Baptisée « gouvernement de sauvetage du Liban », l’équipe du Premier ministre désigné Hassane Diab a finalement vu le jour hier peu après 21h, au bout de 32 jours de tractations politiques ardues. Une équipe monochrome de 20 ministres, dont six femmes. Elle est composée certes de technocrates, dont nombreux sont reconnus pour leur parcours professionnel ou académique, mais elle est loin d’être indépendante, alors qu’il s’agissait là de l’une des principales revendications de la rue. Hassane Diab l’a lui-même reconnu en lâchant laconiquement en guise de réponse à la question de notre correspondante à Baabda, Hoda Chedid, sur ce point précisément : « Vous connaissez le Liban. »
Il est vrai que le bloc CPL-président ne détient pas la minorité de blocage dans ce cabinet qui tiendra ce matin sa première réunion à Baabda après la photo traditionnelle sur le perron du palais présidentiel, mais la majorité y reste variable, en présence d’un ministre-roi, Zeina Acar-Adra, nommée vice-présidente du Conseil et considérée comme étant proche aussi bien du chef de l’État que de Hassane Diab, et de la ministre du Tachnag Varty Ohanian-Kevorkian, dont le vote peut modifier l’équilibre en Conseil des ministres.
Le groupe du Premier ministre désigné est composé, outre lui-même, de quatre ministres, Mohammad Fehmi (Intérieur), Tarek Majzoub (Éducation – proche de la Rencontre consultative), Talal Hawat (Télécoms) et Damien Kattar (Développement administratif et Environnement).
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Le président et le CPL sont représentés par Zeina Acar-Adra (vice-présidence du Conseil), Nassif Hitti (Affaires étrangères), Marie-Claude Najm (Justice), Raymond Ghajar (Énergie), Ghada Chreim (Déplacés) et Raoul Nehmé (Économie), alors que le chef du Parti démocratique libanais, bien que représenté par deux ministres, Ramzi Moucharrafieh (Tourisme et Affaires sociales) et Manal Abdel Samad (Éducation), se voit doté de trois portefeuilles après le cumul, pas très conciliable, de ceux du Tourisme et des Affaires sociales.
Idem pour le mouvement Amal, qui se voit aussi attribuer trois portefeuilles après le cumul, étrange et incompréhensible, de ceux de la Culture et de l’Agriculture, confiés à Abbas Mortada. Ghazi Wazni, conseiller du président de la Chambre Nabih Berry pour les affaires économiques, a été nommé à la tête des Finances. Quant au Hezbollah, il a obtenu le ministère de la Santé, attribué à Hamad Hassan, et celui de l’Industrie, confié à Imad Hobballah.
Grâce à la pression qu’il a exercée sur ses alliés et qui a failli prolonger davantage l’épreuve de force politique pour la formation du cabinet, le chef des Marada Sleiman Frangié a pu placer deux de ses proches, Michel Najjar, aux Travaux publics, et Lamia Douayhi, au Travail, alors que le Tachnag est représenté par Varty Ohanian-Kevorkian au ministère de la Jeunesse et des Sports.
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D’emblée, le Premier ministre désigné a assuré que son équipe fera tout pour répondre aux revendications de la rue, en estimant que le gouvernement « exprime les aspirations des manifestants dans tout le pays, mobilisés depuis plus de trois mois ». Hassane Diab avait formulé la même promesse après sa désignation, s’engageant à mettre une équipe de « spécialistes indépendants » et à œuvrer pour des législatives anticipées. Dans sa conférence de presse hier, aussitôt la composition de son équipe annoncée, il s’est rétracté par rapport à ces deux questions. Interrogé au sujet des législatives anticipées, il a mis l’accent vaguement sur la complexité de la procédure pour aboutir à une nouvelle loi électorale.
Il reste qu’il a assuré que son équipe « composée d’experts non partisans ne se laissera pas influencer par la politique et ses disputes ». « Il s’agit d’un gouvernement de jeunes, à la recherche d’un avenir prometteur pour le pays. Un gouvernement avec des femmes qui participent à l’exécutif en paroles et en actes. »
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Un gouvernement indépendant, ha ha. Ha
Eleni Caridopoulou
21 h 19, le 22 janvier 2020