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Nos Lecteurs ont la Parole

Le casse du siècle (bis)

« Ce que je demande aux gens de faire, c’est de prendre en charge les personnes âgées et les jeunes, et toutes les personnes “dépouillées” ou “escroquées” en ce temps de crise. » Pape François

Le trou est immense, mais il était prévisible.

Tellement prévisible qu’on attendait seulement le moment où il sera découvert.

Près de 83 milliards de dollars de perte, c’est énorme, c’est presque trois fois le PIB anticipé.

Pour Lazard c’est une question arithmétique.

Non moins de 21 milliards de capitaux propres effacés et le solde déduit des dépôts des déposants, soit 62 milliards.

Sauf que pour les banques, c’est une opération comptable, alors que pour les déposants, c’est une question de survie et de justice, de justice surtout.

Le circuit, tout le monde aujourd’hui le connaît : les banques, dans leur rôle de rabatteurs, ramenaient l’argent, pour le confier à la Banque centrale, qui se chargeait de soutenir l’insoutenable convertibilité de la livre et de remplir le trou sans fond d’un État spolié par sa classe politique ; une extraordinaire chaîne de Ponzi.

Tous étaient complices, tous sont responsables, certains plus que d’autres, la question de la justice, celle de la responsabilité, celle du partage de la perte et de l’obligation de rendre des comptes est fondamentale. Et c’est sur cette base-là que doit se fonder toute proposition de négociation avec le FMI.

Lazard s’occupe des chiffres, c’est au gouvernement d’inclure la question de justice dans son plan de sauvetage pour qu’il soit crédible, pour que les sacrifices demandés puissent être justifiés, pour qu’il cesse d’être ce qu’il a toujours été, le produit d’un système mafieux qui a fait son temps, mais qui cherche à se ressusciter en faisant ce qu’il a toujours su faire : designer un coupable pour l’exposer au lynchage numérique d’une meute en colère et fabriquer un héros pour qu’il soit adulé par un peuple en manque d’espoir.

Sauf que le coupable d’aujourd’hui était le héros d’hier.

Et le héros « photoshopé » d’aujourd’hui était le coupable d’hier.

« Malheureux les pays qui ont besoin de héros », disait Bertolt Brecht. Je dirais malheureux les peuples qui ont besoin de coupables pour canaliser leur colère et oublier l’essentiel. L’essentiel, c’est que le coupable désigné, même s’il a servi de tête de gondole à une entreprise de corruption tentaculaire, n’est, en fin de compte, qu’un employé interchangeable de cette entreprise de corruption, dont les tenants comptent continuer le business as usual après avoir nettoyé les bilans des banques, grugé les déposants, déclassé le peuple et mis la main sur les ressources de l’État.

Ils comptent faire sauter le fusible pour sauver le système.

Alors que c’est le système qu’il faut faire sauter.

C’est une question de survie et de justice.

Survie du système et mort du peuple.

Ou mort du peuple et survie du système.

L’État contre le chaos ou l’État du chaos éternel.

Pendant qu’ils promettent, chacun à son tour, que les dépôts des déposants sont intouchables, ils se disputent entre eux sur leurs quotes-parts de fonctionnaires.

Et leurs dépôts à eux, ceux des banquiers et des politiciens initiés, ont déjà fait un aller simple vers les comptes à l’étranger.

Et ils comptent faire le voyage retour quand tout le pays sera un champ de ruines, à acheter et à reconstruire, pour recommencer la même partie, celle du capitalisme du désastre.

Et la crise du Covid-19 est leur chance de tout recommencer de zéro.

Des dizaines de milliards de dollars transférés avant et après le capital control et qui ont déclenché la crise, qui s’est mue en désastre.

Et qui comptent rafler la mise, et je ne parle pas des fonds publics spoliés par l’entremise de toutes les formes imaginables (et inimaginables) de corruption sous couvert du secret bancaire.

Et c’est par cette lutte-là que toute entreprise crédible de sauvetage doit commencer.

Mais cela nécessite la chute du système.

Et le système va tomber, c’est seulement une question de temps.

Dans son projet (heureusement) de plan pour sauver le pays, le gouvernement veut restructurer la dette qui, selon lui, revient à restructurer le système financier, ce qui consiste à restructurer les banques, à restructurer les dépôts des déposants et à restructurer la banque centrale, ce qui le mène à restructurer les dépenses de l’État et en premier lieu celles d’EDL, quitte à restructurer EDL, puis de restructurer les recettes, en imposant des mesures d’austérité dans un contexte de dépression sans précédent, puis de restructurer l’offre et la demande afin de restructurer la balance de paiement, afin de restructurer la valeur de la livre, en la projetant à 3 000 livres pour un dollar dans trois ans alors qu’elle a déjà dépassé ce seuil… Tout restructurer en débloquant les fonds promis lors de la conférence de Paris (CEDRE) alors que ces mêmes fonds furent bloqués parce que la classe politique qui forme le système n’arrivait pas à restructurer l’essentiel, l’État : un État de droit, civil (ou laïc), indépendant, souverain, capable de protéger ses citoyens et de les représenter et surtout de garantir une justice indépendante dont la priorité est d’identifier et de juger les responsables et de faire partager les pertes du désastre d’une manière impartiale, transparente et objective et non pas de chercher à designer des coupables pour leur intenter des procès de sorcellerie afin de sauver le système. C’est ce qu’on a appelé alors des « réformes structurelles ».


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

« Ce que je demande aux gens de faire, c’est de prendre en charge les personnes âgées et les jeunes, et toutes les personnes “dépouillées” ou “escroquées” en ce temps de crise. » Pape FrançoisLe trou est immense, mais il était prévisible. Tellement prévisible qu’on attendait seulement le moment où il sera découvert. Près de 83 milliards de dollars de perte,...
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