Le Premier ministre libanais sortant, Saad Hariri, a annoncé mercredi en début de soirée qu'il n'était pas candidat à sa propre succession à la tête du prochain gouvernement, à la veille des consultations parlementaires contraignantes qui doivent avoir lieu demain, jeudi, au palais présidentiel de Baabda, au moment où le pays est secoué par une contestation populaire inédite contre le pouvoir politique depuis le 17 octobre.
"Depuis que j'ai présenté ma démission il y a 50 jours, en réponse au cri des Libanais et des Libanaises, j'ai sérieusement œuvré à répondre à leurs revendications qui consistent en la formation d'un gouvernement de spécialistes et que je considérais comme le seul cabinet capable de résoudre la crise sociale et économique grave à laquelle notre pays fait face", a dit M. Hariri dans un communiqué.
"Lorsqu'il s'est avéré que malgré mon engagement à former un gouvernement d'experts, les positions prises ces derniers jours étaient non négociables, j'ai décidé d'annoncer que je ne serai pas candidat pour former le prochain gouvernement", a fait savoir le Premier ministre sortant.
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"Je participerai demain aux consultations parlementaires sur cette base et j'insiste sur l'importance de ne pas reporter cette échéance sous n'importe quel prétexte. J'ai appelé le bloc parlementaire du courant du Futur à se réunir demain matin afin de fixer sa position par rapport à la nomination" du nouveau Premier ministre, a conclu M. Hariri.
Réagissant à cette annonce, le chef du Courant patriotique libre (CPL, fondé par le chef de l'Etat, Michel Aoun), Gebran Bassil, a salué la décision "responsable" de M. Hariri, l'appelant à proposer le nom d'une personnalité "fiable". Il a toutefois reproché à Saad Hariri le timing de son annonce "en dernière minute"et critiqué le fait que le Premier ministre sortant veut "tantôt demander le report des consultations, tantôt imposer leur tenue, selon ses intérêts personnels", alors que l'organisation de ces consultations est "la prérogative exclusive du président de la République qui en fait usage en respect pour l'intérêt général et la Constitution".
Le gouvernement de Saad Hariri a démissionné le 29 octobre sous la pression inédite de la révolte populaire déclenchée le 17 octobre contre la classe politique accusée de corruption et d'incompétence. Depuis, la présidence de la République a reporté à deux reprises la date des consultations parlementaires contraignantes. Donné favori pour diriger un nouveau gouvernement, Saad Hariri n'a pas bénéficié d'un large soutien des formations chrétiennes, et a réclamé lundi le report des consultations qui ont été fixées à demain, jeudi.
Dar el-Fatwa
Quelques heures plus tôt, Dar el-Fatwa, la principale instance sunnite du pays, avait annoncé qu'elle était ouverte à d'autres noms de candidats que celui de M. Hariri, alors que la semaine dernière, elle avait clairement affiché son soutien à une candidature du Premier ministre sortant. "Le mufti de la République, Abdellatif Deriane, a assuré que Dar el-Fatwa est ouvert à tout candidat", a déclaré le député Fouad Makhzoumi Makhzoumi lors d'une conférence de presse depuis le siège de l’instance religieuse. Il a par ailleurs indiqué qu'il n'était pas candidat au poste de chef de gouvernement. "Mais j'ai un projet économique et je me tiendrai aux côtés de toute personne qui l'adoptera", a-t-il noté.
L'homme d'affaires Samir Khatib, qui était favori pour diriger le prochain gouvernement, avait créé la surprise le 8 décembre à l’issue d’une réunion avec le mufti de la République en se récusant. M. Khatib avait déclaré avoir "été informé par le mufti que ses concertations avec les membres de la communauté musulmane ont abouti à un consensus pour la désignation de Saad Hariri". Il s’était ensuite rendu à la Maison du Centre pour informer M. Hariri de la position du mufti et officialiser son retrait. Sa démarche a suscité une levée de boucliers dans plusieurs milieux politiques. On reproche à Dar el-Fatwa d’avoir instrumentalisé l’opportunité de l’annonce du retrait de la course de Samir Khatib pour avaliser la candidature de M. Hariri, en arguant d’une entente "musulmane" à ce propos, outrepassant ainsi les dispositions constitutionnelles en occultant le rôle du Parlement pour la désignation du Premier ministre.
Pour sa part, le président du Parlement, Nabih Berry, avait déclaré cet après-midi à ses visiteurs à Aïn el-Tiné que "les consultations (parlementaires contraignantes) doivent se dérouler au sein des institutions" et non dans la rue, appelant "tout le monde à faire des concessions". Il faisait allusion aux violents affrontements qui se sont déroulés entre samedi soir et mardi, à l'aube, entre manifestants, contre-manifestants, et forces de l'ordre, à Beyrouth, dans le Nord et le Sud du pays, faisant des dizaines de blessés dans les trois camps.
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commentaires (9)
Espérons que le nom qui sera proposé par Berry et HN sera rejeté illico par tous les votants patriotiques. Il est temps que cette dictature cesse.
Sissi zayyat
11 h 57, le 19 décembre 2019