Le Premier ministre libanais désigné, Hassane Diab, a affirmé vendredi se donner "entre un mois et six semaines" pour former un gouvernement d'experts, qualifiant par ailleurs de "ridicule" le fait que l'on puisse décrire le prochain cabinet comme le gouvernement du Hezbollah. Chargé la veille de former le prochain gouvernement, Hassane Diab a mené une tournée protocolaire auprès des ex-Premiers ministres, alors qu'une grande partie de la rue sunnite proteste contre la désignation de cet universitaire et ancien ministre.
"L'objectif est de former un gouvernement de technocrates indépendants afin de résoudre les problèmes économiques et sociaux du pays", a déclaré M. Diab dans un entretien publié dans la journée sur le site d'information allemand Deutsche Welle. "Les consultations parlementaires non contraignantes (que va mener le PM désigné) débutent samedi. Tout le monde est disposé à coopérer pour que le Liban ait un cabinet exceptionnel qui ne ressemble pas aux gouvernements précédents, aussi bien sur le plan des compétences que sur celui de la part des femmes, le tout en respectant les équilibres, a-t-il ajouté. Mon objectif est qu'un gouvernement soit formé entre un mois et six semaines".
"Ridicule"
Âgé de 60 ans, Hassane Diab, un universitaire et ancien ministre de l'Education peu connu du grand public, a été désigné jeudi au terme d'un vote lors de consultations parlementaires menées par le président Michel Aoun, conformément à la Constitution. Sa nomination a été soutenue par le Hezbollah et ses alliés mais n'a pas recueilli le soutien du courant du Futur de Saad Hariri.
La désignation de M. Diab, présenté comme indépendant et "technocrate", intervient plus de deux mois après le début le 17 octobre d'un mouvement de contestation inédit contre la classe dirigeante ayant entraîné 12 jours plus tard la démission de M. Hariri. Mais cette désignation n'a pas calmé la rue. En outre, M. Diab n'a pas le soutien de sa communauté, qui lui reproche d'être appuyé par le Hezbollah. Cet appui fait craindre une compromission des aides étrangères, cruciales pour éviter une faillite du pays, en proie à l'une des pires crises économiques depuis la fin de la guerre civile (1975-1990).
Le prochain gouvernement sera-t-il celui du Hezbollah ? "C'est ridicule", répond sèchement le Premier ministre désigné. "Ce gouvernement sera le visage du Liban. Il ne sera pas celui d'un seul camp", a-t-il ajouté, s'attendant à un "soutien total des Américains et des Européens", alors que le sous-secrétaire d'Etat américain David Hale, qui est arrivé à Beyrouth ce matin, effectuait une tournée auprès de plusieurs responsables libanais, dont le chef de l'Etat et le Premier ministre sortant, Saad Hariri.
(Lire aussi : Hassane Diab promet qu’il n’y aura pas de retour à l’avant-17 octobre)
Hariri à la MTV
Saad Hariri, proche de l'Occident et considéré comme le principal dirigeant de la communauté sunnite du pays, était pressenti jusqu'à récemment pour diriger le prochain gouvernement. Mais il a renoncé à la course mercredi, sans apporter son soutien franc à M. Diab.
"Ce n'est pas moi qui formerai le prochain gouvernement (...) Le Premier ministre désigné fera sa tournée et son travail et nous verrons", a-t-il déclaré jeudi soir de manière laconique lors d'une interview téléphonique dans le cadre d'une émission politique sur la chaîne locale MTV. "Je suis inquiet parce que je crains pour le pays", a t-il ajouté.
"Nous devons admettre qu'au pouvoir, nous avons échoué sur de nombreux points, a estimé le chef du gouvernement sortant, notamment sur l'électricité, l'eau et les communications (...) J'ai conclu avec le président Michel Aoun un compromis, que je ne regrette pas, dans l'intérêt du pays et des institutions, mais nous n'avons pas pu répondre aux espoirs du peuple. Les gens sont descendus dans la rue. Je les ai entendus, comme nous tous", a-t-il déclaré.Et d'ajouter : "En tant que Premier ministre, je tenais des séances du cabinet, et lorsque nous prenions une décision, chaque ministre avait l'habitude de l'interpréter en fonction de ses intérêts politiques. Comment le peuple peut-il avoir confiance en un tel gouvernement? Tout fonctionne selon la politique et la concurrence. Ce que je veux dire, c'est qu'en raison de la situation économique et sociale actuelle, nous devons tous unir nos efforts et écouter la révolution. Ils m'ont appris beaucoup de choses, qui m’avaient peut-être échappé".
"Aujourd'hui, nous devons aller de l'avant et nous doter d'un gouvernement. Dès le début, j'ai dit que la seule façon de sortir le pays de cette crise est de former un gouvernement de spécialistes qui doivent prendre leurs décisions de manière indépendante pour exercer leurs fonctions", a souligné Saad Hariri.
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18 h 46, le 20 décembre 2019