Le jeune Libanais Dany Abi Haïdar, lourdement endetté, s'est suicidé par balle mercredi à Nabaa, dans la banlieue-est de Beyrouth, au moment où le pays traverse une grave crise économique, financière et sociale et que sur de nombreux citoyens plane la menace de sombrer dans la pauvreté. Ce drame intervient alors que le Liban connaît son 49e jour de révolte populaire contre le pouvoir politique.
L'Agence nationale d'information (Ani, officielle) s'est bornée de rapporter le suicide et d'indiquer qu'une enquête est en cours alors que la chaîne LBCI a évoqué "une pression financière et des dettes accumulées". Mais certains médias et sur les réseaux sociaux, des informations circulaient faisant état d'un licenciement qui aurait poussé le jeune Libanais à se donner la mort. Des informations démenties par la holding Debbas au sein de laquelle travaillait Dany Abi Haïdar pendant 24 ans.
"La holding Debbas a appris avec chagrin et tristesse le décès de Dany Abi Haïdar", indique un communiqué publié par la société de luminaires, niant que l'employé qui a mis fin à ses jours ait été licencié de son travail. Selon l'entreprise, M. Abi Haïdar, qui "a continué à toucher son salaire malgré la situation difficile du Liban", "s'était rendu ce matin comme d'habitude à son travail, mais a demandé un congé d'un jour pour des raisons familiales".
Fusil de chasse
Dans un entretien accordé au quotidien an-Nahar, la mère de la victime, Khodra Darwiche affirme que la veille, la compagnie Debbas (dans sa filiale de Mkallès), a annoncé à Dany qu'elle allait lui réduire son salaire de moitié. "Mon fils ne pouvait plus supporter plus de pression, surtout qu'il est endetté à hauteur de trois millions de livres libanaises et doit rembourser son prêt immobilier et assurer les dépenses pour ses trois enfants", dit-elle. "Ce matin, Dany est allé à son travail avant de rentrer chez lui à Sin el-Fil avant la fin de son service à 17h. J'étais à la maison avec son épouse lorsqu'il s'est éclipsé à 11h. Il est monté sur le toit, armé d'un fusil de chasse. Nous avons entendu un coup de feu et avons accouru pour voir ce qui s'est passé. C'est là que je l'ai trouvé baignant dans son sang", raconte la mère de la victime.
Elle accuse les responsables politiques d'avoir poussé son fils au suicide. "Nous sommes arrivés à cette situation économique critique à cause des responsables politiques qui insistent à rester en place. J'appelle à les juger et que Dieu se venge d'eux. Ils sont responsables du sang de mon fils."
Une source sécuritaire anonyme au sein des Forces de sécurité intérieure, citée par an-Nahar, a affirmé que "l'enquête n'est qu'à son début. Nous attendons les rapports scientifiques afin d'en tirer les conclusions. Jusqu'à présent nous ne pouvons toujours pas confirmer qu'il s'agit d'un suicide".
En outre, le corps sans vie d'un agent des Forces de sécurité intérieure (FSI) a été retrouvé mercredi dans un champ situé dans le village de Safinit Dreib, dans le Akkar (Nord). L'arme de service de la victime, A. T., se trouvait à côté d'elle. Une enquête est en cours.
En soirée, l'Ani a rapporté qu'un homme, Mohammad M., a tenté de se donner la mort en se jetant d'un immeuble se trouvant sur la place Nadaf, à Saïda. Des jeunes hommes sont intervenus et l'ont empêché de passer à l'acte. L'Ani rapporte que Mohammad M. est chauffeur de taxi et qu'il voulait mettre fin à ses jours en raison de ses difficultés financières.
Ces derniers jours, des drames similaires à celui du suicide de Dany Abou Haïdar ont été rapportés. Mardi, une femme sans domicile fixe a tenté de s'immoler par le feu sur la place Abdel Hamid Karamé à Tripoli, au Liban-Nord. Fatima Moustapha, originaire du quartier tripolitain de Bab el-Tebanné, a été empêchée de commettre l'irréparable par des "gardiens de la ville", un groupe de jeunes révolutionnaires mobilisés à Tripoli depuis le début du mouvement de contestation contre le pouvoir accusé d'incompétence et de corruption, le 17 octobre dernier. Cette femme vit avec son petit-fils dans la rue depuis 40 jours. Elle souffre de malnutrition et de plusieurs maladies.
Dimanche, Naji Fliti, un tailleur de pierre âgé de 40 ans et père de deux enfants, avait été retrouvé pendu près de son domicile à Ersal, un village frontalier de la Békaa-Nord. Au chômage depuis plusieurs mois, il était dans l'incapacité d'éponger ses dettes.
En septembre dernier, Georges K., la cinquantaine, père de deux enfants âgés de 13 et 9 ans, avait également tenté de mettre fin à ses jours en s’immolant par le feu devant le Palais de justice de Beyrouth, après avoir perdu un procès qui devait lui permettre de récupérer une somme d’argent. Quelques mois plus tôt, en février, un autre père de famille, Georges Zreik, s’était immolé par le feu devant le collège de ses deux enfants à Bkeftine, dans le Koura (Liban-Nord), car il ne pouvait plus payer leurs frais de scolarité.
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Paix à son âme. Aucun des responsables en place ne pourra échapper à sa conscience et le remord les rongera jusqu'à leur mort. Après ils auront des comptes à rendre, et la colère divine sera terrible!
11 h 30, le 05 décembre 2019