Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a donné jeudi soir plusieurs « conseils » au Premier ministre désigné Saad Hariri, concernant la forme du cabinet que celui-ci tente de former depuis octobre, mais également la politique que devrait, selon lui, mener cette future équipe. Anticipant ainsi une formation prochaine du gouvernement, quelques heures après un nouvel entretien entre le chef de l’État Michel Aoun et Saad Hariri, il a entre autres mis en garde contre les « risques » liés aux négociations avec le Fonds monétaire international, qui avaient été entamées en fin d’année dernière mais sont suspendues en l’absence d’un cabinet, alors que le pays connaît une crise socio-économique et financière de grande ampleur. Le numéro un du Hezbollah a par ailleurs demandé que des solutions soient trouvées en cas de blocage prolongé de la formation du gouvernement, une situation régulière au Liban, évoquant la possibilité d’une « révision de la Constitution qui respecterait l’équilibre confessionnel ».
Le discours de Hassan Nasrallah est intervenu quelques heures après une dix-septième réunion entre Michel Aoun et Saad Hariri pour débloquer le processus gouvernemental. Les deux hommes ne s'étaient plus entretenus depuis plusieurs semaines, chacun campant sur ses positions concernant la mise sur pied du cabinet et les différents points controversés, comme l'octroi du tiers de blocage au président et à la formation qu'il a créée et l'attribution des ministères de l'Intérieur et de la Justice. MM. Aoun et Hariri ont convenu de se revoir lundi afin de faire avancer les choses. Le nouveau cabinet doit plancher sur une série de réformes, alors que le pays traverse une crise socio-économique et financière de grande ampleur depuis l'été 2019, marquée par une hyperinflation, une explosion du chômage et une paupérisation à grande échelle. Les répercussions de cette crise, notamment la forte volatilité de la livre depuis début mars et les annonces des autorités concernant une réduction des subventions sur les produits de première nécessité, ont déclenché une reprise du mouvement de contestation.
Les causes de la crise
« Nous sommes en pleine crise crise économique, financière et politique majeure », a déclaré le chef du parti chiite dans un discours télévisé à l’occasion de la « Journée du blessé ». Face à cette situation, il a souhaité qu’un « bon diagnostic » des causes de cette crise soit établi, reprochant à certains d’utiliser cette situation pour « régler leurs comptes avec d’autres parties ». « La crise dans laquelle nous nous trouvons a plusieurs causes et il faut toutes les résoudre pour venir à bout de cette situation », a-t-il ajouté, citant les « politiques économiques et financières, les dettes publiques, la corruption, les querelles politiques, les guerres israéliennes contre le Liban et l’occupation, ainsi que la guerre lancée par les Américains en Syrie, la contrebande, le gel des avoirs dans les banques, l’explosion dans le port de Beyrouth, le mouvement de contestation du 17 octobre et les manquements politiques ». Hassan Nasrallah, qui a estimé que toutes les parties se partagent les responsabilités de la situation actuelle dans laquelle se trouve le pays, a toutefois qualifié « d’injustes » les accusations selon lesquelles tous les problèmes que connaît le pays sont dus « aux armes du Hezbollah ». Estimant par ailleurs qu’une crise d’une telle ampleur « ne pourra pas être résolue en un an ou deux », il a indiqué que la formation d’un nouveau gouvernement ne serait que « le début d’un long processus » de règlement.
Cabinet techno-politique
Au sujet de la formation du cabinet, le dignitaire chiite a rappelé que son parti avait « facilité » les tractations et accepté différentes suggestions comme la nomination de technocrates ou la rotation des portefeuilles. Il a toutefois mis en doute la capacité d’un gouvernement composé uniquement de technocrates de faire face aux crises actuelles. « Un gouvernement de technocrates, qui doit faire face à de tels défis et mettre sur pied des plans courageux, pourra-t-il prendre les responsabilités de telles décisions ? », s’est interrogé Hassan Nasrallah, qui a toutefois souligné qu’il soutiendrait tout cabinet quelle que soit sa forme et ne reviendrait pas sur ses engagements. S’adressant ensuite à Saad Hariri, il lui a recommandé de « revoir » sa formule et de former un cabinet « techno-politique », au sein duquel toutes les parties seraient représentées « à visage découvert » et se partageraient la « boule feu ». « Ceux qui veulent échapper à leurs responsabilités devront être traduits en justice », a-t-il martelé. Il a encore justifié son point de vue selon lequel une équipe de technocrates « ne peut pas sauver le pays » en estimant qu’un cabinet qui sera amené à prendre des « décisions impopulaires » aura besoin du soutien de tous les partis vis-à-vis de leurs bases, afin de ne pas « tomber dans deux semaines ou deux mois sous la pression de la rue ». « Un gouvernement de technocrates qui ne serait pas protégé par les forces politiques ne pourra pas protéger le pays », a-t-il insisté.
La Chine et le FMI
Le chef du Hezbollah a encore souligné l’importance pour le futur cabinet d’établir des « plans » clairs concernant les chantiers qu’il devra entreprendre, en matière entre autres de réformes administratives et financières. Il a commencé par réitérer son appel à une coopération « avec l’Est autant que l’Ouest ». « Pékin a affirmé être prêt à investir 12 milliards de dollars, mais certains ont peur des États-Unis », a-t-il regretté, soulignant que Moscou et Téhéran avaient également fait part de leur volonté de venir en aide au Liban. Il a également rappelé la proposition faite par l’Iran de fournir des hydrocarbures en étant payé en livres libanaises et non en dollars. Le leader chiite a aussi mis en garde contre les risques dans les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI), qui peuvent conduire à une politique « de prêts et d’endettement ». Il a critiqué certaines voix qui se disent « prêtes à accepter n’importe quelle condition » pour de telles négociations, appelant à poser des bases « qui soient claires pour le peuple » et dans l’intérêt du pays. Le dignitaire chiite a cité les risques d’une augmentation du coût de la vie, d’un taux de change « flottant » de la livre libanaise ou de « licenciements de dizaines de milliers de fonctionnaires ».
Révision constitutionnelle
Par ailleurs, Hassan Nasrallah a déploré le fait qu’alors que le Liban est sans gouvernement depuis le mois d’août « il n’y a pas de responsable » capable de prendre de décisions face aux crises, chaque dirigeant estimant ne pas avoir les prérogatives requises. Il a dans ce cadre proposé « deux solutions » au cas où le blocage gouvernemental se poursuivrait. La première repose sur une « réactivation » du gouvernement sortant de Hassane Diab, lequel « ne doit pas poser de condition » à une telle éventualité. Cette critique voilée à l'égard de Hassane Diab intervient alors que ce dernier s'était dit, début mars, « disposé à s'abstenir de remplir ses fonctions si cela contribue à la formation d'un gouvernement ».
La seconde suggestion avancée par le dignitaire consiste en une « révision de la Constitution » qui « respecterait l’équilibre confessionnel » en cas de crise gouvernementale. Par équilibre confessionnel, Hassan Nasrallah entend non une parité « islamo-chrétienne », mais un équilibre entre chrétiens, sunnites, chiites et druzes.
Le risque de guerre civile
En ce qui concerne la dépréciation de la livre libanaise, qui a atteint les 15 000 LL cette semaine et connaît depuis début mars une très forte volatilité, le chef du Hezbollah a pris à partie le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé. « M. le gouverneur, vous avez une grande responsabilité » face à cette dépréciation, a-t-il lancé, l’appelant à « mettre un terme à l’augmentation incompréhensible du taux de change ». « Si vous ne pouvez rien faire, pourquoi êtes-vous encore alors à votre poste », a-t-il lancé.
Commentant les manifestations de ces dernières semaines, Hassan Nasrallah a appelé à « agir de manière raisonnable et responsable », malgré la « colère et les souffrances ». Il a mis en garde contre des parties « internationales et internes » qui veulent « déclencher une guerre civile » au Liban. « Sous aucun prétexte, qu’il s’agisse de la crise économique ou de la formation du gouvernement, personne ne peut pousser le pays à la guerre civile », a-t-il martelé, soulignant qu’au Liban « la majorité de la population » détient des armes. « C’est un risque qui existe », a-t-il déploré, soulignant toutefois que le Hezbollah n’avait aucune intention « de recourir aux armes » pour régler les crises actuelles.
commentaires (25)
IL REVE DE DEVENIR LE GUIDE SUPREME D,UNE REPUBLIQUE ISLAMIQUE AU LIBAN MEME SI CONFINEE AU SUD POUR DONNER DES EXCUSES MONDIALES A ISRAEL ET LE PROTEGER AINSI INDIRECTEMENT..
LA LIBRE EXPRESSION
20 h 11, le 19 mars 2021