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Atomes non crochus

En formant son gouvernement, Hassane Diab a franchi hier avec succès la première étape d’une course d’obstacles dont le principal demeure inexorablement la réaction de la rue, aussitôt entrée en effervescence. Car si le Premier ministre désigné n’a pas été avare de mentions favorables à la révolution, il est demeuré évasif sur plus d’une des revendications populaires .


Comme maints de ses prédécesseurs, Diab a dû faire preuve de patience et de persévérance pour concilier les prétentions des uns et des autres ; on lui reconnaîtra même le mérite d’avoir souvent tenu tête à ses propres sponsors, encore qu’il a dû également se résoudre à nombre de concessions. Il a su s’entourer de maintes compétences en tout point respectables, mais sans réussir hélas à leur épargner l’encombrant boulet d’un parrainage partisan. Notre pays est certes coutumier des tiraillements entre les diverses composantes de l’establishment politique qui plombent la formation de tout gouvernement. Ce que Hassane Diab ne pouvait imaginer toutefois, c’est de voir le même processus d’atomisation gagner cette même majorité parlementaire, monochrome en principe, qui l’a propulsé au Sérail ; c’est de voir marchandages et retouches se poursuivre jusqu’à la toute dernière minute au palais présidentiel de Baabda, alors qu’il croyait avoir en poche la composition définitive de son gouvernement.


Si cette foire d’empoigne opposant des forces théoriquement alliées est de mauvais augure, c’est parce que le débat a porté non point sur les grands principes et visions d’avenir, mais sur de mesquines considérations d’intérêt. À quelle fin le camp présidentiel exigeait-il de se doter d’un tiers de blocage au sein d’un cabinet où il ne serait pourtant entouré que d’amis? Pourquoi ces amis rechignaient-ils à se fendre d’un tel cadeau ? Ces cordiales rivalités vont-elles continuer de peser sur l’action de l’exécutif, à l’heure où le pays a plus que jamais besoin d’une parfaite cohésion gouvernementale, garante de productivité et de célérité ? Comment enfin ces faiseurs de gouvernement, qui ne se font pas l’un l’autre confiance, espèrent-ils gagner celle des foules en colère ?


Le fait demeure que par son âpreté, ce long bras de fer a rudement malmené, avant même sa concrétisation, l’idée d’une équipe de spécialistes peu concernés par la politique et que s’évertuait à marketiser le Premier ministre désigné. Il prouve surtout combien était hypothétique une réforme volontairement entreprise du dedans : à quel point se justifiait, s’imposait même, le salutaire sursaut populaire du 17 octobre 2019, qui a changé la règle du jeu .


Ces petits meurtres entre amis, on ne louera jamais assez Sleiman Frangié pour en avoir décortiqué la trame dans sa conférence de presse d’hier. Lui-même proche de la Syrie et protestant de son attachement au Hezbollah, le leader maronite du Nord s’est néanmoins défendu de toute servile obédience. Il s’est dit prêt, par pur esprit de chevalerie, à voler à la rescousse d’un régime qu’il a néanmoins qualifié de failli. Remuant le fer dans la plaie, il ne s’est pas privé d’attribuer la responsabilité de la crise à la cupidité et aux ambitions démesurées du gendre du chef de l’État. Miracle, son coup de gueule semble bien avoir hâté un dénouement déniant fort salutairement à toute formation politique cette minorité de blocage dont a tant pâti le Liban.


Non moins déroutante cependant que toute cette dispersion politique est l’impression de fractionnement que laisse, à son tour, l’appareil sécuritaire de l’État, au spectacle des débordements de violence, comme des inacceptables brutalités policières, qui ont marqué les manifestations de dimanche dernier. Convoqués le lendemain par le président Michel Aoun, les chefs des institutions et organismes concernés se sont ainsi vu prêcher une meilleure coordination de leurs efforts : ce qui laisse croire que tout au long des trois mois de bouillonnement de la rue, ladite coordination laissait, pour le moins, à désirer. Désarmante de candeur dans sa banalité, confinant à la lapalissade, paraît la recommandation faite aux forces de l’ordre de veiller à la protection des manifestants pacifiques, mais de réprimer en revanche les fauteurs de troubles.


De se l’être (et de l’avoir) rappelé est tout de même heureux.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

En formant son gouvernement, Hassane Diab a franchi hier avec succès la première étape d’une course d’obstacles dont le principal demeure inexorablement la réaction de la rue, aussitôt entrée en effervescence. Car si le Premier ministre désigné n’a pas été avare de mentions favorables à la révolution, il est demeuré évasif sur plus d’une des revendications populaires ....