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Nos Lecteurs ont la Parole

Confinement : leçons et surprises

Je prends le sentier escarpé où les cailloux s’enfoncent dans mes baskets, rendant ma course encore plus ardue. La musique crie fort dans mes tympans. Elle m’aide à mieux supporter la douleur qui irradie le long de ma jambe, deux semaines après ma chute. Perdue dans mes pensées, je dévale les champs de lavande qui scintillent sous un ciel azur. De fines gouttelettes de sueur perlent sur ma peau, mais mon corps rejette tout signe de fatigue. Il fonce droit au but. Mais quel but exactement? Et pour prouver quoi au juste ?

Mes pensées courent follement au tempo de mon jogging. Confinées elles aussi depuis plus de deux mois, elles se révoltent, tentent de fuir la cage étroite de mon corps pour retrouver un semblant de logique. Un semblant de liberté. Dans l’isolation forcée où le silence des rues contraste avec le chaos de l’intérieur, j’apprends tant de leçons, vis tant d’émotions. Je ne sais même pas comment je parviens à investir mon temps, comment je réussis à inventer des coins positifs là où la négativité fait du surplace.

Au cœur de cette tempête, les repères n’existent pas. Le temps non plus, englouti dans l’espace qui se répète au fil des jours. Mais parfois, les tempêtes ne viennent pas de l’extérieur. Dehors, c’est le calme absolu. Le silence total. Parfois les tempêtes naissent en toi, tourbillonnent en toi, meurent en toi. Et tu ne réalises même pas si elles sont vraiment passées, si elles sont réellement finies et comment tu as pu y survivre. Ce que tu remarques, ce sont les séquelles qu’elles laissent en toi. Les leçons. Les surprises.

Dans toute tempête, quand les violentes rafales de vent se taisent et que la vision devient plus claire, tu réalises parfois que tu as perdu des choses importantes, des êtres précieux, ou de pures illusions. Une tempête peut être sadique : quand elle te réveille, elle prend son temps avant d’arrêter de te secouer.

Une tempête, ce sont les déceptions qui resserrent ton cœur et immobilisent ton élan, mais ce sont aussi les émotions qui enrichissent ton âme et te propulsent en avant.

Une tempête, ce sont les moments où ta patience dépasse ton entendement quand tu comprends que chaque personne, chaque parent, chaque ami souffre à sa façon et que ses réactions lui sont propres, mais ce sont aussi les bourrasques d’intolérance quand tu peux être impitoyable envers ceux à qui tu accordes une place importante dans ta vie et qui sont les premiers à te tourner le dos.

Une tempête, ce sont les êtres qui s’invitent dans ton existence par pure curiosité, par manque d’imagination, avec des mots creux qui n’arrivent jamais à exprimer leurs sentiments ou plutôt leur insensibilité, avec des silences aussi lourds que leurs peaux de crocodile ; mais ce sont aussi et surtout les regards qui te rassasient de chaleur, qui sécrètent une tendresse si douce qu’elle en devient anesthésiante, des regards qui te parlent sans mot dire, qui entendent ce que tu ne dis pas, qui voient ce que tu ne dévoiles pas.

Une tempête, ce sont des années qui s’écoulent fadement comme un long fleuve tranquille, mais ce sont aussi et surtout des instants éphémères qui contiennent tant d’années. Des moments de hasard qui ne sont pas forcément dus au hasard.

Mais c’est exactement ça la vie : quand tout est imprévisible, quand rien n’est définitif. Sinon, ce serait de la pure survie. Et la survie tout court n’est pas faite pour moi.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Je prends le sentier escarpé où les cailloux s’enfoncent dans mes baskets, rendant ma course encore plus ardue. La musique crie fort dans mes tympans. Elle m’aide à mieux supporter la douleur qui irradie le long de ma jambe, deux semaines après ma chute. Perdue dans mes pensées, je dévale les champs de lavande qui scintillent sous un ciel azur. De fines gouttelettes de sueur perlent sur...

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