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Société - Explosions du port

Ces trois hommes d’affaires syriens qui seraient impliqués dans l’acheminement du nitrate d’ammonium

George Haswani, Imad et Moudallal Khouri sont proches du régime de Damas et n’ont cessé de voler à son secours ces dix dernières années.

Ces trois hommes d’affaires syriens qui seraient impliqués dans l’acheminement du nitrate d’ammonium

Le port de Beyrouth au lendemain de la double explosion, le 5 août 2020. AFP

Ils sont tous les trois syro-russes, tous les trois proches du régime Assad et tous les trois mis en cause dans l’enquête diffusée sur la chaîne télévisée al-Jadeed mardi soir révélant leur implication dans l’acheminement vers le port de Beyrouth de la cargaison de nitrate d’ammonium responsable de la double explosion qui a dévasté la capitale le 4 août dernier. Trois hommes d’affaires qui traîneraient derrière eux une longue liste de combines et de stratagèmes frauduleux au profit de Damas. Trois personnages – George Haswani, Imad et Moudallal Khouri – désormais liés à la société qui a acheté le matériel explosif stocké dans le port de la capitale en 2013. « Ce qu’ils ont de commun – bien qu’il s’agisse d’une caractéristique propre à la majorité des acteurs de premier plan émergents en Syrie – c’est ce rôle de commerçant intermédiaire pour acheminer des produits importants pour le régime syrien ou encore négocier avec d’autres acteurs politiques », résume Joseph Daher, maître enseignant de recherche à l’Université de Lausanne et professeur affilié à l’Institut universitaire européen de Florence.

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Premier nom mêlé à l’affaire, celui de George Haswani, un chrétien originaire de Yabroud, dans le nord de Damas, et homme de main du régime syrien. Selon l’investigation menée par le journaliste Firas Hatoum pour al-Jadeed, Savaro Limited, la société responsable de l’achat et de l’acheminement du nitrate d’ammonium en juillet 2013 – soit quatre mois avant l’entrée de la cargaison au port –, serait en réalité une entité fictive servant de paravent à Hesco Engineering and Construction Company (Hesco) dont M. Haswani est le propriétaire. L’entreprise est considérée comme une filiale de la société russe Stroytransgaz du milliardaire proche du président russe Vladimir Poutine, Gennady Timchenko. George Haswani est quant à lui, à travers Hesco, l’un des magnats derrière la mise en œuvre de projets pétroliers en Syrie pour la compagnie russe. En 2015, M. Haswani est sanctionné par Washington pour avoir facilité l’achat de pétrole au groupe État islamique pour le compte du gouvernement syrien, accusation qu’a toujours réfutée le principal intéressé. Selon une information rapportée par le Financial Times la même année, Haswani a un « accès direct » au président syrien Bachar el-Assad et négociait alors des contrats entre l’organisation jihadiste et le régime, exploitant également une installation de gaz naturel à Tabqa, dans la province de Raqqa, gérée conjointement par Damas et l’EI. « Haswani a négocié avec l’EI la protection des Russes sur place et le fait qu’ils puissent faire des allers-retours vers l’aéroport de Deir ez-Zor où le régime avait gardé une présence militaire. Et en échange, ils se partageaient les recettes du pétrole et de l’électricité vendues au régime », rappelle Ziad Majed, politologue et professeur à l’Université américaine de Paris. « Après l’opération menée par un commando américain à Deir ez-Zor au cours de laquelle Abou Sayyaf – l’homme des finances de Daech – a été tué, des documents retrouvés chez lui montraient des accords signés par Haswani », poursuit-il.

Affaires des religieuses de Maaloula

D’après les sources en libre accès sur le site web du gouvernement britannique Companies House, l’enregistrement de la société Hesco daterait du 4 août 2005. La compagnie aurait été dirigée par M. Haswani jusqu’au 20 octobre 2014, puis aurait été dissoute le 17 novembre 2020, soit trois mois et demi seulement après l’explosion du port de Beyrouth. Peu d’informations circulent sur la nature exacte des relations qui unissent George Haswani et le régime syrien. Mais selon le site d’opposition syrien All4Syria, l’homme d’affaires aurait épousé en secondes noces une femme alaouite originaire de Lattaquié et liée a la famille Assad. « Cela aurait permis à George Haswani de consolider son réseau dans la région de Yabroud, mais aussi parmi les hommes d’affaires de cette génération Assad qui profite des projets notamment dans le secteur de l’énergie », commente Ziad Majed. Depuis le déclenchement du conflit syrien, les fonctions de Georges Haswani ne se sont pas limitées à la sphère économique. Son nom était ainsi apparu une première fois pour son rôle dans l’affaire dite des religieuses de Maaloula en mars 2014. Il aurait ainsi facilité la remise en liberté de ces treize nonnes grecques-orthodoxes qui avaient été enlevées par le Front al-Nosra (branche syrienne d’el-Qaëda).

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M. Haswani semble être à l’image d’une classe d’hommes d’affaires syriens sur laquelle le régime Assad s’est de plus en plus appuyé pour financer la guerre à mesure que ses caisses se vidaient. Il fait partie de ces magnats proches du pouvoir qui ont activement contribué au financement des milices à la solde de Damas, en déboursant notamment des sommes importantes pour le groupe Dir al-Qalamoun, qui opérait, jusqu’à sa dissolution en 2018, dans les montagnes éponymes vers la frontière libanaise.

Réseau Khouri

Georges Haswani n’est pas le seul businessman syrien qui semble impliqué dans l’affaire de l’acheminement du nitrate d’ammonium vers le port de Beyrouth. Deux autres noms sont également cités, ceux de Imad et de Moudallal Khouri. La société fictive précitée Savoro Limited partage, d’après l’investigation de Firas Hatoum, la même adresse au Royaume-Uni que IK Petroleum Industrial Company Limited, une société dirigée par Imad Khouri depuis sa constitution le 6 août 2013 jusqu’à la démission de son dirigeant le 18 juillet 2016. Or son frère, Moudallal, figure sur la liste des sanctions américaines depuis 2015 pour avoir mené des affaires avec le régime syrien, notamment en tant qu’intermédiaire dans le cadre d’une tentative d’achat de nitrate d’ammonium à destination de la Syrie fin 2013. Moudallal Khouri a quitté sa Syrie natale pour la Russie dans les années 1970 où il a depuis lors savamment œuvré à la constitution d’un réseau opaque de banques, d’entreprises et d’entités offshore. Selon un rapport de l’organisation internationale Global Witness publié en juillet 2020, il est aujourd’hui à la tête d’un réseau syro-russe de blanchiment d’argent ayant fourni un soutien actif au régime de Bachar el-Assad ces dix dernières années.

Cette aide précieuse s’est déclinée sous plusieurs formes, permettant à un régime mis au ban de la communauté internationale de se pourvoir en devises et en carburant. Ce réseau serait également à l’origine de sociétés écrans, dont l’une à Chypre et deux dans les îles Vierges britanniques, ayant potentiellement servi de couverture aux programmes d’armement chimique et de missiles balistiques. L’organisation internationale accuse, entre autres, le réseau Khouri d’avoir vraisemblablement aidé la famille Makhlouf, parente du président syrien, à investir quelque 40 millions de dollars dans l’immobilier russe et d’opérer avec l’accord tacite des services de renseignements russes, avançant que l’un des partenaires de Moudallal Khouri pourrait être un membre des services de renseignements extérieurs.

Ils sont tous les trois syro-russes, tous les trois proches du régime Assad et tous les trois mis en cause dans l’enquête diffusée sur la chaîne télévisée al-Jadeed mardi soir révélant leur implication dans l’acheminement vers le port de Beyrouth de la cargaison de nitrate d’ammonium responsable de la double explosion qui a dévasté la capitale le 4 août dernier. Trois hommes...

commentaires (11)

OSEZ ENFIN NOMMER ET VOUS ATTAQUER AU PROPRIETAIRE DE FAIT DU NITRATE.

LA LIBRE EXPRESSION

15 h 19, le 17 janvier 2021

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Commentaires (11)

  • OSEZ ENFIN NOMMER ET VOUS ATTAQUER AU PROPRIETAIRE DE FAIT DU NITRATE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 19, le 17 janvier 2021

  • Bravo à L’OLJ et à tous les médias qui ont relayé ces informations. Les libanais sont assoiffés de vérité et en redemandent. Alors tant pis pour les mécontents qui préfèrent la vérité des vendus obscurantistes à celle des personnes éclairées qui font leur boulot pour les sortir de leur ignorance.

    Sissi zayyat

    14 h 16, le 17 janvier 2021

  • Si el Jedid est une reference alors là !!!!! Chez eux une descente des Iraniens sur la lune est possible .

    aliosha

    12 h 40, le 17 janvier 2021

  • Il n’y a pas de fumé sans feu .. la vérité vas sortir un jour !!

    Bery tus

    06 h 52, le 17 janvier 2021

  • Comme toujours, c'est le régime des Assad qui se cache derrière tous les crimes perpétrés au Liban depuis 50 ans...

    B Malek

    01 h 19, le 17 janvier 2021

  • Digne d'un 007!!!!

    Eleni Caridopoulou

    16 h 41, le 16 janvier 2021

  • Toutes ces calomnies afin d'acculer le Liban a normaliser ses relations avec l'ennemi sioniste !

    Chucri Abboud

    15 h 00, le 16 janvier 2021

  • PERSONNE, DE LA TETE DE L,ETAT ET JUSQU,A SA BASE, LE PATRIARCHE INCLUS, N,OSE PAS NOMMER LE PROPRIETAIRE DU NITRATE

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 58, le 16 janvier 2021

  • En l’absence d’une volonte de l’Etat a faire la verite sur l’explosion criminelle du port, un grand bravo a la chaine televise Al jaded, ainsi qu’aux autres organes de presse et chaines televisees, qui lancent de veritables enquetes pour demasquer les criminels impliques. Ils ont du pain sur la planche tant il y a de pourris qui nous gouvernent !

    Goraieb Nada

    10 h 05, le 16 janvier 2021

  • Est-ce normal qu'un journaliste découvre ce que tous les concernés n'osent pas révéler ?

    Esber

    09 h 27, le 16 janvier 2021

  • Ça se corse (comme dirait Napoléon)...

    Gros Gnon

    03 h 06, le 16 janvier 2021

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