Frangié : Nous sommes prêts à défendre un mandat en échec

Hormis quelques brèves déclarations sur son compte Twitter, le leader maronite du Liban-Nord Sleiman Frangié a gardé le silence le plus complet pendant plus de quatre-vingt-dix jours de manifestations contre le pouvoir. Ce n’est qu’hier qu’il l’a rompu, lorsqu’il a tenu une conférence de presse à Bnechii pour parler de la position de sa formation, les Marada, par rapport aux tractations relatives à la formation d’un nouveau gouvernement.

La conférence de presse, qui était initialement prévue pour samedi dans la matinée mais avait été en définitive reportée à hier, était principalement axée sur la question de la participation de son groupe parlementaire au gouvernement de Hassane Diab et sur les obstacles à la naissance du cabinet.

Il est revenu sur le processus de formation du gouvernement, précisant qu’il a été « clair » avec le Premier ministre désigné et qu’il n’avait jamais « prétendu vouloir se sacrifier » pour assurer la réussite du processus. Ces propos sont une allusion faite à une déclaration du chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, qui avait déclaré « être prêt à échanger la présence de son parti au sein du cabinet contre tout ce qui pourrait le faire réussir, jusqu’au point de se sacrifier ».

« En cas de formation d’un gouvernement “révolutionnaire” ou indépendant, je réclame un portefeuille ministériel. Mais si chacune des formations nomme ses représentants, alors en tant que deuxième force chrétienne participant à ce gouvernement, nous demandons deux portefeuilles », a expliqué M. Frangié avant de poursuivre : « Il s’agit de préserver notre dignité. »

Pour le chef des Marada, cette insistance à obtenir deux portefeuilles ministériels au lieu d’un seul, celui des Travaux publics (Lamia Douaihy), vise surtout à empêcher le CPL de s’octroyer le tiers de blocage. « Si le gouvernement est formé d’un seul camp, le 8 Mars, et si nous avons confiance les uns dans les autres, je ne vois pas pourquoi une certaine partie aurait besoin d’obtenir le tiers de blocage », s’est-il interrogé, avant de poursuivre : « Si un camp obtient le tiers de blocage, qui n’a jamais été utilisé de manière positive, nous n’entrerons pas au gouvernement mais nous ne l’entraverons pas non plus. »

Droit dans le mur

Si M. Frangié s’est abstenu de critiquer nommément Gebran Bassil au cours de la première moitié de sa conférence de presse, il a fini par se déchaîner contre le chef du CPL, en réponse à une question l’accusant d’entraver la formation du gouvernement. « Bassil veut nous mener droit dans le mur. Pour lui, soit nous le suivons, soit nous sommes contre le Liban. Ce sont sa cupidité et ses ambitions qui entravent la formation du cabinet », a-t-il lancé, en employant des expressions à la limite insultantes à son égard. Et d’ajouter : « Nous comprenons que le Hezbollah se sente obligé de maintenir ses liens avec Bassil, mais cela ne veut pas dire que nous devons accepter de nous effacer à cause d’un homme qui veut nous plonger dans des marécages. » À plusieurs reprises, M. Frangié a réitéré son souci de préserver sa dignité.

« Il ne s’agit point d’une fuite en avant », a-t-il insisté. « Bien au contraire, nous tenons à être un partenaire efficace dans la prochaine étape jusqu’à défendre un mandat présidentiel qui a échoué », a lancé M. Frangié, qui a affirmé vouloir accorder la confiance au cabinet. « Savez-vous pourquoi ? Parce que mon parti et mon groupe parlementaire ne décevront jamais nos deux alliés, Amal et le Hezbollah », a-t-il expliqué aux journalistes présents dans la salle, ainsi qu’aux téléspectateurs qui suivaient sa conférence de presse sur le petit écran.

Par ailleurs, le leader zghortiote a consacré une partie de son allocution au mouvement de contestation contre la classe dirigeante qu’il a qualifié de « juste ». Pourtant, il avait déclaré au début du soulèvement populaire avoir « freiné » la rue zghortiote qui le soutenait, ce qui explique la participation timide de celle-ci aux sit-in et aux manifestations qui ont été quand même organisés dans la localité.

Selon le chef des Marada, la contestation a porté un « grand coup » à la classe dirigeante. « Les revendications du mouvement de contestation et les raisons qui l’ont provoqué sont légitimes, mais il faut faire la différence entre la classe dirigeante et la classe politique », a-t-il déclaré, affirmant qu’il assumait ses responsabilités.

Pour ce qui est de la crise financière et économique, il a estimé que « la lutte contre la corruption et le recouvrement des fonds volés sont nécessaires, mais l’essentiel est de conduire de nouvelles réformes économiques ». Dans ce sens, il s’est dit en faveur d’un changement au niveau des politiques économiques actuelles basées sur la rente, d’une croissance économique et de la réduction des déficits, entre autres. Il n’a cependant pas précisé comment sa formation compte mettre en œuvre ces mesures, se limitant ainsi aux grandes lignes.