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Nos Lecteurs ont la Parole

Vous avez votre Beyrouth et j’ai la mienne...

Combien de Beyrouth y a-t-il  ? C’est une question qui se pose, que je me pose aussi. Il y a autant de Beyrouth que de Beyrouthins, chacun(e) se l’appropriant et en faisant ce qu’il/elle souhaite…

Je vous parlerai donc de ma Beyrouth à moi.

Ma Beyrouth n’est pas une prostituée, même si elle prend parfois des allures de courtisane. Elle aime faire dans la séduction et c’est bien pour cela que ceux qui foulent son sol en tombent éperdument amoureux.

Ma Beyrouth à moi est un immense paradoxe, mais c’est ce qui fait son charme. J’ai ma Beyrouth et vous avez la vôtre. Votre Beyrouth à vous porte plusieurs masques, elle pactise avec l’ennemi, elle serre la main des meurtriers.

Votre Beyrouth est servile, elle est monnayable et elle est surtout devenue une «  opportunité  » à saisir depuis le funeste 4 août 2020, du moment que les regards du monde entier s’étaient à nouveau braqués sur elle. Elle, oubliée, classée dans un tiroir parmi les dossiers qu’on ne rouvrirait plus, puisque appartenant à ce quart-monde auquel les trois quarts restants sont totalement indifférents.

Lorsque Beyrouth a littéralement explosé, elle est devenue un double objet d’attraction : saine et malsaine. Il y avait ceux qui voulaient l’aider en donnant tout ce qu’ils avaient (et ce qu’ils n’avaient pas aussi) et ceux qui se sont frotté les mains en se disant qu’il y avait là une occasion, un «  momentum  » à saisir, pour se donner une visibilité qui manquait à leur palmarès, s’ils prenaient la pose aux côtés de la ville martyrisée.

Oui, Beyrouth faisait de nouveau la « une ». Elle venait d’être victime d’une catastrophe innommable. Les pyromanes se sont soudain transformés en pompiers. Ils voulaient lui porter secours, sous le masque de la bienveillance derrière lequel se cachaient des desseins bien moins louables : se faire enfin valoriser. Ils ont payé le prix fort pour faire converger l’attention sur eux. Ils se sont acheté une place de luxe là où seuls la modestie, la pudeur et le recueillement étaient de mise. C’est comme si on s’habillait de rouge pour assister à des funérailles.

Ma Beyrouth est fière, rebelle, insoumise et noble. Elle ne mendie pas. Elle n’est pas en quête d’honneurs et encore moins de reconnaissance. Elle n’en a d’ailleurs nullement besoin. Elle en impose, rien que par le simple fait d’exister.

Oui, ma Beyrouth a été frappée au cœur. Incisée. Vampirisée. Égorgée. Vidée de son sang. Rasée. Soufflée en quelques secondes par une explosion d’une puissance nucléaire. Oui, ma Beyrouth a des ennemis qui ont sciemment voulu sa mise à mort. Oui, ces ennemis ne sont autres que le régime au pouvoir et ses acolytes qui savaient qu’une bombe minutée était placée au milieu des habitations et qui ont laissé faire. Ils voulaient transformer ma Beyrouth à moi en leur Beyrouth à eux. Mais contre toute attente, ma Beyrouth a défié le sort et a plié sans rompre. C’est parce que le Ciel l’aime à ma Beyrouth, que 70 % de la charge létale qui lui était destinée a explosé en mer. Elle a vacillé, éperdue, affolée, exsangue, mais elle n’a pas rendu son dernier souffle.

Ma Beyrouth s’est laissé aimer et pouponner comme une nouveau-née. Elle a été portée à bout de bras par des citoyens honnêtes et une jeunesse admirable ; ceux qui ont pour devise de vie l’entraide, le partage et le don absolu, sur tous les plans.

Depuis le 4 août dernier, ma Beyrouth à moi a vu défiler toutes sortes de personnes accourues à son chevet. Il y a eu des aides qui ne sont jamais arrivées, mais il y a eu aussi des élans de compassion sans précédent. Il faut dire que la belle dame le vaut bien ! Il y a eu également le survol de quelques vautours, attirés par l’odeur du sang pur des victimes. Du sang des Justes, afin d’en tirer quelques crédits puisés sur le chemin de croix des Beyrouthins. Manquant d’imagination, ces derniers ont versé des sommes mirobolantes pour se frayer une petite place dans le nuage atomique qui a assombri le ciel de Beyrouth l’espace de quelques heures.

Son soleil, Beyrouth le réserve exclusivement à ses amants, ceux qui lui offrent un amour qui n’attend pas de reconnaissance.

Ma Beyrouth à moi est celle de l’être, et la Beyrouth des ersatz de l’empathie est celle de la démesure du paraître au cœur d’un drame poignant.

Ma Beyrouth à moi, c’est Beyrouth mon amour, et je remuerai toujours ciel et terre pour l’amour de Beyrouth…

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Combien de Beyrouth y a-t-il  ? C’est une question qui se pose, que je me pose aussi. Il y a autant de Beyrouth que de Beyrouthins, chacun(e) se l’appropriant et en faisant ce qu’il/elle souhaite…Je vous parlerai donc de ma Beyrouth à moi.Ma Beyrouth n’est pas une prostituée, même si elle prend parfois des allures de courtisane. Elle aime faire dans la séduction et c’est bien...

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