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Société - Épidémie

Isolement des patients dans un centre ou à la maison : comment éviter le rejet de l’entourage

Des rues vides et une panique qui s’installe, que seule l’information peut combattre. Photo an-Nahar

Voir un voisin atteint du coronavirus rentrer chez lui pour y passer sa période de quarantaine ou entendre parler d’un bâtiment (ou hôtel) devant être transformé en centre de quarantaine dans sa localité suffit à plonger certains dans un état de panique qui atteint le stade du rejet de la personne malade et même des cas suspects. Dans plus d’une localité, l’éventualité d’équiper un centre pour y accueillir des malades n’ayant pas besoin d’hospitalisation, mais n’ayant pas la possibilité de s’isoler chez eux, a provoqué une levée de boucliers : le projet de consacrer à cette mission le gîte de Beitania, dans le sanctuaire de Harissa au Kesrouan, est ainsi tombé à l’eau sous les pressions. De même pour un hôtel dans une localité du Metn. Et dans le caza de Baabda, un malade venu passer sa période d’isolement dans son village natal, loin de tous, est devenu la cible de toutes les critiques. Les cas se multiplient partout et l’on peut y ajouter les villages qui se barricadent. Et alors que certaines municipalités jouent efficacement leur rôle dans la protection de leurs administrés, d’autres, comme dans les trois cas précités, se cachent derrière des prétextes factices de peur de la contagion.

Qu’est-ce qui motive de tels comportements dans une situation où tout le monde est logé à la même enseigne, et alors que les réalités scientifiques sont répétées sur tous les médias à longueur de journée ? Comment endiguer la peur et l’empêcher de sombrer dans l’irrationalité ?

Le Pr Georges Khalil, infectiologue et interniste, explique que l’isolement, pratiqué suivant des protocoles rigoureux, ne fait pas courir de risques à l’entourage. « Dans le cas de patients dont l’état ne nécessite pas d’hospitalisation, il faut s’isoler à la maison et, au cas où le domicile n’est pas assez grand pour permettre une distance avec les autres membres de la famille, dans un centre aménagé, dit-il. C’est ainsi que l’on peut désengorger les hôpitaux en cas d’afflux important de malades et garder des places pour les cas graves. »

Selon le spécialiste, des centres ainsi aménagés suivent des protocoles rigoureux, parce qu’il y a un souci de ne pas contaminer le personnel. « Et même si un cas suspect ou avéré s’isole entièrement à la maison, sans aucun contact avec l’extérieur, il n’est source d’aucun danger pour l’entourage, dit-il. Bien au contraire, de telles dispositions servent à protéger la communauté, non l’exposer à des dangers : ainsi, un malade confiné chez lui est bien moins dangereux qu’un contaminé asymptomatique. De même, équiper des centres dans les régions aide les communautés locales à se faire soigner efficacement à proximité et évite les hospitalisations centralisées dans la capitale, ainsi que les trajets inutiles. »

Le Pr Khalil rappelle que le virus ne se propage pas dans l’air, surtout si on respecte les distances entre les personnes. « Il n’est dans l’intérêt de personne d’empêcher la création de centres régionaux », ajoute-t-il.

La sensibilisation pour contrer la panique

Interrogée sur cet état de panique, Samar Aboujaoudé, chef du centre de la Croix-Rouge libanaise à Jal el-Dib, comprend la peur qui s’est propagée et pense qu’elle ne peut être vaincue que par la sensibilisation. « En tant que CRL, nous avons décidé, avec les autorités, de transporter nous-mêmes les cas suspects qui se rendent au laboratoire pour se faire tester, explique-t-elle. Auparavant, ces personnes se déplaçaient seules, revenaient en taxi… avec tous les risques de contagion que cela comporte. Ce n’est plus le cas et c’est pourquoi l’entourage les voit si souvent revenir en ambulance. »

Selon la secouriste, les problèmes rencontrés par la CRL étaient souvent dans des régions où l’on refuse l’entrée de ceux qui ne sont pas des résidents habituellement. « Nous travaillons de concert avec les autorités et avec les municipalités et mohafazats, afin de sensibiliser la population au fait que la quarantaine à domicile ne comporte pas de risques, dit-elle. De plus, nous avons mis au point un système de surveillance, également avec les bureaux du ministère de la Santé et les autorités locales, afin de nous assurer que la quarantaine est observée dans les normes. »

Et en fin de compte, Samar Aboujaoudé assure que c’est avec l’information que la panique se transforme en simple prudence. « Avec les nouvelles mesures prises par le gouvernement, il est désormais clair que la population prend la menace au sérieux, dit-elle. Cela aide à généraliser le respect des normes requises. On ne peut accabler la population quand elle n’est pas informée, mais l’aider à mieux appréhender la situation. »


(Lire aussi : Mièvre fièvre,  le billet de Gaby NASR)


Réduire le stress du confinement

Pour expliquer cet état de panique, Viviane Touma, psychologue clinicienne et professeure à l’Université Saint-Joseph, affirme qu’il faut prendre plusieurs facteurs en compte. « Il y a premièrement le facteur personnel et psychologique, dit-elle. Dans une situation aussi inhabituelle, qui bouleverse le quotidien et incite à la peur, tout le monde est soumis au même stress, mais certains s’avèrent plus résistants que d’autres. »

Elle ajoute : « Le second facteur est celui de l’éducation et des connaissances. On remarque que plus certains recherchent les informations avec frénésie sur internet et ailleurs, plus ils succombent à la peur, même s’ils ont un niveau d’instruction supérieur. Enfin, le dernier facteur est celui de l’environnement : la culture, le sentiment d’appartenance, les croyances… Qu’est-ce qui différencie le croyant du non-croyant ? Le premier trouve-t-il du réconfort dans la prière ? À la lumière de tous ces facteurs, on se rend compte qu’on ne peut généraliser. »

Selon la psychologue, la peur irrationnelle que l’on constate dans la société actuellement, et qui peut mener à des comportements d’exclusion, nous pousse à nous interroger sur la communication autour de la crise du coronavirus. « Le fond de l’information que l’on communique doit être simple et abordable pour tous, explique-t-elle. Et dans la forme, il faut prendre le temps de mieux expliquer certaines notions. À titre d’exemple, il faut que l’entourage comprenne pourquoi un patient que la CRL a transporté à l’hôpital est ramené en ambulance chez lui pour y passer sa période d’isolement. À mon avis, de par leur proximité avec la population, les municipalités ont un rôle majeur à jouer à ce niveau. »

Pour ce qui est des médias, Viviane Touma s’interroge sur le bien-fondé de consacrer la quasi-totalité du temps d’antenne au sujet du coronavirus. « L’intégralité (ou presque) du journal télévisé tourne autour de ce seul sujet, on y ajoute des talk-shows, des clips, des chansons, etc. fait-elle remarquer. Il y a une certaine exagération. Il faut comprendre que le confinement est une période difficile pour tout le monde. Afin d’aider la population à la traverser au mieux, il est crucial de parler d’autre chose, d’essayer de réduire le stress. »


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Voir un voisin atteint du coronavirus rentrer chez lui pour y passer sa période de quarantaine ou entendre parler d’un bâtiment (ou hôtel) devant être transformé en centre de quarantaine dans sa localité suffit à plonger certains dans un état de panique qui atteint le stade du rejet de la personne malade et même des cas suspects. Dans plus d’une localité, l’éventualité...

commentaires (3)

IL FAUT PREPARER DES HOTELS ET LES MUNIR DU NECESSAIRE A CET EFFET.

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 24, le 27 mars 2020

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Commentaires (3)

  • IL FAUT PREPARER DES HOTELS ET LES MUNIR DU NECESSAIRE A CET EFFET.

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 24, le 27 mars 2020

  • Il ne faudra pas paniquer surtout quand la personne atteinte décide de s 'isoler seul .

    Antoine Sabbagha

    18 h 17, le 27 mars 2020

  • Offrir et énumérer des centres semble très insuffisant. Tout celà a besoin de personnels , d' employés et de présence médicale minime. De l'argent pour fonctionner. Est-ce facile ? Ce qui paraît plus logique, c'est d'isoler l'individu testé positif ou peu symptomatique, quelques soient les conditions familiales , dans sa propre maison, mêmes si sa famille doit lui céder la maison et aller soit dans une maison de campagne que beaucoup de libanais possèdent soit chez des parents proches.

    Esber

    16 h 03, le 27 mars 2020

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