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Société - Covid-19

Au Liban-Nord, les municipalités sont seules face à la pandémie

Les autorités locales travaillent avec les moyens du bord et s’en sortent jusqu’à présent.

Au Liban-Nord, les municipalités sont seules face à la pandémie

Des personnes désirant se faire tester pour le coronavirus devant l’hôpital gouvernemental de Halba. Photo Firas Abdallah

Face à la double crise financière et sanitaire qui frappe le pays de plein fouet à un moment où l’État, grand absent du paysage, est au bord de la faillite, les municipalités et les autorités locales au Liban-Nord, notamment au Akkar, se sont retrouvées souvent seules face à la pandémie. « Nous travaillons avec les moyens du bord en espérant parvenir à aplanir autant que possible la courbe ascendante de contamination et de mortalité, le temps que la grande majorité des Libanais soient vaccinés », confie à L’Orient-Le Jour Imad Labaki, mohafez du Akkar. Dans cette région abandonnée par l’État, où près de 60 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, les responsables locaux ne peuvent pas cependant anticiper leurs actions à long terme, faute de planification et de ressources de la part du gouvernement. « Cela fait vingt jours que nos hôpitaux ont atteint leur capacité maximale », déplore Imad Labaki. Dans certains villages du Akkar, des médecins volontaires prennent en charge des malades à domicile. Afin d’atténuer la pression sur les établissements hospitaliers, mais aussi de faire en sorte que l’état de ceux qui présentent des symptômes légers ne s’aggrave pas. « Les médecins ont pris l’initiative de se rendre eux-mêmes chez les patients qui présentaient des symptômes plus ou moins légers et de les traiter à domicile pour tenter d’alléger le fardeau porté par les hôpitaux, notamment l’hôpital gouvernemental de Halba », explique le mohafez. Cet établissement est le seul hôpital gouvernemental de toute la région, précise-t-il. Selon lui, dès le début de la crise sanitaire, une chaîne de coordination et de solidarité a été créée dans le Akkar. « Les piliers de cette chaîne sont : l’hôpital gouvernemental de Halba, l’équipe du programme de surveillance épidémiologique relevant du ministère de la Santé, le bureau des opérations du mohafazat, les municipalités et la Croix-Rouge », précise Imad Labaki, assurant que les patients contaminés sont suivis de près dès la sortie des résultats jusqu’à leur dernier jour de quarantaine. Entre le mohafazat du Akkar et le ministère de la Santé, la coordination est nécessaire pour gérer les affaires relatives à l’hôpital gouvernemental ainsi qu’aux tests de dépistage offerts gratuitement par le ministère aux habitants. « Nous organisons deux journées par semaine, les lundis et jeudis, pour effectuer les tests dans les localités les plus touchées par le virus », explique le responsable.

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Dans le caza du Koura, la situation est différente. Interrogé à ce sujet par L’OLJ, Karim Abou Karim, président de l’union des municipalités de la région, déplore l’absence quasi totale de coordination avec le ministère de la Santé. « Quand l’État central est absent, ce sont les municipalités et les autorités locales qui en paient le prix », affirme-t-il. « Au début de la crise, le ministère de la Santé assurait une centaine de tests aux habitants de la région, mais aujourd’hui ce n’est plus le cas », ajoute l’élu. En l’absence d’hôpital gouvernemental dans la région, les municipalités doivent puiser ailleurs les ressources dont elles ont besoin pour que les frais d’hospitalisation des patients les plus démunis soient pris en charge. « Grâce à la générosité des donateurs de la région, nous avons réussi à consacrer un étage entier au traitement des patients atteints du Covid-19 à l’hôpital de Koura » qui est un établissement privé, raconte Karim Abou Karim. Ce département dispose, note-t-il, d’une vingtaine de lits normaux et de six respirateurs. Par ailleurs, l’union des municipalités de Koura collabore étroitement avec l’Université de Balamand (UOB) qui avait lancé, dès le début de la crise, une application appelée Hayati consacrée au dépistage des cas. « Avec l’UOB, nous nous partageons les rôles : l’union des municipalités prend en charge la pratique des tests et l’université analyse les résultats dans ses laboratoires », explique-t-il.

Non loin du Koura, dans le caza de Zghorta, les autorités locales semblent bénéficier d’une autosuffisance. Joint au téléphone, le président du conseil municipal de Zghorta, Antonio Frangié, affirme que la coordination avec le ministère de la Santé se limite aux recommandations émises par ce dernier. « Que ce soit au niveau des mesures de bouclage ou encore des recommandations à l’adresse des hôpitaux privés, nous agissons suivant les dispositions et les décisions du ministère », assure-t-il.

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« Nous disposons de trois hôpitaux privés qui reçoivent tous des patients du coronavirus. Quant à l’hôpital gouvernemental d’Ehden, il était censé être entièrement consacré au traitement des cas positifs, mais cette mesure n’a pas été prise. Cela est dû en partie aux atermoiements du ministère, mais surtout à une contestation de la part des responsables et du personnel de l’hôpital qui estiment ne pas disposer des ressources humaines et logistiques nécessaires pour prendre en charge des patients contaminés par le virus », explique Antonio Frangié. Pour ce qui est des tests PCR, la municipalité les prenait en charge pendant un certain temps, mais c’est surtout la Fondation René Moawad qui les assume pour ceux qui ne peuvent pas les payer.

À Tripoli, grande ville du Liban-Nord et la plus pauvre du pays, les autorités locales et les associations caritatives affirment devoir contrer deux fléaux : le Covid-19 et la pauvreté. « Un hôpital de campagne (offert par le Qatar) a été aménagé sur un terrain adjacent à l’hôpital gouvernemental, mais il n’est pas encore opérationnel, faute de ressources », précise Jamil Jeblaoui, membre du conseil municipal de Tripoli et responsable du comité de gestion de la crise sanitaire. Selon lui, « il ne sert à rien de construire des hôpitaux de campagne alors que des étages entiers dans les hôpitaux privés et gouvernementaux sont déserts. Il suffit de les équiper pour recevoir des patients atteints du coronavirus. » Par ailleurs, c’est en coordination avec les associations caritatives et la société civile que la municipalité assure aux patients les plus démunis 250 machines à oxygène. « Le patient l’utilise tant qu’il en a besoin et la rend à l’association en question une fois hors de danger », affirme-t-il, avant de poursuivre : « C’est ainsi que ces machines font le tour des patients atteints. »

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Dans cette même perspective, Jamil Jeblaoui souligne le sens de la solidarité chez les habitants de Tripoli : « Nous n’aurions pas pu répondre à la crise sans le coup de main apporté par les associations et sans le soutien que les habitants se donnent mutuellement, notamment dans les quartiers pauvres. » Qu’en est-il du nombre des cas enregistrés quotidiennement dans une ville qui ne peut pas se permettre de respecter le confinement ? « Récemment, et alors que la flambée des cas enregistrés dans le pays devient alarmante, Tripoli enregistre une vingtaine de cas pas jour », dit-il. « Cela ne me surprend pas, parce que je suis de plus en plus convaincu qu’une immunité collective s’est formée, ou du moins est en train de se former, à Tripoli », ajoute le responsable. Selon lui, 200 tests PCR seulement sont effectués tous les jours à Tripoli par le ministère de la Santé.Dans les différentes régions du Liban-Nord et du Akkar, la gestion de la crise varie suivant les circonstances et les ressources des autorités locales. Outre l’espoir de voir disparaître le coronavirus bientôt, les responsables espèrent une plus grande implication de la part du ministère de la Santé parce que la situation risque de déraper à n’importe quel moment. Pour l’heure, elle reste plus ou moins sous contrôle. « Nous voulons surtout qu’il y ait suffisamment d’unités de soins intensifs consacrées aux patients pour réduire autant que possible le taux de mortalité », conclut Imad Labaki.

Face à la double crise financière et sanitaire qui frappe le pays de plein fouet à un moment où l’État, grand absent du paysage, est au bord de la faillite, les municipalités et les autorités locales au Liban-Nord, notamment au Akkar, se sont retrouvées souvent seules face à la pandémie. « Nous travaillons avec les moyens du bord en espérant parvenir à aplanir autant que...

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