Bouleversé par la perte d’un ami
Sauvagement tué
Par un braconnier,
L’éléphant réunit pour une veillée
Dans la jungle meurtrie
Tous ceux qui comme lui
De liberté étaient épris.
Les langues se délièrent,
Les commentaires fusèrent
Et les remarques allèrent bon train.
Chacun y mit du sien,
Prit son courage à deux mains,
Fustigeant et condamnant
Ce crime répugnant.
L’âne qui ne s’était jamais prononcé
Demanda le silence à l’assemblée.
« Vous tous, ici présents,
Semblez très étonnés
De m’entendre parler,
Mais venu est le temps
De me manifester.
Dans cette jungle où je suis né
Il y a bien des années,
J’ai connu
Des périodes de vaches maigres,
Quand le foin manquait.
J’ai vu
Des écumeurs
Par leurs actes violer
Notre terre sacrée.
J’ai entendu
De nombreux prédateurs,
Aux desseins destructeurs
Et aux langues fourchues
Cracher leur venin
Sans aucune retenue.
Mais malgré tout ce raffut,
J’ai rarement perçu
Une réelle volonté
De nous en libérer.
Nos yeux on se les couvrait,
Reniant la réalité
Qui pourtant nous narguait.
Jouir du présent,
On se disait.
Vive la prospérité,
On se mentait.
Des baudruches on était,
Alors que le mal veillait.
Certes, à un moment donné
Nous nous sommes réveillés,
Mais pour vite resombrer
Dans les bras de Morphée.
Je vois parmi vous des sourcils froncés,
Des hochements de tête et des airs stupéfaits,
Quelques ricanements et autres simagrées,
Vous sentez-vous donc visés ? »
Quelques voix s’élevèrent
Pour protester
Contre l’impétuosité
De cet équidé
Que rien ne semblait
Pouvoir arrêter.
De sa trompe l’éléphant
Imposa le silence.
« La réalité peut blesser,
Mais au lieu de l’invectiver,
Apprenez à écouter,
Ayez donc du respect,
Et laissez-le s’exprimer. »
Ne se faisant pas prier,
Le bourricot reprit son envolée.
« Ce qui est étonnant
Ou plutôt désolant,
Est le fait d’accepter
D’être encore bafoués
Dans notre dignité
Par ces roitelets.
Nous sommes, hélas, en majorité,
Un troupeau de moutons égarés,
Dans nos peurs recroquevillés,
Et qui suivent sans broncher
Des escrocs incontestés
Dont on ne doit rien espérer.
Sommes-nous donc leurs laquais ?
Souffrons-nous de cécité
Pour ne pouvoir tirer
Après des décennies
Aucune moralité ?
Jusqu’à quand sapristi
Leurs crimes resteront impunis ?
Si nous voulons remédier
À cette monstruosité
Et souhaitons récupérer
Honneur et Liberté,
Il est temps de nous affirmer.
Rejetons ces charlatans
Qui veulent nous diviser.
Resserrons nos rangs
Et allons de l’avant,
Unis dans le même destin.
Sinon, à jamais
Nous serons damnés. »
Son plaidoyer terminé,
On aurait entendu une mouche voler.
Lui dont on se moquait
À longueur de journée
Avait démontré
Que tout baudet qu’il était,
La sagesse il possédait.
Et de ce fait,
Il gagna désormais leur respect.
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Sauvagement tué
Par un braconnier,
L’éléphant réunit pour une veillée
Dans la jungle meurtrie
Tous ceux qui comme lui
De liberté étaient épris.Les langues se délièrent,
Les commentaires fusèrent
Et les remarques allèrent bon train.
Chacun y mit du sien,
Prit son courage à deux mains,
Fustigeant et condamnant
Ce crime...
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