La juge Ghada Aoun. Photo d’archives/ANI
La décision du procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, d’imposer des sanctions disciplinaires contre la procureure d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, a suscité hier un vif émoi dans les milieux politiques et judiciaires, entraînant une réaction rapide du ministre sortant de la Justice, Albert Serhan, qui a saisi le Conseil supérieur de la magistrature de cette affaire.
Dans les faits, le juge Oueidate a demandé aux directeurs généraux des Forces de sécurité intérieure, Imad Osman, et de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, de ne plus déférer les affaires en cours auprès de leurs institutions à la juge Aoun, mais aux substituts du procureur général du Mont-Liban. Dans le cas d’affaires plus importantes, ces dossiers devraient être déférés au procureur général près la Cour de cassation, c’est-à-dire à lui-même.
Ces instructions, immédiatement relayées dans les commissariats, sont une réaction administrative aux poursuites engagées par la juge Ghada Aoun, le 23 octobre, soit quelques jours après le début du soulèvement populaire, contre l’ancien Premier ministre et député Nagib Mikati, son fils Maher, son neveu Azmi (fils de Taha) et contre Bank Audi, pour enrichissement illicite par le biais de prêts au logement subventionnés. Le timing de la démarche de Mme Aoun avait suscité des interrogations et la procédure avait été immédiatement gelée par le procureur de la République. La juge avait en effet demandé au premier juge d’instruction de Beyrouth de prendre les mesures judiciaires qui s’imposent contre les Mikati et Bank Audi, alors que M. Oueidate avait estimé que la demande de Mme Aoun était supposée lui être d’abord envoyée. M. Oueidate avait considéré que l’initiative qu’elle avait prise était contraire aux « règles juridiques et de discrétion en vigueur ». C’est sur cette base, d’ailleurs, qu’il a décidé d’imposer des sanctions à la magistrate.
Mme Aoun a immédiatement réagi dans un entretien sur le site Mahkama.net, estimant que le juge Oueidate souhaitait « la boycotter » pour des raisons politiques, suite à sa décision d’engager des poursuites contre M. Mikati et la Bank Audi.
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Une source proche du dossier estime qu’il n’est pas possible de donner une connotation politique quelconque à cette affaire « faute de preuves », et de la lier au départ de Saad Hariri, qui a présenté mardi la démission du gouvernement. Cette même source critique néanmoins l’initiative de M. Oueidate ainsi que celle de la direction des Forces de sécurité intérieure qui s’est empressée de relayer les instructions du procureur de la République aux officiers de la police judiciaire, avant même que le conflit entre les deux procureurs ne soit tranché par le CSM. Selon cette source, « il est anormal et inédit dans un système politique fondé sur la séparation des pouvoirs et dans un système judiciaire, qui fait dépendre la police judiciaire de la magistrature, que le chef de la police donne des ordres de s’insurger contre un magistrat, même si des instructions en ce sens sont données par le procureur de la République ». Pour cette source, la décision du juge Oueidate est « une mise à pied indirecte » de Ghada Aoun. « Il aurait fallu agir dans le cadre des lois, c’est-à-dire laisser dès le départ le CSM trancher le litige entre le procureur de la République et la cheffe du parquet du Mont-Liban », ajoute cette source, en précisant que le juge Oueidate aurait pu demander au ministre de la Justice de déférer Mme Aoun devant l’inspection judiciaire ou prendre lui-même cette initiative.
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commentaires (4)
En fait, il suffit de s’appeler Aoun ou Gebran ou avoir un lien avec le roi feignant pour outrepasser tous leurs droits et s’auto-proclame Président (e) pour décider de tout même si cela n’est pas légal ou ne fait pas partie de leurs tâches. Décidément c’est famille. Il se sentent pousser des ailes pour survoler toutes les procédures et règles instaurées par des décrets et des lois pour faire leur propre justice. On n’est pas sorti de l’auberge. Le Berry qui se mêle de tout, le Gebran qui se prend pour Zorro et la procureure qui sort des dossiers qui couchent dans les tiroirs depuis des décennies pour régler ses comptes et ceux de sa famille sous prétexte sec faire son travail alors que le premier à enfreindre la loi scandaleusement le Berry en question coule des jours heureux en faisant tabasser peuple et forces de l’ordre et refuse de les livrer à la justice et comble de tout il possède sa propre milice payée et habillée par les contribuables qu’on tabasse avé ça leur argent. Elle est belle la justice de notre pays. Vivement la séparation de tous les pouvoirs. Et le grand ménage pour nous débarrasser de toutes ses ordures
Sissi zayyat
21 h 43, le 16 décembre 2019