C’est finalement aujourd’hui, avec un jour de retard sur le programme, que sera officiellement annoncée la plateforme électronique qui doit centraliser les demandes de vaccination à l’échelle nationale, a annoncé hier le ministre de la Santé, au terme d’une ultime réunion de coordination avec les parties concernées. Les inscriptions seront essentiellement sectorielles (syndicats, groupes, administrations, ordres professionnels, forces de l’ordre, etc.). Toutefois, les inscriptions individuelles resteront possibles pour ceux qui ne relèvent d’aucune catégorie précise, a souligné le président de la commission nationale de gestion de la vaccination, le Dr Abdel Rahman Bizri. Les centres de santé civils et militaires seront des partenaires essentiels du ministère dans la gestion de la plateforme d’inscriptions, a précisé le praticien. On sait déjà qu’une quarantaine d’hôpitaux privés et gouvernementaux figurent parmi les « centres de vaccination » accrédités dans les différentes régions, et que plusieurs équipes y seront à l’œuvre pour un rythme soutenu de vaccinations.
Diagnostiqué positif au Covid-19, mais n’ayant présenté que peu de symptômes, le ministre de la Santé a repris ses activités hier, après une période de confinement en hôpital, pour présider cette réunion précédant le lancement de la plateforme.
Éviter les conflits horaires
La plateforme est programmée de sorte à éviter les conflits horaires, a précisé le Dr Hamad Hassan, et des listes d’attente seront créées en cas de retard dans l’administration du vaccin. Les personnes inscrites recevront des courriels de confirmation de leur identité, de leur rendez-vous de vaccination, de certification de vaccination et des conseils en cas d’éventuels effets secondaires.
Le ministre a tenu à assurer que le lancement de cette plateforme se fait en toute transparence, avant de préciser :
– Que les centres de vaccination seront équitablement répartis entre la capitale et les divers mohafazats, loin de la confusion et des polémiques que propagent certains moyens de communication sociale.
– Que les inscriptions de groupe (syndicats, groupes, administrations) sont des garanties que tout se passera dans l’ordre et que personne ne risque d’être oublié.
– Que des critères scientifiques internationaux ont été retenus pour sélectionner les catégories prioritaires pour la vaccination dans la première phase, parmi lesquelles figurent les travailleurs de santé. Toutefois, dans les critères sélectionnés pour l’établissement des catégories prioritaires figurent aussi les tranches d’âge (Hamad Hassan n’a pas précisé à partir de quel âge une personne serait considérée prioritaire, NDLR) et les personnes souffrant de maladies chroniques ou immunitaires, de sorte que ne soient pas négligées les personnes qui seraient particulièrement exposées si elles ne sont pas vaccinées. Le ministre de la Santé s’est félicité de ce que les montants destinés à l’achat du vaccin Pfizer ont été rapidement dégagés, et que « les droits du Liban à la protection sociale ont été respectés, dans la justice, la transparence et l’égalité ».
Les ombres au tableau
À ce tableau voulu idyllique brossé par Hamad Hassan, il convient d’apporter des nuances concernant le rythme de la vaccination, la distribution équitable des vaccins, son coût et son caractère exhaustif.
Une partie de ces réserves, notamment concernant le nombre de Libanais qui seront vaccinés, ont d’ailleurs été déjà exprimées la semaine dernière dans le cadre d’une visioconférence, par le directeur régional de la Banque mondiale, Saroj Kumar Jha. L’accord des autorités avec Pfizer/BioNTech concernant un million et demi de doses permettra de vacciner 750 000 personnes contre le Covid-19, à raison de deux doses par personne à trois semaines d’intervalle. Toutefois, il faut savoir que cette quantité ne parviendra au Liban que par étapes.
Par ailleurs, financé par le gouvernement et en partie par la BM dans le cadre de la plateforme Covax (permettant aux pays pauvres d’accéder au vaccin), le Liban pourra importer 2,6 millions de doses de vaccins de différents fabricants, ce qui devrait permettre de vacciner 1,3 million de personnes supplémentaires. Ces deux dispositifs porteraient donc à deux millions cinquante mille le nombre de personnes vaccinées.
Il y a donc une zone d’ombre sur la campagne de vaccination, qui est censée s’adresser à la totalité de la population libanaise, estimée à 6,5 millions de personnes, compte tenu de la présence au Liban de quelque 2 millions de réfugiés syriens et palestiniens, qu’il est hors de question d’exclure de la campagne pour des raisons autant éthiques que médicales.
« Manque de transparence »
Le directeur régional de la BM a d’ailleurs exprimé voici quelques jours ses inquiétudes quant au « manque de transparence » de la stratégie du gouvernement libanais pour répondre à la pandémie. Le responsable précise que les travailleurs de la santé puis les populations de plus de 65 ans, enfin les catégories à haut risque présentant des comorbidités sont prioritaires, mais il a manifesté son inquiétude de voir les non-Libanais délaissés, particulièrement les communautés réfugiées et les travailleurs étrangers. « Les réfugiés syriens de plus de 65 ans ou présentant une comorbidité devront aussi être vaccinés en priorité. Il doit en être de même des travailleurs migrants », a averti M. Jha. « Tout le monde doit être en sécurité, sinon le pays ne vaincra pas la pandémie », a-t-il insisté, promettant « l’escalade » au cas où les autorités ne respecteraient pas ce protocole international et retarderaient la vaccination des non-Libanais.Si le responsable de la BM est si inquiet, c’est parce que le prix des vaccins Pfizer est subventionné à hauteur de 50 % (34 millions de dollars) par son organisation, à condition qu’il parvienne aux catégories prioritaires, même si elles sont non libanaises. « Le processus doit être conforme aux standards internationaux, et la BM entend bien veiller à sa bonne application », a mis en garde le responsable.
Lors de l’ultime réunion de coordination, hier, le président de l’ordre des médecins, Charaf Abou Charaf, a souhaité de son côté que l’importation de vaccins soit largement ouverte au secteur privé, à des conditions avantageuses, afin de pouvoir achever la campagne de vaccination de la population libanaise en 2021. Il a toutefois insisté pour que toutes les campagnes de vaccination passent par la plateforme, afin qu’un compte exact soit tenu du pourcentage de la population vaccinée, sachant que l’objectif est d’atteindre 80 % de celle-ci. Par ailleurs, le Dr Abou Charaf a mis en garde contre les importations à compte personnel de vaccins par certaines personnalités politiques, qui le distribuent à leurs proches, un procédé qui pourrait en fin de compte fausser les statistiques nationales en y introduisant un élément d’incertitude. Plus généralement, le praticien, qui a demandé à ce que les prisonniers ne soient pas oubliés, a mis en garde contre la multiplication des exceptions aux priorités posées par le ministère de la Santé, ce qui serait de nature à en compromettre la transparence et l’équité.
commentaires (4)
Quelle est l'adtrsse URL (lien internet) pour l'accès à la plateforme ?Il n y a rien à cette heure ci 11h30 sur le site du ministère.
Egeileh Antoine
11 h 49, le 28 janvier 2021