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Politique - Contestation

Au Liban, les militaires retraités passent à l’action politique

Le nouveau mouvement des « Anciens combattants pour le salut du pays », parrainé par le député Chamel Roukoz, réclame des élections anticipées et un gouvernement de technocrates.

Chamel Roukoz. Hassan Assal/Photo d’archives

C’est sous le nom des « Anciens combattants pour le salut du pays » qu’a été lancé mercredi un mouvement qui se revendique de la contestation populaire née le 17 octobre dernier, en présence du député Chamel Roukoz, gendre du chef de l’État, qui a claqué la porte du groupe parlementaire aouniste il y a plus de six mois. Cette annonce survient deux semaines après les déclarations incendiaires de M. Roukoz, lui-même général retraité et ancien chef des commandos de l’armée, lors d’une conférence de presse au cours de laquelle il appelait à une nouvelle révolution qui devrait cette fois-ci s’étendre à l’institution militaire et à la justice.

Dans son communiqué, ce nouveau groupe rappelle que la révolution d’octobre a éclaté du fait de la déliquescence de l’État à tous les niveaux et que les militaires retraités se sont très vite joints à ce mouvement parce qu’ils se sont sentis aussi menacés que le reste de la population. « Le sauvetage national est le moyen privilégié de préserver les droits des civils et des militaires retraités, poursuit le texte. Nous soutenons les principes de la révolution du 17 octobre (…) et avons publié ce texte fondateur pour souligner notre engagement à contribuer au sauvetage de ce pays. » Parmi les principaux objectifs généraux du groupe figurent la création d’un État de droit, l’indépendance de la justice, la formation d’un gouvernement de spécialistes indépendants, l’organisation d’élections législatives anticipées, la restitution des fonds volés, la lutte contre la corruption en déférant les corrompus en justice, la défense des droits des citoyens, qu’ils soient militaires ou civils, et la poursuite de la lutte au cœur de l’intifada populaire.

« Ce n’est pas le Premier ministre Hassane Diab, qui est l’un des dirigeants les plus intègres que le pays ait connus, que nous ciblons. Mais plutôt la prestation de l’ensemble du gouvernement qu’il préside et qui n’a pas réussi à ce jour à clouer un seul responsable de la corruption au pilori ni à remédier à la situation socio-économique et financière catastrophique », indique à L’Orient-Le Jour l’un des fondateurs du mouvement, le général Sami Rammah. Outre Chamel Roukoz, député du Kesrouan, d’autres anciens officiers ont contribué au lancement de ce mouvement. On compte parmi eux Georges Nader, André Abou Maachar, Hussein Khoder, Haydar Hammoud, Hassan Hassan et Yahya Abou Hamdane, tous anciens généraux de l’armée.

Une colère latente

La grogne au sein du groupe des militaires retraités qui s’étaient rassemblés il y a quelques mois de manière un peu spontanée lors du mouvement du 17 octobre ne date pas d’hier. Le 12 octobre dernier, près de 600 personnes, dont Chamel Roukoz, d’autres anciens militaires ainsi que des dissidents aounistes avaient fustigé, à l’occasion de la commémoration du 13 octobre 1990 (date de l’éviction du palais de Baabda de Michel Aoun, alors chef du gouvernement de transition), un « État en échec, gouverné par des bandes », dénonçant, dans un discours lu par le général à la retraite Hanna Makdissi, une « corruption inimaginable » dans un « pays misérable tenu par des charognards depuis 30 ans ». « Une meute de politiciens, parmi eux des enfants, jouent avec le destin du pays et de leurs administrés. Ils ont conclu des marchés douteux, amassé de l’argent, dévoyé les administrations avec la logique des obligés et mené le pays à la faillite », avait-il ajouté dans une allusion claire au chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, deuxième gendre du chef de l’État.

Pour mémoire

Roukoz appelle l’armée et les magistrats « à mener une révolution » au sein de leurs institutions

Depuis, les attaques ciblant le sexennat se sont faites encore plus virulentes de la part des militaires retraités. « La seule différence est que les militaires en fonctions sont extrêmement disciplinés et n’ont pas la marge de manœuvre dont nous jouissons », dit le général Rammah. Il y a deux semaines, Chamel Roukoz a d’ailleurs quasiment déclaré la guerre au régime en place et au sexennat. Ciblant une fois de plus le chef du CPL par des propos incendiaires tenus lors d’une conférence de presse, il n’a pas non plus ménagé les figures politiques traditionnelles, appelant à une nouvelle révolution qui devrait cette fois-ci s’étendre à l’armée et à un renouvellement des élites au pouvoir.

Un congrès national

Depuis la révolution d’octobre, les rangs des mécontents parmi les militaires retraités ont grossi au fur et à mesure que l’effondrement économique et financier s’aggravait. D’où leur décision de passer à l’acte en se dotant d’une structure et d’un mode d’action susceptibles de leur permettre d’atteindre les objectifs visés. En vertu des objectifs définis, le groupe des « Anciens combattants pour le salut du pays » a annoncé qu’il prévoit de préparer un congrès national en vue de définir les contours d’un plan national de sauvetage. Le groupe compte également « tendre la main à tous les Libanais afin qu’ils deviennent des partenaires dans les efforts visant à instaurer un État de droit ». « Aujourd’hui, nous comptons près de 800 000 membres potentiels parmi les retraités. Si l’on ajoute les membres de leurs familles respectives, cela équivaudrait à près d’un huitième du peuple libanais », confie le général Sami Rammah. Le mouvement n’écarte pas non plus la possibilité de s’allier avec des figures politiques à condition qu’elles ne fassent pas partie des chefs de file communautaires traditionnels ou de ceux qui ont conduit le pays à l’effondrement.

« Nous tendons la main à tous ceux qui partagent les principes et valeurs que nous défendons », commente, pour sa part, le général Roukoz pour L’Orient-Le Jour. « Si l’on n’arrive pas à mettre fin au communautarisme et au clientélisme qui alimentent la corruption depuis des décennies, le pays ira droit à la catastrophe. Nous avons besoin d’un nouveau modèle de gouvernance », ajoute-t-il.

On apprenait ainsi que plusieurs députés indépendants, tels que Paula Yacoubian, Fouad Makhzoumi et Neemat Frem, ont été sollicités pour rejoindre ou du moins soutenir le mouvement. Les anciens militaires, dont plusieurs étaient jadis proches du CPL du temps où ce courant politique était présidé par Michel Aoun, espèrent également attirer des aounistes désenchantés, dont plusieurs ont déjà claqué la porte.

« Nous sommes représentatifs du tissu social libanais qui comprend toutes les classes et couleurs communautaires du fait même qu’en tant que militaires, nous avons appris à transcender les différences », précise le général Rammah qui espère que ce nouveau mouvement puisse rallier « le plus grand nombre de Libanais souhaitant fonder un État laïc ». « Le système en place a prouvé sa faillite et il est temps que l’on commence à œuvrer en direction du changement », dit-il.

C’est sous le nom des « Anciens combattants pour le salut du pays » qu’a été lancé mercredi un mouvement qui se revendique de la contestation populaire née le 17 octobre dernier, en présence du député Chamel Roukoz, gendre du chef de l’État, qui a claqué la porte du groupe parlementaire aouniste il y a plus de six mois. Cette annonce survient deux semaines après les...

commentaires (17)

Je vous salue encore une fois Monsieur Roukoz. Votre discours est plein de vérité et de volonté pour aller de l'avant. J'attends avec impatience le jour J.

DRAGHI Umberto

16 h 22, le 31 mai 2020

Tous les commentaires

Commentaires (17)

  • Je vous salue encore une fois Monsieur Roukoz. Votre discours est plein de vérité et de volonté pour aller de l'avant. J'attends avec impatience le jour J.

    DRAGHI Umberto

    16 h 22, le 31 mai 2020

  • Moi, je leur laisserai le bénéfice du doute, d'autant qu'ils ont la possibilité de rallier l'armée`autour de leur action.

    Christine KHALIL

    10 h 38, le 31 mai 2020

  • Comme certain de mes collègues ... qu’en est il des armes en dehors de l’Etat ?!?!

    Bery tus

    15 h 38, le 30 mai 2020

  • Si ce projet repose sur des bases solides et patriotiques, on ne peut qu’adhérer. Les libanais attendent depuis des décennies une personne qui incarne l’autorité et la droiture pour sauver notre pays. Serait ce Monsieur de surcroît ancien militaire qui réussira à le faire avec l’aide de tous les patriotes qui aspirent à se débarrasser des vendus? Son seul défaut réside dans sa parenté d’un autre ex militaire qui lui a tout fait pour détruire nos rêve et notre pays.

    Sissi zayyat

    13 h 13, le 30 mai 2020

  • De grâce, on en a assez avec les anciens militaires. Cherchez un autre travail après la retraite.

    Esber

    13 h 01, le 30 mai 2020

  • DÉPÊCHEZ VOUS , VOUS ATTENDEZ QUOI....PAROLES PAROLES PAROLES.

    Gebran Eid

    12 h 44, le 30 mai 2020

  • "LES GENERAUX ONT SOUVENT LE POUVOIR DE DETRUIRE MAIS RAREMENT LE POUVOIR D'EDIFIER." CETTE PHRASE QUI RESUME NOTRE SITUATION DEPUIS LE DEBUT DU SIECLE DERNIER EST CELLE DE RAOUL NORDLING, ABMASSADEUR DE SUEDE A PARIS. IL L'A DITE UN SOIR D'AOUT 1944 AU GENERAL ALLEMAND DIETRICH VON CHOLTITZ -ALORS GOUVERNEUR NAZI DE LA VILLE DE PARIS- EN TENTANT DE LE CONVAINCRE DE NE PAS RAYER PARIS DE LA CARTE EN LA DETRUISANT TOTALEMENT SOUS LES ORDRES DU FUHRER. TOUT MES RESPECTS POUR CHAMEL ROUKOZ, MAIS L'HISTOIRE DU LIBAN DEPUIS 1920 NOUS A DEMONTRE QUE LES LES MILITAIRES N'ONT JAMAIS REUSSI A POSER DES BASES SOLIDES D'UNE NATION EQUITABLE ET INTEGRE.

    Georges Breidy

    12 h 40, le 30 mai 2020

  • FAUT DIRE UN GOUVERNEMENT DE TECHNOCRATES AVEC PREMIER MINISTRE ET MINISTRES TOUS INDEPENDANTS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 02, le 30 mai 2020

  • Bravo mon soutient à cette initiative!

    Roger Xavier

    10 h 51, le 30 mai 2020

  • Celui qui s’inspire de Bachir de Rafic et de Fouad Bienvenue le reste n’est que ambition et prétention à d’autre fin que l’intérêt des Libanais

    PROFIL BAS

    10 h 38, le 30 mai 2020

  • Tentatives de récupération des partisans aounistes: le plan est ambitieux, maquillé de laïcité... Est-ce que des hommes à la retraite -citoyens d'hier, qui ont leur part de responsabilité dans l'effondrement actuel, qui ont composé avec l'occupation syrienne, qui ont accepté de servir au sein d'une armée amputée par la présence de la résistance- peuvent-ils prétendre dessiner l'avenir d'un pays? Pourquoi leur mouvement n'était-il pas né alors suite aux accords de Mar Mikhaël ou lors de la visite de Michel Aoun à Brad? Au sein de leur "intifada", pourquoi le chapitre de la souveraineté et des armes illégales ne figure pas? On ne bâtit pas un avenir sur la base toxique d'une rivalité entre gendres... Nous payons assez comme cela les héritages transgénérationnelles des guerres fratricides et inter-communautaires... Pour la dérision du fun, nous n'oublions pas, greffé sur sa photo avec Michel Aoun, le slogan de Roukoz/Aoun lors de sa campagne pour les dernières élections législatives أنا شامل وشامل أنا...

    Zerbé Zeina

    09 h 42, le 30 mai 2020

  • Excellente initiative qui mérite d'être rejointe par des personnalités indépendantes de la Société civile. Il faudrait constituer un large front de personnes compétentes et intègres ayant à coeur l"intérêt du pays et capables de proposer une nouvelle gouvernance: justice indépendante, lutte efficace contre la corruption en commençant par les têtes, politique économique juste, relance de l'économie et redonner confiance au citoyen dans l'Etat et dans ses institutions financières et bancaires.

    Georges Airut

    09 h 27, le 30 mai 2020

  • prise de position qui devrait encourager le 17 octobre et surtout faire réfléchir ses congénères;J.P

    Petmezakis Jacqueline

    08 h 47, le 30 mai 2020

  • On ne peut que souscrire à ces déclarations. I'on devrait changer le système politique actuellement en place, la religion n’a pas à déterminer qui peut appartenir à telle ou telle fonction politique. Le népotisme et le favoritisme compromettent l'efficacité et les résultats qu'attendent les Libanais. Depuis tout le temps on consacre la constitution de responsables par la naissance ou par affiliation ...fils de, gendre de . Le Liban dispose suffisamment de femmes et d'hommes compétents qui , depuis des lustres , exposent un savoir faire à travers la planète. Il serait donc possible de trouver une équipe indépendante qui puisse gérer ce qui reste d'une, maintenant devenue, illusion

    C…

    08 h 06, le 30 mai 2020

  • La Guerre Des Gendres a commencé...

    Gros Gnon

    02 h 26, le 30 mai 2020

  • Il faut un Bachir . Pour sauver le pays. Depuis sa disparition, le pays sombre de plus en plus dans les abîmes. Un petit flashback et redéroulez les évènements. Vous constaterez => "aucune amélioration"

    LE FRANCOPHONE

    02 h 17, le 30 mai 2020

  • BRAVO MILLE FOIS BRAVO VOUS AVEZ MON SOUTIEN POUR UN ETAT DE DROIT ET DU RESPECT DU CITOYEN

    youssef barada

    01 h 22, le 30 mai 2020

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