risque d'approfondir le fossé entre la population et les autorités et de mener a chaos".
Mgr Raï a par ailleurs lancé une nouvelle fois son appel à la neutralité du pays "qui est souhaitée par la majorité des Libanais parce qu'elle est dans l'intérêt de tous et qu'elle permettrait d'atteindre "la souveraineté du pays, aux niveaux interne et international". Et de réitérer qu'une conférence internationale consacrée au Liban, à laquelle il appelle depuis plusieurs semaines, aura pour objectif de "soigner" le pays de ses maux "qui sont tous issus d'une application incomplète du document d'entente nationale et de la Constitution".
Il a en enfin appelé "les pays arabes et occidentaux amis" du Liban à "faire preuve de solidarité" et fournir des aides "matérielles et humanitaires" au peuple libanais menacé de famine et victime de la classe politique au pouvoir". "Il ne faut pas lier l'aide apportée à la population à la formation du gouvernement, à la présidence ou aux armes illégales", a-t-il conclu.
"Qui assume ses responsabilités ?"
Déplorant pour sa part que "se fane et se flétrit" le cèdre du Liban "atteint par le parasite de la corruption", le métropolite de Beyrouth, Elias Audi, a souligné que "l'espoir continue à exister, même s'il est mince". "Nous nous désolons de voir et d'entendre les comportements de nos dirigeants qui risquent la vie du peuple et sa sécurité" et se "renvoient la balle alors que le peuple pleure parce qu'il a faim, qu'il est malade et poussé au chômage". "Que Dieu vous donne une chance de vous repentir", a-t-il lancé à l'attention des dirigeants.
"La livre libanaise a atteint son point le plus bas et le ministère des Finances est absent, le ministre de l'Energie nous annonce l'obscurité, celui de l'Intérieur nous annonce que le pays n'est pas en sécurité, le Premier ministre sortant menace de se récuser... Qui assume ses responsabilités dans ce pays" ?, a encore fustigé Mgr Audi. Et le métropolite de craindre que "l'effondrement insensé" actuel ne mène à "une collision mortelle si les consciences des dirigeants ne sont pas éveillées et qu'un gouvernement n'est pas formé". "Les citoyens n'ont cure du nombre de ministres, du tiers de blocage et des quotes-parts de chaque zaïm, a-t-il ajouté. Ils ne veulent que vivre dignement, de manière pacifique, dans un pays libre, souverain et indépendant". "Nous appelons donc les responsables de la formation du cabinet à poursuivre leur réunion de lundi jusqu'à ce qu'un solution soit trouvée", a-t-il lancé.
Le mufti jaafarite, Ahmad Kabalan, a de son côté estimé, dans un communiqué, que la réunion de lundi à Baabda allait être "déterminante", réclamant "un compromis national qui respecte les équilibres" internes. S'adressant aux personnes "qui œuvrent dans les coulisses" en vue de la formation du cabinet, il les a appelé à "prendre en considération la faim dont souffrent les gens et l'effondrement de la livre libanaise". "La patience des gens a atteint ses limites et nous ne voulons pas que le pays sombre dans l'inconnu, a-t-il mis en garde. Ce qui attend les Libanais, si un gouvernement de sauvetage n'est pas formé, est une crise infernale".
commentaires (11)
Zero chef d’orchestre pour rendre le Liban aux libanais ?
Wow
13 h 27, le 22 mars 2021