Des manifestants coupant l'autoroute au niveau de Byblos, au nord de Beyrouth, le 21 janvier 2020. AFP / JOSEPH EID
A peine le Premier ministre libanais désigné était-il arrivé mardi soir à Baabda pour présenter la mouture de son gouvernement au président Michel Aoun, après des semaines de longues tractations politiques, que le mouvement de contestation s'était mobilisé pour exprimer son refus de ce cabinet, promettant de le faire chuter dans la rue.
Le gouvernement Diab, dont la formation officielle a été annoncée peu avant 22h par le secrétaire général de la présidence du Conseil, succède au cabinet du Premier ministre sortant, Saad Hariri, qui a démissionné le 29 octobre sous la pression inédite de la rue qui se révolte depuis le 17 octobre. Cette même rue rejette d'ores et déjà le cabinet de M. Diab. Avant même l'annonce officielle de la formation du gouvernement, des contestataires se sont rassemblés dans le centre-ville de Beyrouth, où les forces de l'ordre avaient pris des mesures de sécurité afin de bloquer les accès au Parlement. La manifestation, qui avait commencé dans le calme, a dégénéré dans la nuit en affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Les protestataires tentaient de retirer les barbelés pour avoir accès à la place de l’Étoile. Ils ont jeté des pierres en direction des forces antiémeute, postées sur la place.
Plusieurs manifestants se sont également rassemblés sur la place al-Nour à Tripoli. A Saïda, des jeunes se sont rassemblés sur la place Elia qu'ils ont bloquée ainsi que d'autres routes dans la ville. Plusieurs routes ont en outre bloquées à l'aide de pneus enflammés à travers le pays, notamment au niveau de la voie-express du Ring à Beyrouth et dans les régions à majorité sunnite (Cola à Beyrouth, Beddaoui à Tripoli, Taalabaya dans la Békaa...), alors que des appels à faire chuter le nouveau gouvernement dans la rue étaient lancés sur les réseaux sociaux.
Après des semaines de tergiversations, Hassane Diab, professeur d'ingénierie et ancien ministre de l'Education, avait été chargé le 19 décembre de former un gouvernement. Il s'était engagé à choisir des technocrates indépendants, comme le réclame la rue, et à former son équipe sous six semaines. Mais c'était sans compter les complications dans la répartition des portefeuilles, directement engendrées par les partis du camp du 8 Mars ayant appuyé la nomination de M. Diab. Les manifestants, qui appellent depuis trois mois à la chute de tous les responsables politiques, accusés de corruption et d'incompétence, alors que le pays traverse une grave crise économique et de liquidités, ont crié haut et fort leur rejet de ces marchandages.
Au final, le cabinet formé par M. Diab compte 20 ministres dont plusieurs représentants de partis du camp du 8 mars. (Voir ici la composition du nouveau gouvernement)
Le nouveau gouvernement tiendra demain mercredi sa première réunion, au palais de Baabda, sous la présidence du chef de l’État. Cette réunion sera consacrée à la formation de la commission chargée de rédiger la déclaration ministérielle, sur laquelle un accord avait été trouvé avant la naissance du gouvernement.
Prenant la parole à partir de Baabda, Hassane Diab a promis que son gouvernement ferait tout son possible pour répondre aux revendications du mouvement de contestation. "Je salue le soulèvement qui nous a poussés sur cette voie. Le Liban a gagné. C'est un gouvernement qui exprime les aspirations des manifestants dans tout le pays, mobilisés depuis plus de trois mois, qui travaillera à répondre à leurs revendications: indépendance de la justice, recouvrement des fonds détournés, lutte contre l'enrichissement illégal et mise en place d'une nouvelle loi pour des élections législatives", a-t-il déclaré peu après l'annonce de la formation de son cabinet.
Dans un pays croulant sous la dette publique, il faudra des réformes structurelles, attendues notamment pour débloquer des milliards d'aides et de dons promis par la communauté internationale. Il faut aussi enrayer une dépréciation de la livre libanaise, qui a perdu plus d'un tiers de sa valeur face au dollar dans les bureaux de change. Et gérer le manque de confiance du public vis-à-vis du système bancaire, qui a adopté des restrictions draconiennes sur les retraits.
commentaires (5)
Les traîtres ont gagné maintenant il faut les laisser travailler honnêtement k
Eleni Caridopoulou
21 h 37, le 22 janvier 2020