Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Liban Pop

Du rouge pour les cheveux et un sourire arc-en-ciel

Elle est un antidote à la morosité actuelle tant son discours est hilarant, son humour décoiffant et ravageur et son énergie désopilante. Une entrevue avec Amal Taleb ressemble à des retrouvailles avec une bonne copine dont on partage les agacements et les enthousiasmes, les coups de blues et les coups de gueule.

Amal Taleb, une tignasse et un sourire pleins de couleurs. Photo DR

Ne comptez pas sur elle pour proférer des jurons, discuter politique, religion ou sexualité. Son truc à elle, c’est l’enfance au village, les soirées en famille à la lumière d’une bougie et la société dont elle épingle les contradictions avec une lucidité désarmante.

Qu’elle se moque des travers de ses semblables, de ses proches ou d’elle-même (ce qu’elle fait souvent), le mot est toujours juste, la formule claque et le rire est au rendez-vous. Autant de sympathie et de fraîcheur dans une chronique au sein de l’émission Lahon w bass sur la chaîne LBCI avec Hicham Haddad tous les mardis (après le journal télévisé depuis le 17 octobre) où ses interventions ne manquent jamais d’égayer l’actualité ou de la moquer habilement. Hors révolution, Amal Taleb s’amusait des cérémonies de mariage à la libanaise, n’épargnait ni les mariés, ni les invités, ni même le DJ ; raillait les interminables et insupportables dîners de famille avec les tics et tocs de tous ses membres ; brocardait la notion de couple, le machisme de l’homme et l’incrédulité de la femme ; se moquait des relations parentales, de la mère qui fait toujours taire les enfants parce « papa fait une sieste », du bulletin de classe toujours mis en compétition avec le fils des voisins ou de la belle-sœur qui ne trouve jamais grâce aux yeux de personne. Depuis le 17 octobre, elle s’attaque aux comptoirs de banque (qu’elle appelle « buffet » ), aux stations d’essence. Elle se moque des ruées vers les supermarchés où l’on dévalise même le rayon couche-culotte quand bien même on est célibataire ; se moque de l’attitude des épargnants dont elle fait partie face aux distributeurs de billets récalcitrants ; décrit enfin le panel des manifestants, du plus tragique au plus fou, mais toujours avec légèreté et bienveillance.


Un accent vrai
D’abord il y a cet accent qui vient de chez elle, à Bednayer, et qu’elle s’amuse à forcer un tantinet : « Avec les nouvelles générations, dit-elle, l’accent se perd peu à peu, et moi il me plaît de le retrouver. » Ensuite il y a la chevelure fantasque et flamboyante qu’elle balance de gauche à droite, et enfin il y a un sourire contagieux.

Amal Taleb est née dans ce petit village de la Békaa, au sein d’une fratrie de quatre. Trois filles et un garçon, quatre prénoms avec la lettre A, « une lubie de mon père ! » dit-elle. « J’étais celle qui aimait le plus les jeux de mots et les calembours. En terminale, en fin d’année, j’ai même écrit et composé une chanson, je me voyais déjà sur les planches. » Lorsque vint l’heure de faire un choix universitaire, Amal se plie aux exigences de ses parents et joue la carte de la sécurité. Elle est acceptée à l’Université libanaise pour une licence en business et déménage à Beyrouth sans pour autant perdre le fil de ses idées de jeunesse. Pour entamer la deuxième année, elle s’installe dans un foyer proche de l’université et s’inscrit en licence de théâtre, jonglant ainsi entre les chiffres et les mots. C’est avec beaucoup de respect et d’admiration qu’elle cite ses professeurs Siham Nasser, Boutros Rouhanna ou Jamal Hassan. En 2011, elle se produit sur les planches dans Ziyara Sayed el-Wazir, mise en scène par Hisham Zeineldine, « une belle collaboration ». Elle enseigne le théâtre, collabore dans les coulisses avec Khodr Alaeddine (le fils de Chouchou) et en 2019 retrouve Hisham Zeineldine pour la pièce el-Ababid. En 2015, elle décide de poursuivre ses études, car, précise-t-elle, « j’ai réalisé que le master contrairement à une licence est le choix de la maturité, une décision prise librement, avec conviction et détermination ». Elle rejoint l’équipe de The Red Bridge – al-Jesr el-ahmar, fondée par Soline Daccache en 2016, avec pour but de réunir un groupe de personnes diverses et d’unir leurs compétences, leurs origines, leurs similitudes et leurs différences, pour ainsi construire un pont entre les acteurs et le public, et établir une connexion entre les gens, les histoires et les communautés. « C’est cet exercice de “devoir être toujours prêt” à camper tous les rôles dans un moment très restreint qui m’a fait acquérir une certaine aisance face à la caméra, dans ce que je fais à présent avec Hicham Haddad. »


Comédienne surtout
Il fut un temps où les artistes se devaient d’avoir des agents, des imprésarios pour gérer leur carrière mais aussi pour les lancer. Actuellement, les réseaux sociaux se chargent de faire une partie du travail. C’est une simple vidéo postée sur Facebook qui a poussé Hicham Haddad à lui proposer une collaboration. L’aventure dure depuis deux ans, mais le rêve ultime de Amal reste la comédie : « Je veux être une actrice avant tout », dit-elle. Elle avoue s’inspirer avant tout de ses expériences personnelles et de sa vie au village. « Les histoires passent par ma tête et en ressortent modifiées. Je suis d’une nature curieuse, je ne me lasse pas d’observer le comportement des gens. Mais parfois, il m’arrive de sortir une vanne en public et de le regretter en pensant que j’aurais dû la laisser pour mes chroniques. » Pour la jeune femme, même si on peut rire de tout, ce n’est pas ce qu’elle aime faire. L’autodérision reste pour elle essentielle, oser, avouer ses faiblesses, révéler ce que les gens essaient de cacher. « J’essaie d’explorer des pistes inattendues pour me surprendre moi-même. » À chaque épisode, elle a le trac. L’émission n’est jamais modifiée et le rire du public, pris sur le vif, en est le baromètre. Et parce que rire permet d’évacuer ses angoisses, de prendre un recul indispensable face aux difficultés, alors, aujourd’hui plus que jamais, on a envie de dire à Amal Taleb : « Surtout continuez ! » Ce à quoi elle répondra : « Oui, mais je veux être comédienne. »



Dans la même rubrique

La révolution en chantant

Carole Samaha : le cinéma, enfin !

Netflix : la course au(x) dollar(s) passe aussi par Beyrouth !

Manel Mallat peint en mille couleurs son hymne à la tolérance

Melhem Zein, le « Rayess » de la chanson arabe


Ne comptez pas sur elle pour proférer des jurons, discuter politique, religion ou sexualité. Son truc à elle, c’est l’enfance au village, les soirées en famille à la lumière d’une bougie et la société dont elle épingle les contradictions avec une lucidité désarmante.Qu’elle se moque des travers de ses semblables, de ses proches ou d’elle-même (ce qu’elle fait souvent), le...

commentaires (2)

Mahdoumeh ktir !

Shou fi

18 h 14, le 19 décembre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Mahdoumeh ktir !

    Shou fi

    18 h 14, le 19 décembre 2019

  • Je pense qu'il y a une erreur d'orthographie : on ecrit "née dans ce petit village de la Békaa, Bednayer". Il existe un village "Bednayel" (avec L) mais je n'ai pas entendu de "Bednayer" (avec R). Si c'est Bednayel c'est du cote de Niha, Qsarnaba etc.

    Stes David

    17 h 34, le 19 décembre 2019

Retour en haut