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Liban - Focus

Comment une vidéo circulant sur internet a failli provoquer une discorde sunnito-chiite

L’homme qui a insulté les symboles religieux chiites a présenté ses excuses hier, mais le mal était fait. Reste une question : qui a intérêt à semer la discorde ?

Une voiture incendiée lors des actes de vandalisme dans la nuit de lundi à mardi, au centre-ville. Photo Hassan Assal

Lundi soir, les choses semblaient bien embarquées. Après un week-end marqué par des dérapages et une répression violente des manifestants par les forces de l’ordre dans le centre-ville de Beyrouth, une nouvelle manifestation, devant l’entrée de la Maison du Centre, domicile du Premier ministre sortant Saad Hariri, s’était déroulée dans le calme. Mais quelques heures plus tard, après 23h, tout a de nouveau basculé, quand des centaines de jeunes en provenance du quartier de Khandak al-Ghamik, des partisans ou sympathisants du Hezbollah et d’Amal, les deux partis chiites, ont semé la panique au centre-ville, où campent les protestataires. Des attaques ont également eu lieu, et ce pour la première fois, contre la place sur laquelle campent les manifestants à Saïda, au Liban-Sud. La cause de cette nouvelle éruption de violence ?

Une vidéo qui a circulé massivement sur les réseaux sociaux et via WhatsApp le jour même, montrant un certain Samer Sidaoui, originaire de Tripoli, insultant sans ménagement non seulement les leaders des partis chiites mais aussi les symboles religieux de cette communauté. Si l’auteur de la vidéo, qui vit à l’étranger, a présenté ses excuses hier, l’atmosphère restait toutefois tendue.

Signe de l’extrême sensibilité de l’affaire, elle a été abordée à l’issue d’un entretien entre Saad Hariri et le président du Parlement Nabih Berry. Les deux hommes ont appelé « les Libanais à faire preuve de retenue en ces temps difficiles, et éviter de se laisser entraîner vers la discorde ». Par ailleurs, le cheikh Ali Bitar, membre du Conseil supérieur islamique chérié et imam de la mosquée de Basta (quartier majoritairement sunnite de Beyrouth), a rendu visite à l’imam de Khandak al-Ghamik (quartier à majorité chiite), le cheikh Mohammad Ayad. Les deux hommes ont insisté sur l’unité islamique et la nécessité de préserver l’union nationale, condamnant à l’unisson les provocations contenues dans la vidéo.


(Lire aussi : ... Et des larmes, maintenant, l'éditorial de Issa GORAIEB)


Complot étranger ou tentative de faire avorter la révolte ?

Plusieurs zones d’ombre persistent dans cette affaire. Pourquoi les partisans ont-ils décidé de s’attaquer au centre-ville de Beyrouth où se trouvent les protestataires du 17 octobre, qui n’ont rien à voir avec la vidéo, pour laisser éclater leur colère ? Qui a eu intérêt à diffuser cette vidéo ce jour-là, après un week-end de violence dans la rue, et à la partager sur les réseaux sociaux ? Qui a intérêt à semer la discorde communautaire, en l’occurrence entre sunnites et chiites, et discréditer une révolte qui se caractérise par son caractère pacifique et transcommunautaire ?

Salem Zahrane, directeur du Media Focal Center, un centre d’étude sur les médias, estime que « ce n’est pas une simple vidéo qui a fait exploser la rue, même si elle en est le déclencheur, mais plutôt les événements violents du week-end au centre-ville de Beyrouth ». Selon l’analyste, « des individus suspects, venus de Tripoli notamment, ont copieusement insulté, au cours du week-end, le président du Parlement Nabih Berry, entraînant une riposte violente de la police du Parlement et des forces de l’ordre. Ce à quoi il faut ajouter la circulation, sur les réseaux sociaux, de nombreuses vidéos contenant des insultes contre les leaders chiites ».

M. Zahrane soupçonne « une manipulation de services de renseignements » dans la diffusion aussi rapide de la vidéo. « Il est clair que deux mesures doivent être prises, d’une part une enquête sérieuse sur la partie responsable du partage sur les réseaux sociaux, d’autre part une requête auprès d’Interpol pour obliger cet homme à rentrer au Liban et dénoncer d’éventuelles complicités, dit-il. Pour moi, la raison sous-jacente de ces incidents est soit une tentative de faire avorter les concertations parlementaires qui devaient avoir lieu lundi (et reportées entre-temps à jeudi, NDLR), soit une tentative, par une partie étrangère hostile au Liban, de faire éclater la discorde. »

La possibilité d’une intervention étrangère, notamment israélienne, pour semer le chaos au Liban n’est pas écartée par le général Samer Rammah, membre du comité de coordination de la thaoura et du mouvement des militaires retraités. Mais il pointe aussi du doigt une volonté des autorités de faire peur aux protestataires qui campent sur les places, afin de les pousser à rentrer chez eux. « Pourquoi aucun vandale n’est-il arrêté et pourquoi autant de violence durant le week-end dernier contre les manifestants ? se demande-t-il. Cet homme qui a lancé ces insultes peut être de connivence avec des parties locales ou extérieures. Ce pays est tellement fragile qu’un simple match de football est susceptible d’y provoquer une guerre civile. »

Un autre analyste, qui a préféré garder l’anonymat, est convaincu quant à lui que l’objectif principal de la diffusion de cette vidéo, dans l’hypothèse d’une manipulation, est de faire échouer la révolte du 17 octobre. « Pour arriver à leurs fins, les dirigeants cherchent souvent à opposer une rue à une autre, dit-il. Et pour cela, ils ont besoin de créer une menace à l’ordre public, avec du vandalisme, voire du sang, qui débouchera sur une limitation des libertés. » Cependant, selon lui, « ces méthodes ont désormais montré leurs limites avec les réseaux sociaux qui contribuent à démasquer ces tentatives ». Il appelle « à une enquête transparente des forces de l’ordre, quels que soient les défis, parce que les vandales sont connus ».




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commentaires (10)

deux attitudes a la fois vomitives et impardonnables : --discrediter la revolte/revolution/intifada/ en l'accusant en plus d'etre "manipulee"- accusation colportee par des individus ....innommables ! --rester insensibles a cette crise inedite et sacrement dangereuse de la part des politiques & le prive corrupteurs

Gaby SIOUFI

17 h 42, le 19 décembre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (10)

  • deux attitudes a la fois vomitives et impardonnables : --discrediter la revolte/revolution/intifada/ en l'accusant en plus d'etre "manipulee"- accusation colportee par des individus ....innommables ! --rester insensibles a cette crise inedite et sacrement dangereuse de la part des politiques & le prive corrupteurs

    Gaby SIOUFI

    17 h 42, le 19 décembre 2019

  • QUI VEUT TUER SON CHIEN L'ACCUSE DE RAGE En attendant , l' unanimité au Liban contre ces deux partis est entrain de se faire au grand dam du CPL qui perd ses partisans un à un car il est impossible au 21eme siècle de soutenir de tels projets .

    PROFIL BAS

    16 h 02, le 18 décembre 2019

  • En fait la corruption est tellement bien ancree que je ne vois pas comment le Liban va s'en sortir. Meme pas l'Armee national ne peut intervenir puisqu'elle est infiltree par les sbires du Hezb et de Amal. Vu de l'etranger la situation est critique pour ne pas dire catastrophique.... Allah yihmi le Liban et les vrais Libanais!

    IMB a SPO

    14 h 17, le 18 décembre 2019

  • On dit vouloir faire capoter la révolution du 17 Octobre, quelle grosse farce. Ce genre de révolution de la danse du ventre s'est discréditée par elle-même dès la 1ère semaine pour ne laisser que désolation et échec qui ne continueront à tromper que les enfants de moins de 12ans. À ce jour quel grand corrompu voleur de l'état a été inquiété ? Ces stupides crédules devraient aller jouer aux billes plutôt que de se laisser manipuler par l'étranger.

    FRIK-A-FRAK

    13 h 13, le 18 décembre 2019

  • Nous sommes couverts d'insultes et d'humiliation et d'actes criminels depuis des décennies et ils viennent s'insurger pour une vidéo postée oÙ un citoyen qui en a ras la casquette comme le trois quart des libanais de ces imposteurs crie son ras le bol pour en faire un problème d'état. Avant de demander à faire rapatrier ce Moniseur pour voir s'il est comploteur avec des états étrangers commençons par traduire en justice ceux qui fanfaronnent et prêtent allégeance ouvertement à l'Iran et utilisent ses sbires et ses armes pour casser du libanais sans qu'aucune voix ne s'élève pour dénoncer le complot. On s'en prend comme d'habitude aux pauvres gens. Pourtant ce cas n'a pas besoin d'enquête. Il y a ses discours qui en disent longs sur les complots anti-libanais et des actes anti-libanais. Alors où est la justice? ASSEZ CHERCHER DES COUPABLES PARTOUT DE CE BLOCAGE ET DES VIOLENCES. LES COUPABLES SONT SOUS VOTRE NEZ ET UTILISENT OUVERTEMENT TOUS LES MOYENS DE L'ÉTAT Y COMPRIS SES FSI POUR ARRIVER À LEUR BUT. LA MAIN-MISE SUR NOTRE PAYS. QUELLE HYPOCRISIE ET QUEL DEDAIN POUR LE PEUPLE. ILS NOUS PRENNENT POUR POUR DES CRUCHES ET CONTINUENT LEURS SALADES. MÊME CERTAINS ANALYSTES POLITIQUES S'EMPLOIENT À EN FAIRE L'ÉCHO. QUEL SCANDALE

    Sissi zayyat

    12 h 46, le 18 décembre 2019

  • Au secours! il faut vraiment etre le dernier des primates pour s'enflammer sur une video aussi stupide soit elle. Si la video te plait pas fait en une autre!

    camel

    11 h 26, le 18 décembre 2019

  • y en marre de salem zahran le pseudo expert analyste et comparses, assez de ces gens qui trouvent tout a fait normal que les voyous miliciens cassent tout , s'attaquent aux pacifistes au vu et au su des forces del'ordre, des lors qu'un energumene ou l'autre ose - rien que ca : ose critiquer l'un ou l'autre leader . alors reagir a ce qu'ils considerent comme insultes ? tout a fait normal qu'ils brulent tout le centre ville !

    Gaby SIOUFI

    10 h 04, le 18 décembre 2019

  • Les seuls qui ont interet a semer la discorde sont l axe du mal de la pseudo resistance ...c est une insulte a l intelligence d accuser Israel !

    HABIBI FRANCAIS

    07 h 35, le 18 décembre 2019

  • "Pourquoi aucun vandale n’est-il arrêté et pourquoi autant de violence durant le week-end dernier contre les manifestants ?" Ce sont les deux questions que tout le monde se pose et auxquelles la seule réponse du ministre de l'intérieur a été: "C'est un sujet sensible"!

    Yves Prevost

    07 h 27, le 18 décembre 2019

  • SEULS CEUX QUI NE VEULENT PAS D,UN GOUVERNEMENT DE TECHNOCRATES INDEPENDANTS ONT INTERET A SEMER LA DISCORDE POUR ARRIVER A LEUR FIN. LA MAINMISE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 35, le 18 décembre 2019

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