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Politique - Institutions

Né à l’arraché, le nouveau cabinet en quête de confiance


De gauche à droite : le président de la Chambre, Nabih Berry, le chef de l'Etat, Michel Aoun et le Premier ministre Hassane Diab, à Baabda, le 21 janvier 2020. Photo Dalati & Nohra.

C’est finalement au forceps qu’est né le gouvernement, après des atermoiements et des marchandages corsés qui ont duré plus d’un mois. Attendue depuis plusieurs jours déjà, la conférence de presse du chef des Marada, Sleiman Frangié, a été, semble-t-il, le principal déclencheur des rouages de la machine qui semblait complètement grippée et qui a finalement été huilée grâce aux compromis consentis par plusieurs parties.

Lors de son intervention, M. Frangié a tranché : son parti sera représenté par rien moins que deux ministres, sinon il déclare son retrait, tout en s’engageant à accorder la confiance au cabinet. Il venait ainsi de lancer la patate chaude dans les mains de ses alliés, les plaçant au pied du mur.

Tablant sur le soutien que lui accorde le tandem chiite, plus précisément le président du Parlement Nabih Berry, qui l’a soutenu dans sa quête ambitieuse de briguer deux portefeuilles et non un seul pour le compte de sa formation, mais aussi sur celui du Premier ministre désigné Hassane Diab, qui a clairement laissé entendre qu’il ne lâcherait pas les Marada, M. Frangié a pris un risque bien calculé et mis la pression finale qui allait donner naissance au gouvernement.

Alors que l’on croyait l’impasse totale, à la lumière notamment du ton particulièrement virulent employé par le leader chrétien du Liban-Nord à l’égard du chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, accusé de bloquer le processus par « cupidité » et de mener le pays au bord du gouffre, le déblocage est survenu en fin d’après-midi, presque miraculeusement.

C’est finalement le Premier ministre désigné qui y aura largement contribué en acceptant sur incitation du Hezbollah d’élargir le cabinet pour y inclure 20 ministres au lieu de 18, un chiffre auquel il était resté attaché jusqu’à la dernière minute, espérant par là vouloir répondre aux demandes du mouvement de contestation.

Hassane Diab a parallèlement renoncé au ministère du Travail qu’il souhaitait confier à Damien Kattar – un candidat que contestait M. Bassil depuis le début, alléguant le principe du critère unifié selon lequel aucun ancien ministre ne doit figurer dans la nouvelle mouture – pour laisser la place libre à une personnalité choisie par les Marada, l’ancien doyen de la faculté de génie du Balamand, Michel Najjar.


(Lire aussi : La composition du gouvernement Diab)



La machine redémarre

La surprise est également venue de M. Bassil lui-même qui a fini par accepter bon gré, mal gré le principe d’octroyer à son rival chrétien deux portefeuilles, une quote-part qu’il estimait largement injustifiée à la lumière du poids des Marada, représentés par deux députés au Parlement, au sein d’un groupe parlementaire de cinq, la Coalition nationale. Pointé du doigt par M. Frangié comme étant le principal responsable du blocage, le chef du CPL, également accusé de convoiter le tiers de blocage, a été contraint de se plier à ce qui semblait être désormais un fait accompli, cherchant ainsi à se dédouaner des lourdes accusations qui lui avaient été portées. Les premiers signaux ont été donnés par le député Ibrahim Kanaan qui a évoqué, à l’issue de la réunion du bloc du Liban fort, les « circonstances exceptionnelles » auxquelles fait face le pays et qui nécessitent, a-t-il dit, une opération de « sauvetage, et non une lutte pour le pouvoir ». « Le groupe est en train de faciliter au plus haut point » la formation du cabinet, a ajouté M. Kanaan.

Aussitôt après, la machine s’est remise en marche et Gebran Bassil s’est rendu à Aïn el-Tiné pour discuter des derniers ajustements et permutations de portefeuilles avec Nabih Berry.

De son côté, le Parti syrien national social (PSNS), qui refusait jusque-là de renoncer à la candidate qu’il avait désignée, Amale Haddad, dont l’intégration au cabinet était également contestée par M. Bassil, a fini par se retirer du jeu, dénonçant « les manœuvres d’accaparement » de certaines parties, dans une allusion claire au chef du CPL. C’est finalement à Zeina Acar qu’échoit le portefeuille de la Défense qui sera cumulé à la vice-présidence du Conseil, un poste auquel Mme Haddad était pressentie.

Au final, et après des semaines de tiraillements provoqués notamment par les tentatives présumées du chef du CPL de parvenir à décrocher le tiers de blocage (sept ministres) au sein du futur gouvernement – une ambition contrée par le président du Parlement tout au long des tractations –, aucune des parties au sein de la nouvelle équipe ne pourra prétendre à cet instrument de veto jadis utilisé par les majorités existantes.

Le gouvernement coopté n’inclut pas non plus de technocrates indépendants, comme l’avait promis le Premier ministre désigné aux premiers jours de sa désignation, mais des « experts » dont la répartition sur les différents portefeuilles aura été décidée en coulisses par les différentes formations politiques concernées, principalement le CPL, le tandem chiite et les Marada.


(Lire aussi : Atomes non crochus, l'éditorial de Issa GORAIEB)


La rue s’insurge

Arrivé à Baabda plus tôt que prévu, soit bien avant le Premier ministre, « une première », comme le note notre correspondante à Baabda, Nabih Berry a maintenu le suspense sur les noms des trois candidats chiites restants jusqu’à la dernière minute.

C’est vers 22h que le Premier ministre a annoncé la mouture du cabinet, auquel il a dû apporter les dernières retouches en concertation avec le chef de l’État, certains noms n’ayant été avalisés que tardivement.

Le nouveau cabinet, qui doit encore obtenir la confiance du Parlement que l’on considère quasiment acquise, n’obtiendra pas, comme on pouvait s’y attendre, la bénédiction de la rue. Le mouvement de contestation populaire, qui avait annoncé il y a plusieurs jours déjà son refus d’un gouvernement concocté par les partis politiques décriés dans la rue, n’a pas tardé à se mobiliser hier soir pour exprimer son mécontentement en bloquant plusieurs axes routiers.

C’est d’ailleurs aux protestataires que s’est principalement adressé le Premier ministre hier dans un discours prononcé sur le perron de Baabda, dans une ultime tentative de séduction à leur égard. M. Diab a salué leur cri face à la corruption et leur aspiration à un État juste et équitable par le biais d’un mouvement qui, a-t-il dit, les a habilités à « recouvrer leur position en tant que source du pouvoir », évoquant la mise en place d’un exécutif formé d’ « experts non partisans », même si quelques-uns d’entre eux ont été suggérés par les formations politiques.

Le nouveau cabinet, qui doit tenir sa première réunion dès aujourd’hui, sera également en quête de la confiance de la communauté internationale, dont les pays arabes du Golfe où compte se rendre incessamment M. Diab, comme il l’a annoncé. Une tâche qui s’annonce ardue à l’heure où plusieurs observateurs qualifient d’ores et déjà le nouveau cabinet de « monochrome ».


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commentaires (6)

Un nouveau cabinet? Nouveau? Peut être mais il l faudra quand même y aller avec du papier toilettes semble t il.

Wlek Sanferlou

13 h 35, le 22 janvier 2020

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Commentaires (6)

  • Un nouveau cabinet? Nouveau? Peut être mais il l faudra quand même y aller avec du papier toilettes semble t il.

    Wlek Sanferlou

    13 h 35, le 22 janvier 2020

  • ILS ONT LA CONFIANCE DES ABRUTIS CORROMPUS, VOLEURS ET INCOMPETENTS MAIS PAS CELLE DU PEUPLE ET DE SA REVOLUTION.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 52, le 22 janvier 2020

  • Et ils affichent leurs plus grands sourires comme pour narguer les citoyens dans la rue. Ils croient avoir gagné mais ils sont loin de se douter que gagner une manche ne veut pas dire gagner le match.

    Sissi zayyat

    11 h 15, le 22 janvier 2020

  • Habemus Papam.

    FRIK-A-FRAK

    08 h 43, le 22 janvier 2020

  • Il n'y a pas de signes annonciateurs que ce gouvernement soit préoccupé par les demandes de la révolution : une justice indépendante qui lutte contre la corruption, le retour des fonds volés, une nouvelle loi électorale, prélude à de nouvelles élections. Un respect formel et a minima de l'idée que les ministres doivent être des experts non mouillés par les politiques antérieures. Une prétention qu'ils soient indépendants, fort peu crédible. Dès le départ, chacun d'entre eux est présenté comme soutenant un parti, comme représentant d'une confession. C'est un gouvernement de partage du gâteau, de "business as usual", de compromis entre les zo3ama, d'un seul bord, qui plus est. Le peuple libanais n'y croira pas. Aucun projet de restauration des services publics, de restauration du système financier ; aucune empathie affichée pour les souffrances des Libanais. Le seul projet semble être de se dédouaner auprès de la communauté internationale afin qu'elle sauve la situation. Quelle raison aurait-elle de le faire ? Les individus désignés sont peut-être honnêtes et remarquables. Les conditions de la naissance de ce gouvernement me plongent néanmoins dans un profond scepticisme.

    Nassif Pierre

    07 h 59, le 22 janvier 2020

  • Le peuple avait demandé - et on lui avait promis - un gouvernement formé de techniciens, - honnêtes - compétents. - indépendants Je ne me prononce pas sur le premier point. Le second sera jugé à l'usage, mais le troisième a été ignoré malgré les promesses. Une autre revendication importante est rejetée: des élections législatives anticipées selon une loi juste. Comment, dès lors espérer un "État juste et équitable"? Ce gouvernement aura la confiance u Parlement, certes, ai du peuple, certainement pas. Pour ce qui est de la communauté internationale dont le soutien conditionne le redressement du pays, cela n'est pas gagné. Surtout avec la présence de deux ministres rattachés au Hezbollah.

    Yves Prevost

    07 h 42, le 22 janvier 2020

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