Il a préféré affronter le feu pour échapper à l’enfer de son quotidien. Georges Zreik, ce père de famille qui faisait face à des difficultés financières, est décédé hier après s’être immolé dans la cour de l’école de sa fille, le collège grec-orthodoxe Notre-Dame de Bkeftine dans la région du Koura. Pressé par la direction de l’établissement de régler les frais scolaires qui s’étaient accumulés, Georges Zreik est passé à l’acte pour protester contre le refus de l’administration de l’établissement de lui délivrer une attestation de scolarité, tant qu’il n’avait pas réglé la somme qu’il devait.
En optant pour le suicide le plus douloureux et le plus spectaculaire, Georges Zreik a démontré par cet acte sacrificiel jusqu’où peut conduire le désespoir dans un contexte de crise économique devenue de plus en plus pesante pour beaucoup de Libanais.
Père de deux enfants, George Zreik avait reçu au cours de l’année quatre avertissements de la part de la direction de l’école pour s’acquitter des frais de la scolarité de sa fille. L’établissement lui avait accordé un délai qui devait expirer le 4 février, et l’avait menacé, selon une première version, d’expulser sa fille une fois le délai passé. Le père avait tenté d’expliquer aux administrateurs qu’il se trouvait dans des circonstances difficiles et devait rencontrer le directeur pour tenter de trouver une solution. Mercredi dernier, et vraisemblablement à bout de nerfs et « dans un état dépressif », selon un responsable de sa localité, Georges Zreik a appelé la direction et prévenu qu’il comptait s’immoler par le feu si sa fille était renvoyée de l’école. Joignant l’acte à la parole, il s’est dirigé vers l’école avec un bidon d’essence et s’est immolé devant les administrateurs qui n’ont pas réussi à le stopper.
Transporté à l’hôpital Salam, à Tripoli, il est décédé jeudi en soirée des suites de ses brûlures. Selon le chef du département de chirurgie de l’hôpital al-Salam, Gabriel al-Sabaa, son corps « a été brûlé à 90 %. Son appareil respiratoire a été brûlé également ».
Plusieurs versions
Dès l’annonce de son décès, plusieurs versions ont circulé sur les raisons qui ont motivé son acte et sur la part de responsabilité qui incombe à l’école.
La direction du collège de Bkeftine a publié un communiqué dans lequel elle expose sa version des faits.
« Depuis le début de l’année scolaire, l’administration a demandé dans quatre lettres écrites aux parents des élèves de se rendre à l’établissement afin de régler la situation financière et administrative de leurs (deux) enfants. Nous n’avons jamais menacé de renvoyer ces derniers », indique ce texte. L’administration précise que les parents ont cessé de payer la scolarité de leurs enfants depuis l’inscription du fils pour l’année scolaire 2014-2015, et qu’ils en étaient exemptés sauf en ce qui concerne les frais de transport, les fournitures et les activités extrascolaires.
Selon le témoignage donné par le frère de la victime à la Voix du Liban, Chukri Zreik, « le directeur du collège a exercé de fortes pressions et provoqué son frère par téléphone ». « Il lui a dit à plusieurs reprises qu’il ne lui donnerait pas l’autorisation de transférer ses enfants dans une autre école car il n’avait pas payé la somme qu’il devait à l’établissement, a-t-il souligné. Mon frère lui a affirmé qu’il se rendrait au collège pour signer un document écrit dans lequel il s’engagerait à payer la totalité de la somme en plusieurs versements. Le directeur a rejeté cette proposition », a expliqué le frère, ajoutant qu’il n’a pas non plus réagi à la menace de suicide.
Une source proche de la direction de l’école a affirmé à L’OLJ que Georges Zreik, en colère, s’est présenté à l’école et semblait vouloir en découdre. La direction de l’établissement aurait alors tenté de le calmer, sans succès. Il serait alors passé à l’acte. La source parle d’un « acte prémédité » et d’un « état dépressif dont souffrait la victime » qui serait à l’origine de son suicide.
À l’hôpital as-Salam, une source médicale a affirmé à la LBCI que la victime « qui traversait une phase extrêmement difficile du fait de sa situation financière prenait depuis quelque temps des tranquillisants ».
Mobilisation
L’annonce du décès de Georges Zreik a enflammé les réseaux sociaux, provoquant des réactions virulentes de la part des internautes qui ont dénoncé la gravité de la situation socio-économique et l’état de désespoir et d’impuissance dans lequel est désormais plongée une grande partie de la population du fait de la pauvreté et du dénuement. « Georges Zreik s’est immolé par le feu. D’autres parents brûlent à petit feu, en silence, chaque jour », écrit Ahmad Sayyed.
Un appel à la manifestation a été lancé par un groupe d’activistes pour protester, lundi prochain, à 9h30, devant le ministère de l’Éducation sous le slogan « Georges Zreik est le martyr du feu des frais scolaires ».
Mohammad Herz, un jeune activiste de 29 ans qui a survécu en 2015 à une tentative d’immolation du fait d’un cumul de pressions, dont des difficultés financières, témoigne de son ressenti à l’annonce du décès de Zreik.
« J’ai revécu la douleur physique et morale en apprenant la nouvelle. Un tel sacrifice n’est pas souhaitable quel que soit l’état de démoralisation auquel on parvient », dit-il dans un message adressé aux jeunes. Mohammad, qui dit avoir épuisé tous les moyens pour exprimer sa révolte et protester contre le malaise ressenti, reconnaît son impuissance devant un système verrouillé et « dont on ne peut plus rien espérer ». « On nous berne avec la naissance d’un nouveau gouvernement qui n’a fait que recycler les mêmes figures et les mêmes méthodes », dit-il.
Réactions
Le bureau du ministre de l’Éducation Akram Chehayeb a annoncé avoir ouvert une enquête afin de déterminer les circonstances du drame. « Le ministère de l’Éducation a fait en sorte cette année que des milliers d’élèves qui ont quitté les bancs des écoles privées soient accueillis dans les écoles publiques en raison des conditions économiques difficiles, et n’a jamais hésité à délivrer les attestations nécessaires pour ces inscriptions, car l’éducation est un droit pour tous », a encore affirmé le bureau du ministre. Après avoir présenté ses condoléances à la famille de la victime, M. Chehayeb a fait savoir qu’il allait « assurer l’éducation des enfants de Georges Zreik en leur octroyant les bourses nécessaires ».
Réagissant à cette tragédie, l’ancien ministre de la Justice Achraf Rifi a écrit sur son compte Twitter : « Georges Zreik s’est immolé car il n’arrivait pas à payer la scolarité de ses enfants (...) C’est un assassinat, pas un suicide ! Libanais, haussez la voix et dites stop pour que Georges ne soit pas tué une seconde fois. Criez-le avant que les requins de la cupidité et de la corruption ne vous dévorent. »
Le leader druze Walid Joumblatt a estimé pour sa part, dans un commentaire sur Twitter, que le drame lui rappelait le cas du vendeur ambulant tunisien Mohamed Bouazizi, excédé par la pauvreté et les humiliations policières, qui s’était fait immoler le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid, provoquant la révolution tunisienne qui avait déclenché les printemps arabes. « En attendant la loi sur les PPP (partenariats public-privé) et la mise en place des instances de contrôle et des réformes, un citoyen dans le Koura nous rappelle Bouazizi », a-t-il affirmé.
De son côté, le leader des Kataëb Samy Gemayel a souligné sur son compte Twitter que Georges Zreik « est le martyr des taxes, de la cherté de la vie et du manque de responsabilité ». Les députés Ziad Hawat (Forces libanaises), Élias Hankache (Kataëb) et Michel Moawad (parti de l’Indépendance) ont également stigmatisé sur leurs comptes Twitter respectifs le drame subi par Georges Zreik.
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Pour mémoire
Il s’immole par désespoir et dénonce les injustices qui s’accumulent...
Le leader druze Walid Joumblatt Le leader des Kataëb Samy Gemayel Les députés Ziad Hawat (Forces libanaises), Élias Hankache (Kataëb) et Michel Moawad (parti de l’Indépendance) l’ancien ministre de la Justice Achraf Rifi Le bureau du ministre de l’Éducation Akram Chehayeb MAIS Le bureau du ministre de l’Éducation Akram Chehayeb SEULEMENT LE "BUREAU" DU MINISTRE DE L'EDUCATION? OU SONT LES HOMMES DE RELIGION CHRETIENNES ET MUSULMANES? OU SONT LE CPL AMAL HEZBOLLAH MARADA ETC.. OU SONT LE PREMIER MINISTRE ET LE PRESIDENT FORT OU EST LE GENDRE? OU SONT CES MINISTRES DE L'ANCIEN GOUVERNEMENT QUI ONT FAIT DES AUGMENTATION DE SALAIRES QUI ONT FAIT AUGMENTER LES FRAIS DE SCOLARISATION? HONTE A TOUT CE BEAU MONDE DANS TOUT AUTRE PAYS LE PRESIDENT LE PREMIER MINISTRE ET LE PRESIDENT DU PARLEMENT SERAIENT VENUS AU FUNERAIL DE CE PAUVRE PERE QUI EST MORT POUR ASSURER A SES ENFANTS UNE EDUCATION dans un autre pays le systeme entier aurait ete boulverse et renverse mais c'etait dans un autre pays...…………..
13 h 12, le 10 février 2019