L’ambassadrice de Suisse Monika Schmutz Kirgöz. Photo DR
Depuis le début du mouvement de contestation, une des principales revendications des manifestants est la restitution au Liban des fonds des responsables politiques libanais transférés dans des banques étrangères, notamment en Suisse. Et c’est surtout devant l’ambassade suisse à Beyrouth que les manifestants se rassemblent régulièrement, pour réclamer le retour de ces fonds au Liban. Récemment, ils avaient remis une pétition en ce sens, contresignée par dix députés, à l’ambassadrice Monika Schmutz Kirgöz. Or pour que Berne réagisse, il faut que les autorités libanaises en fassent officiellement la demande. C’est ce que la diplomate a expliqué lors d’un entretien avec L’Orient-Le Jour.
« Selon les lois internationales, la Suisse doit attendre de recevoir une demande d’entraide judiciaire clairement et justement formulée par les autorités libanaises. En tout ce qui touche le gel des avoirs illicitement acquis, la Suisse ne peut intervenir si le Liban ne la prévient pas officiellement qu’il soupçonne telle ou telle autre personne de détenir des fonds illégaux et ne lui demande pas de les bloquer », souligne-t-elle. « Chaque semaine, des personnes manifestent devant l’ambassade pour appeler à la restitution des biens illégalement acquis. Nous avons beaucoup de sympathie pour ces manifestants, mais nous ne pouvons rien faire, parce qu’il y a des standards internationaux qu’il faut respecter », explique-t-elle. « Nous avons travaillé avec de nombreux pays dans ce cadre, notamment le Nigeria, l’Égypte, la Tunisie et l’Ouzbékistan, qui nous avaient formulé ces demandes au cours des années précédentes, et cela a été couronné de succès », explique la diplomate. « Nous sommes soucieux de redonner à un pays des fonds illégitimement acquis, déposés dans nos banques. Nous sommes un État de droit et nous avons intérêt à ce que notre système bancaire soit transparent et à ce que nous n’ayons pas d’argent illégitime déposé chez nous », poursuit-elle.
Le courage des Libanaises
Mme Schmutz Kirgöz avait initialement accordé cette interview à L’Orient-Le Jour à l’occasion de la Journée internationale des femmes, car son pays devait inaugurer le Festival international du film féminin de Beyrouth, qui était supposé être lancé durant le week-end, mais a été ajourné dans le cadre des mesures prises pour prévenir la propagation du coronavirus. Commentant la journée, elle fait état de similarités entre le Liban et la Suisse, et souligne le soutien accordé par Berne, sur tous les plans, au pays du Cèdre. Rappelant que « la condition de la femme en Suisse a été difficile pendant très longtemps, puisqu’elle n’a acquis le droit de vote qu’en 1971, alors que les Libanaises pouvaient voter depuis les années cinquante », elle relève que son pays aimerait aujourd’hui soutenir les Libanaises dans leur lutte « pour obtenir le reste de leurs droits ». Mme Schmutz Kirgöz constate que ces dernières ont « prouvé leur poids au sein de la société ainsi que leur volonté de changer les choses dès le début de la révolution d’octobre 2019 ». « Appartenant à toutes les classes sociales et toutes les confessions, elles ont mené cette révolution avec courage, persévérance et créativité », se félicite-t-elle.
« Même si le système au Liban reste patriarcal, les femmes au Liban ont bien pris conscience de leurs droits et veulent les faire respecter. Elles sont partie prenante dans le changement social qui s’opère depuis la révolution », ajoute-t-elle.
« Le Liban est parfois critiqué pour ses lois discriminatoires envers les femmes. Il faut que justice soit faite cependant, même si de nombreux efforts restent à faire, le Liban a eu les premières femmes ministres de l’Intérieur et de la Défense du monde arabe. Il a aussi la première vice-Première ministre de la région. Aujourd’hui son gouvernement compte 6 femmes sur 20 ministres », souligne l’ambassadrice.
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FAUT DONNER DES NOMS ET DES MONTANTS AVEC DATE DE TRANSFERT ET SURTOUT UNE DEMANDE ACCOMPAGNEE D,UNE DECISION JUDICIAIRE.
LA LIBRE EXPRESSION. VERITES ! EQUITE !
14 h 54, le 10 mars 2020