Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

« Gloire au tsar notre père », à l’école du délire !

Les figures fascistes se ressemblent toutes. Les peuples sont tous malheureux chacun à sa façon.

Les fascistes sont tous les mêmes, mais les peuples l’oublient. Ils oublient parce que les parents se plaignent à quoi servent les cours d’histoire, de littérature, de musique et de cinéma… Comme si les sciences humaines manquaient de science. Comme si les sciences pratiques n’étaient que science.

On oublie. On fait la médecine, le génie ou le droit, parce que nous avons rendu notre terre, pourtant riche, fertile uniquement à trois produits qu’on reproduit aveuglement. Résultat ? Surplus et grave carence en art et intellect. On envoie les meilleures récoltes à l’étranger, parce qu’on adore être humilié puis banni de sa patrie. Les pires, les tricheurs, on les garde. On bannit la jeunesse qui est, par nature, sauvage, active et indomptable. On garde les soumis et les lâches qui aiment la lèche.

Puis on fait comme les Flamandes de Brel. Et on reproduit les mêmes mauvaises herbes et les mêmes complexes. On reproduit les mêmes jeux et les mêmes guerres. Et parce qu’on se demande à quoi sert la poésie, on ne regarde plus la Lune, raison pour laquelle on n’y monte pas, laissant les autres qui ne sont pas plus intelligents y atterrir. Raison pour laquelle on ne rêve plus. Et alors que les autres montent, s’élèvent et frôlent le rêve de Mars, nous préférons la chute, précisément, en enfer.

On se moque de la beauté qui a, pourtant, « sauvé le monde », selon Dostoïevski. Mais on s’en fout de Dostoïevski. On fait le bac scientifique car celui littéraire est pour les « faibles ». Et au lieu d’obliger les vraiment faibles et incorrects à doubler de classe ou les chasser, on les garde. Ils trichent et réussissent n’importe quel bac. Pourquoi chasser ces nombreux clients pour qui les parents payent ? Finalement, on les laisse faire. Et par « on », je veux dire les directeurs et enseignants qui suivent le pervers « politically correct » aux dépens de la brave critique, car on veut être le dernier cri de pop en attirant plus de taupes. On les laisse insulter le culte de l’esprit. On baisse les standards et on substitue Bach par Clayderman pour mieux les intégrer ; car le pop aussi est fasciste : il a besoin de tous ses Kim.

Les mauvaises herbes poussent alors car le terrain leur est fertile. Ils trichent. Ils sont corrompus. Ils sont soutenus par leurs parents, enseignants, amis et collègues, puis l’on se demande comment le Liban agonise sous le règne des pires figures fascistes. Pire même que le fascisme russe ou italien, le fascisme libanais est inédit et auquel devrait être consacrée une réflexion sur les pas de celle d’Umberto Eco.

Corrompue et corruptible, la mafia au pouvoir – et je dis bien « une » car elles se ressemblent toutes – soutient aussi le règne de l’arme illégale, terroriste et ennemie sous prétexte de protéger les minorités, paradoxalement, et du terrorisme et de l’ennemi. On crée « majorité » et « minorité », comme on a créé autrefois les bacs scientifique et littéraire, oubliant qu’on appartient tous à la même race. On aime diviser pour mieux régner. On adore la victimisation et l’appropriation de la douleur. On adore promouvoir des idéologies sur fond religieux qui promeuvent la haine historique envers l’autre, et cette sale notion même de l’« autre ». Et n’oublions pas les autres ingrédients chers au cœur de tout chef actuel et qu’Umberto Eco énumère :

Mis à part l’empêchement de l’avancée du savoir, le refus du modernisme, de l’esprit critique et du désaccord, tel signe de diversité, l’irrationalisme – car « penser est une forme d’émasculation », ce qui va bien avec le bac scientifique et le travail pratique sans conscience –, la frustration sociale et individuelle, l’obsession du complot, le culte de la lutte « car la vie est une guerre permanente », le culte de la vie héroïque, le machisme, la xénophobie, le populisme qualitatif, car « ayant perdu leur pouvoir de délégation, les citoyens n’agissent pas ; le leader se veut leur interprète », sans oublier enfin « le lexique pauvre et la syntaxe élémentaire afin de limiter les instruments de raisonnement complexe et critique –, ce qui est dangereusement visible au sein d’une large partie du peuple et des médias », le fascisme est (aussi) une dictature, mais il n’est pas complètement totalitaire, non point à cause d’une sorte de tiédeur, mais en raison de la faiblesse philosophique de son idéologie. C’est un collage de diverses idées politiques, fourmillant de contradictions. D’autant que le « héros Ur-fasciste » aspire à la mort ; il est impatient de mourir, il lui arrive plus souvent de faire mourir les autres. Pour lui, « les ennemis sont à la fois trop forts et trop faibles ».

Voilà une bonne illustration du fascisme libanais et de l’indifférence du système mafieux-milicien actuel ;

il suffit que le peuple baisse les bras une fois pour que le monstre naisse au sein de ces gouvernants qui trichent pour y arriver sans avoir jamais travaillé, ni lu ni bossé : au lieu de travailler pour mériter le titre, Boris Godounov puis Joseph Staline (même Louis XVI) ont obligé le peuple à les adresser comme « Père de tous » (je vous jure). Godounov s’est même emparé du diminutif « Batiouchka » pour montrer un rapport proche et intime avec le peuple, alors que les barrières et les échelons le séparaient verticalement du « bas ». Du peuple. Et cela n’est pas une insinuation qui vise une personnalité en particulier – elle vise tous les leaders et héros actuels.

Cela aurait pu arriver à un autre moment. La Révolution française aurait pu mener le cou de Louis XV à la guillotine. Le dernier tsar aurait pu être Alexandre II, l’effondrement de l’URSS aurait même pu se produire avant Tchernobyl et la perestroïka. Cela aurait pu – et il devait – se produire avant. Mais même la rouille ne peut plus tenir. La chute de l’État déguisé causera, tôt ou tard, la chute de tous les chefs. Autrement dit, c’est à cause de leur mauvaise, voire non-gouvernance que les gouvernants chuteront, non parce que le peuple les dénonce dans les rues : toute révolution n’est jamais un but en soi ni une cause à conséquence comme disent les incultes, elle est précisément un résultat de la chute totale, de la faillite politique, sociale, économique, financière, environnementale, mais surtout et avant tout, éducative et culturelle.

Et comme si tout cela ne suffisait pas, il faudrait encore résister contre la volonté du monde entier et des grandes puissances qui facilitent actuellement le rebondissement de l’Hydre que nous croyons immortelle. Qu’ils « gèrent » donc notre Tchernobyl du 4 août et qu’ils réforment et parlent, en théorie, de perestroïka. Leur chute, comme celle de l’État, est indéniable. Sont-ils plus forts qu’un Gorbatchev ? Toute l’URSS a fini par s’écrouler. Qu’est-ce que c’est que leur petit Liban enrouillé et fané pour qu’il tienne ?

Entre-temps, il y a la bassesse et l’esclavage qui nous tiennent compagnie. Le fouet nous attend si on lève un cou, un genou ou une main.

« Alors quoi ! Pourquoi vous taisez-vous ? Ou épargnez-vous vos gosiers ? Vous allez voir ! Le fouet a-t-il caressé votre dos depuis si longtemps que ça ? Hé, vous troupe de moutons ! Réjouissez-vous », hurle le gendarme face au peuple qui dit : « (à genoux) Ne te fâche pas… Gloire, vivat ! Tsar notre père. »

Un seul personnage, le Fol-en-Christ, murmure au coin :

« Coulez, coulez/Larmes amères/Pleure, pleure/Âme orthodoxe/Malheur, malheur à la Russie/Pleure, pleure peuple russe/Peuple affamé. »

Gloire à tous nos Boris et Batiouchki, à leurs valets et gendarmes, gloire au fouet sans aucun orgasme, gloire à l’école du fascisme et de l’inculture, gloire au passif et (très sale) sarcasme.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Les figures fascistes se ressemblent toutes. Les peuples sont tous malheureux chacun à sa façon. Les fascistes sont tous les mêmes, mais les peuples l’oublient. Ils oublient parce que les parents se plaignent à quoi servent les cours d’histoire, de littérature, de musique et de cinéma… Comme si les sciences humaines manquaient de science. Comme si les sciences pratiques n’étaient...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut