C’est avec circonspection que le courant du Futur a accueilli le discours prononcé samedi par le patriarche maronite Béchara Raï. Les propositions faites par le prélat maronite auraient pourtant dû, en apparence, faire l’affaire du camp haririen. Son appel au respect du principe de neutralité et à une conférence internationale tout autant que ses piques en direction du Hezbollah, sans pour autant le nommer, sont assez proches des fondamentaux de la rhétorique du Futur. Mais un soutien sans modération le forcerait quelque part à sortir du modus vivendi qui définit sa relation avec le parti chiite depuis déjà plusieurs années. Dans le contexte actuel, Saad Hariri ne semble pas vouloir privilégier cette option.
Malgré leurs divergences stratégiques, le courant du Futur et le Hezbollah coopèrent assez facilement ces dernières années, et ont toujours besoin l’un de l’autre. Le Hezbollah a soutenu Saad Hariri à plus d’une reprise dans sa reconquête du Sérail, alors que ce dernier est le seul à pouvoir lui offrir la couverture sunnite dont il a absolument besoin. « Le compromis de 2016 qui a permis à Michel Aoun d’accéder à Baabda est avant tout une entente entre le Hezbollah et le courant du Futur. Dans cette histoire, le président n’est qu’un comparse, résume une source proche du courant haririen. Le courant du Futur ne veut pas choquer le Hezbollah plus qu’il ne l’est déjà depuis le discours du patriarche. »
Le parti a publié un communiqué mettant en avant cette volonté de ménager la chèvre et le chou à l’issue de la visite de sa délégation à Bkerké lundi. « Nous renouvelons notre soutien à la déclaration de Baabda », a affirmé le député Samir el-Jisr, en référence au texte adopté en juin 2012, sous la présidence de Michel Sleiman, qui prévoyait notamment dans son article 12 de garder le Liban à l’écart des conflits et des axes régionaux et internationaux, de manière à lui épargner les retombées négatives des crises régionales. La référence à la déclaration de Baabda plutôt qu’au principe de neutralité est un choix tactique vraisemblablement destiné à rassurer le Hezbollah dans la mesure où le parti chiite l’avait avalisée. Pour lui, c’est un concept plus rassurant que celui de neutralité positive que le patriarche veut consacrer dans la Constitution.
« Grand écart »
Officiellement, le parti haririen refuse toutefois d’avaliser cette thèse. « Le courant du Futur n’a aucune réserve au sujet de la neutralité. La déclaration de Baabda prévoit aussi la neutralité. Et Saad Hariri désire même aller plus loin et souhaite parvenir à une neutralité qui puisse assurer la stabilité du Liban », commente Moustapha Allouche, vice-président de la formation. Le courant haririen a pourtant décidé d’ignorer la question de la tenue d’une conférence internationale pour le Liban pour résorber la crise. Un choix conscient, soutient M. Allouche, qui argue que « la priorité pour Hariri est pour l’heure de former un gouvernement de spécialistes loin des tiraillements et non dans l’optique d’une alliance avec le Hezbollah ». Une manière de couper court aux accusations qui pourraient être adressées au camp haririen. « Nous joignons nos voix à celle du patriarche concernant l’importance de former le gouvernement le plus rapidement possible », a d’ailleurs indiqué le député Samir el-Jisr, à l’issue de son entretien avec le prélat maronite. « Le Hezbollah ne pourra en aucun cas devenir un allié de Saad Hariri. Il y a actuellement une trêve dont l’objectif est de parvenir à mettre en place un gouvernement d’entente pour freiner l’effondrement », soutient Moustapha Allouche.
Pour Bkerké, le soutien du courant du Futur est des plus importants. Sans lui, l’initiative du patriarche, fortement soutenue par les Forces libanaises, perd une partie de sa portée nationale pour se limiter au camp chrétien. Difficile aussi, sans un appui franc de Hariri à l’initiative de Bkerké, d’imaginer le leader druze Walid Joumblatt se joindre complètement à cette démarche. Alors que le discours du patriarche a eu un retentissement très positif au sein de la communauté sunnite, c’est-à-dire la base populaire de Saad Hariri, « le Premier ministre désigné est acculé à tenter de faire le grand écart », explique la source proche du Futur. Avant d’ajouter : « Mais n’est-ce pas ces voltiges qui lui ont permis de surfer sur toutes les vagues pour survivre ? »
commentaires (10)
4 ont le masque sur 16 personnes??? soit ils sont stupides et inconscients soit ils ont déjà reçu le vaccin deux fois avant les autres qui en ont droit
Georges Zehil Daniele
08 h 42, le 04 mars 2021