L'affaire de la mise en examen pour corruption de la directrice du centre d’enregistrement et de contrôle technique des véhicules, Hoda Salloum, continuait d'attiser les tensions jeudi entre la procureure de la Cour d’Appel du Mont-Liban, la juge Ghada Aoun, et le député Hadi Hobeiche. La procureure a en effet lancé des poursuites pour diffamation contre le député Hobeiche, qui a rétorqué en entamant également une procédure judiciaire à l'encontre de la procureure. Cette affaire a pris de l'ampleur alors que le Conseil supérieur de la magistrature a déféré la procureure Ghada Aoun devant l'inspection judiciaire, en raison de déclarations qu'elle aurait faites à la presse sans avoir obtenu d'autorisation préalable.
Poursuites mutuelles
Dans l'après-midi, M. Hobeiche a confirmé à la chaîne de télévision locale LBC avoir lancé des poursuites contre Mme Aoun pour diffamation et outrage à l'encontre d'avocats et de députés. De son côté, la procureure s'est constituée partie civile, en son nom propre, pour réclamer des poursuites contre le député et réclamer son arrestation. Quelques heures plus tard, l’Etat libanais, par l'intermédiaire du l'avocat du directeur du département des contentieux au ministère de la Justice, Rabih Fakhri, a déposé une plainte au pénal contre le député Hobeiche pour "agression publique" contre Ghada Aoun. Par cette plainte enregistrée auprès du bureau du procureur général, l’Etat réclame l'arrestation de M. Hobeiche et sa comparution devant le tribunal compétent.
L'affaire avait commencé lorsque la juge Aoun avait ordonné l’arrestation de Hoda Salloum, sur base d’une note d’information déposée par l’avocat Wadih Akl. Cette note d’information évoque des accusations de pots-de vin, de faux et usage de faux, dilapidation de fonds publics et enrichissement illicite. L'arrestation de cette-fonctionnaire supérieure a été critiquée par plusieurs personnalités politiques, dont notamment le député Hadi Hobeiche (affilié au courant du Futur), avocat de Mme Salloum. Il s'était rendu, dès l'annonce de l'arrestation, au palais de Justice de Baabda où il avait fait irruption dans le bureau de la juge Aoun et s’en était prix violemment à elle, la qualifiant de "milicienne" et de "symbole de la corruption".
Plus tôt dans la journée, l'avocat Wadih Akl avait de son côté déposé une note d'information au bureau du procureur général près la cour de cassation, demandant l'arrestation de Hadi Hobeiche et l'engagement de poursuites à son encontre. Me Akl accuse le député de diffamation pour avoir "insulté et calomnié" la juge Aoun. Deux autres avocats, Wissam Mazbouh et Achraf el-Moussaoui, avaient pour leur part déposé une note d'information auprès de la juge Ghada Aoun à l'encontre de Rabih Zein, qui accompagnait Hadi Hobeiche lors de son irruption au palais de Justice de Baabda. M. Zein est accusé d'avoir porté atteinte au prestige et à la réputation de la justice et d'avoir diffusé en direct des images de l'incident.
Le procureur général près la cour de cassation, Ghassan Oueidate, a transmis la plainte de Ghada Aoun, la note d’information déposée par l’avocat Wadih Akl et la plainte de l'Etat libanais à l'avocate générale près la cour de cassation, Mirna Kallas. Dans ce contexte, la Sécurité de l'Etat a arrêté neuf personnes dans le cadre du dossier d’enregistrement et de contrôle technique des véhicules.
"Nous réclamons la vérité"
Réagissant jeudi à cet incident, le vice-président de la Chambre Elie Ferzli a appelé, lors d'une conférence de presse, le CSM à "assurer un suivi très précis de l'affaire de l'arrestation de Hoda Salloum". "Nous réclamons la vérité sur cette question", a-t-il ajouté.
Les députés du bloc parlementaire du Hezbollah ont de leur côté dénoncé, lors de leur réunion hebdomadaire, l'intervention de Hadi Hobeiche au palais de Justice. "Ce qui s'est passé hier est contraire à la logique de la préservation des institutions nationales", a estimé le bloc.
Mercredi soir, le CSM s'était dit "choqué de voir un député lancer des insultes et des menaces à l'encontre de la procureure, au moment où des lois et des normes régissent les relations entre un député-avocat et un juge". Dans un communiqué publié à l'issue d'une réunion nocturne, le CSM avait demandé au procureur près la cour de Cassation d'engager des poursuites contre Hadi Hobeiche. Dans ce contexte, le bâtonnier de l'Ordre des avocats au Liban-Nord, Mohammad Mrad, s'est entretenu jeudi avec le président du CSM, suite à la demande de ce dernier de prendre toutes les mesures nécessaires pour lancer des poursuites contre le député Hobeiche. Selon des informations de la LBC, le bâtonnier convoquera très prochainement une réunion du Conseil de l'Ordre afin d'étudier cette requête du CSM.
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commentaires (16)
En plus de ses extravagances, et ses propos indignes d'un député et d'avocat envers la justice, il porte plainte!
Esber
19 h 42, le 12 décembre 2019