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Nos Lecteurs ont la Parole

Save Our Ship

Le printemps est là depuis longtemps. Pourtant, ici aussi, nous venons tout juste de le rencontrer. À peine sommes-nous enfin sortis de nos casernes, que nous nous demandons déjà si l’herbe n’est finalement pas plus verte, en hiver, en mer, sur une île déserte. Le climat est clairement déréglé. Partout. Et l’avis de cyclone ou de tornade a été lancé, sur tous les continents. On y entend, plus ou moins fort, le même signal de détresse : SOS. La colère gronde, les industries ferment à la vitesse de l’éclair, la pauvreté alarmante nous laisse de glace, le racisme déchaîne toutes les tempêtes, le terrorisme secoue le berceau de l’humanité. Partout, il pleut des larmes.

Aux États-Unis, sur terre, en mer et dans les airs, tous les peuples qui forment la richesse du continent sont visés par les crimes haineux. Ici, tout le monde se poursuit, mais personne ne se trouve. Les gouverneurs continuent de se passer le bonnet d’âne et nos enfants découvrent, ébahis, les « plus grands » en train de leur piquer leurs plus belles répliques après leur avoir volé toutes leurs récrés. À défaut de pouvoir mettre la main sur le virus qu’on ne veut pas toucher, toutes les communautés sont à tort et à travers accusées d’avoir « collaboré » avec l’oppresseur. Après l’armistice, vient le temps du passage en justice. Le coupable, c’est souvent, tristement, confusément et injustement « l’étranger ». Mais ici, dans la Big Apple, ils le sont tous. Alors évidemment, chacun en prend pour « sa pomme ». Si les Asiatiques sont présentés comme les grands coupables du chaos mondial, les Européens sont loin d’être blanchis pour avoir transité ici et là au service du roi. Les WASP non masqués sont également devenus de dangereux rebelles responsables du sabotage universel. Les Afro-Américains, dans une égalité de suspicion toujours très relative, sont tout autant visés du sceau de la culpabilité, bien qu’ils aient été sur le sol américain les principales victimes des attaques dictatoriales du tyran mondial. À peine libérés des chaînes du virus, ils retrouvent celles du racisme, de Central Park à Minneapolis, de Chicago à Los Angeles. Des rives du Mississippi aux plateaux du Minnesota, dans la communauté afro-américaine, le préjudice ne s’est arrêté ni à la fin de la guerre civile américaine qui abolit l’esclavage en 1865 ni à la fin de toutes nos courbes actuelles. Après le « lockdown » qui a exacerbé toutes leurs précarités, ils sont les plus touchés par le « lockout ». Déjà mis à terre économiquement, ils y laissent, comme George Floyd, leur dernier souffle. Oui... certains policiers utilisent leur rigueur dans toutes ses formes, verbales et physiques, pour délibérément créer un désordre impossible à ordonner. Face aux émeutes sociales sans précédent depuis 1992, le président tweete le 30 mai qu’il a « lâché de féroces chiens dans les jardins de la Maison-Blanche » afin de maintenir la sécurité des institutions. Et oui... aux grands maux, les grands remèdes... Mais il faut dire qu’ici aussi, épicentre des attaques, le peuple est fatigué d’avoir peur, qu’il s’agisse de virus ou de chiens. Il est épuisé de toutes ces incohérences qu’il finit par comprendre comme une défiance à son intelligence. Entre des « injections de Lysol » et des « cures de chloroquine préventives », un masque qui protège une fois sur dix ou trois fois sur quatre des prisonniers libérés, mais des enfants privés de liberté, petits et grands se demandent si finalement l’État sauvage n’est pas plus salvateur, ici ou ailleurs.

Pendant deux mois, nous avons visité, nous aussi, aux États-Unis, derrière les murs, les contrées de « l’absurdie ». En deux mois, tout est réellement devenu possible, pour le meilleur et pour le pire, afin de rendre l’irréel pourtant bien réel.

Ici, pour parer au manque de matériel médical, les infirmières ont revêtu des sacs-poubelle, les médecins ont dû acheter leurs masques au marché noir, des milliers de victimes ont été traitées dans des conditions dégradantes, 100 000 soldats inconnus ont été privés d’un dernier au revoir familial. Lorsqu’un rabbin décéda à Brooklyn, notre maire se décida à se déplacer lui-même pour distancer l’ultime adieu. C’était le 28 avril dernier...

Pour parer à la crise alimentaire, des familles ont dû négocier « au noir » et « dans le rouge » l’obtention de paquets de pâtes, de pain et de tablettes de chocolat, alors en rupture de stock dans un pays qui compte pourtant le plus grand nombre de personnes en surpoids...

Pour parer aux suppressions des missions humanitaires et à l’inertie des grandes organisations internationales, des individus ont dû résister, masqués, de manière clandestine, pour trouver des moyens, même isolés du monde, d’endiguer la famine.

Pour diminuer la détresse émotionnelle des personnes vulnérables, beaucoup d’enfants « soldats » sont montés au front, alors que les gouvernements campaient dans l’inaction.

Alors évidemment, ici aussi, nous attendions impatiemment de pouvoir enfin quitter « l’absurdie ». C’était avant de découvrir que la prochaine destination s’appelait... « anarchie » : les vestiges d’un tissu social fragmenté qui ressuscite l’injustice, l’intolérance, la haine et toutes les colères qui y sont associées.

Tout juste « relativement » libérés, nous réalisons que nombre de pays sont encore enchaînés à des maux profonds qui n’ont jamais vraiment guéri et dont les pansements se défont partout, péniblement, l’un après l’autre. La terre respire peut-être mieux, mais elle a mal à l’estomac, au cœur et aux yeux.

Et beaucoup n’ont qu’une envie, ne plus sortir, pour ne plus confronter tous ces ennemis, qu’ils s’appellent Covid ou Haine, Pauvreté ou Racisme. Enfin si... peut-être, mais dans l’espace, à bord de cette fusée qui vient tout juste de décoller, envers et contre tout.

Tous les chemins mènent à Rome, disent-ils. Et si l’un d’eux devait finalement être spatial pour nous mener enfin... à la paix ?

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Le printemps est là depuis longtemps. Pourtant, ici aussi, nous venons tout juste de le rencontrer. À peine sommes-nous enfin sortis de nos casernes, que nous nous demandons déjà si l’herbe n’est finalement pas plus verte, en hiver, en mer, sur une île déserte. Le climat est clairement déréglé. Partout. Et l’avis de cyclone ou de tornade a été lancé, sur tous les continents. On...

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