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Culture - Entretien

Cynthia Zaven : L’exil est plus un état d’esprit qu’un déplacement géographique

« Madrigal d’essilio » (Madrigal for Exile) de la compositrice Cynthia Zaven ouvre ce soir, mercredi 3 février, l’édition 2021 de l’ECLAT Festival for New Music à Stuttgart. Ce festival entièrement en ligne est diffusé depuis le Theaterhaus de Stuttgart. Y participent également les Libanais Raed Yassine et Youmna Saba.

Cynthia Zaven : L’exil est plus un état d’esprit qu’un déplacement géographique

Cynthia Zaven : « La musique est un moyen unique d’organiser la pensée et filtrer le bruit ambiant. » Photo Raisa Galofre

Vous êtes principalement connue pour les musiques de films, entre autres celles accompagnant les films de votre compagnon de vie Vatché Boulghourjian. Est-ce la première fois que vous écrivez des compositions qui ont une vie indépendante ?

J’ai beaucoup écrit pour le théâtre et également pour la danse ; j’ai fait de la musique improvisée, mais c’est vrai que je n’ai pas beaucoup écrit de musiques qui ont leur propre vie. La dernière fois c’était l’année dernière, un morceau pour le festival Musikprotokoll en Autriche.

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Quand avez-vous écrit « Madrigal d’essilio » sachant que vous avez traversé des moments très durs qui vous ont touchée de près, qu’il s’agisse de l’explosion du 4 août et du Covid-19 ?

Depuis mai 2019, le travail a énormément évolué. Les inspirations ont changé et le titre a pris mille tournures. Le processus était lent et difficile, mais la musique est un moyen unique d’organiser la pensée et filtrer le bruit ambiant. Travailler avec une échéance a contribué à la discipline, laquelle a aidé à garder un certain équilibre mental après tout ce que nous avons enduré (et ce que nous endurons toujours). Le travail de compositeur est un travail solitaire, donc rien n’avait vraiment changé pour moi à part les circonstances et le contexte qu’il est impossible de nier. Avec la désillusion qui s’est installée en chacun de nous, parler d’exil était chose assez courante. Mais on peut très bien rester là où on est et se sentir comme un(e) exilé(e) de tout. L’exil est plus un état d’esprit qu’un déplacement géographique.

Parlez-nous de « Madrigal d’essilio ». Qu’évoque ce morceau ? D’où puise-t-il son inspiration ?

Madrigal d’essilio est inspiré de la Divine comédie de Dante, et du poème de Sayat Nova intitulé Tamam Ashkhar, qui veut dire le monde entier. Ce qui m’a surtout intéressée dans la Comédie, ce sont les références astronomiques que fait Dante. Il y a beaucoup de mentions d’étoiles, de ciel, donc l’infini dans un monde limité dans lequel nous existons et nous nous enfermons.

D’autre part, Sayat Nova, troubadour arménien du XVIIIe siècle, a voyagé dans tout le Caucase avant l’existence des États-nations. Il parlait l’azéri, le géorgien (il était né en Géorgie), l’arménien et l’arabe. Ses poèmes et chansons sont imprégnés de sécularisme romantique. Les deux poètes étaient exilés et écrivaient avec leur langue vernaculaire. D’ailleurs, Madrigal signifie étymologiquement « langue maternelle ».

Comment êtes-vous entrée en contact avec le festival ECLAT ?

ECLAT est un des plus vieux festivals de musique nouvelle en Europe, il en est à sa 41e édition. Cette année, il réunit 35 compositions comprenant 24 premières mondiales, dont Madrigal d’essilio. La directrice du festival est venue vers moi en mai 2019 à travers Sharif Sehnaoui et le festival Irtijal. À l’époque, je travaillais sur d’autres projets et j’étais un peu réticente à l’idée de m’engager dans un nouveau travail. J’ai mis beaucoup de temps à m’y mettre. Aujourd’hui, je me dis heureusement que cette commission est arrivée pour m’aider à surmonter l’épreuve magistrale qu’a été l’année 2020.

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Trente-cinq représentations, donc, auront lieu dans ce festival. Quant à vous, comment avez-vous procédé pour les répétitions et l’interprétation ?

Oui, 35 représentations, entre autres celles des musiciens libanais Raed Yassine (Short biography of a snake) et Youmna Saba (I covered the planet with a dried leaf) qui font partie du programme. Raed vit à Berlin et Youmna à Paris. Les deux sont à Stuttgart parce qu’ils vont jouer en direct demain soir. Je suis au Liban et ma partition a été écrite pour les six chanteurs de la « Neue Vocalsolisten ». C’est un magnifique ensemble vocal qui existe depuis 1984. Toutes les répétitions ont été faites à distance, à travers l’envoi de vidéos, chose encore inimaginable il y a un an. Une performance théâtrale ou musicale perd énormément sans la présence d’un public vivant. L’impact du public réel est tel qu’il coécrit, en fait, la pièce. C’est pour cela qu’un spectacle vivant n’est jamais le même deux fois de suite. Le seul intérêt de la diffusion c’est qu’il permet à un plus grand public d’assister à la représentation. Mais assister à une performance sur scène restera une expérience unique et irremplaçable.

Liens utiles

Lien du programme :

https://eclat.org/eclat-home.html

Lien pour l’achat des billets (vous pouvez l’avoir à 1 euro) :

https://eclat-festival.tickettoaster.de/produkte/31062-tickets-eclat-1-digital-stream-online-am-03-02-2021

« Madrigal d’essilio » ouvre le programme à 19h :

https://eclat.org/terminleser-eclat/ECLAT-2021_voice-affairs.html

Et pour en savoir plus sur le morceau :

https://eclat.org/eclat-2021-1-zaven.html

Vous êtes principalement connue pour les musiques de films, entre autres celles accompagnant les films de votre compagnon de vie Vatché Boulghourjian. Est-ce la première fois que vous écrivez des compositions qui ont une vie indépendante ? J’ai beaucoup écrit pour le théâtre et également pour la danse ; j’ai fait de la musique improvisée, mais c’est vrai que je n’ai pas beaucoup...

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