Des militants aounistes face aux forces de l’ordre, hier, sur la route du palais de Baabda. Anwar Amro/AFP
D’un côté, en ce dimanche après-midi, les partisans du président de la République Michel Aoun scandant « Mourez, mourez, à Baabda vous n’entrerez pas », et de l’autre, des contestataires du mouvement du 17 octobre, clamant « Nous, révolutionnaires libres, tiendrons la route ». Sur le pont menant au palais présidentiel, à hauteur du croisement al-Sayad, deux cordons de militaires séparent de manière quasi hermétique les deux groupes pour éviter les dérapages.
Venus anticiper la manifestation des protestataires prévue à 15h, des centaines de partisans aounistes avaient pu accéder au site deux heures auparavant. Mais toutes les voies convergeant vers le palais ont ensuite été bloquées par l’armée et les forces de sécurité, retardant l’arrivée des contestataires conviés par le Comité de la coordination de la révolution, qui comprend outre le parti Sabaa et un groupe de militaires retraités, des formations issues de la société civile.
Parmi les premiers arrivés, la journaliste Ghada Eid, secrétaire générale du parti Sabaa, affirme à L’Orient-Le Jour que « des hommes tenant des drapeaux libanais à l’envers ont tenté d’entraver notre chemin », dans ce qui sonne comme une menace que les drapeaux pourraient été utilisés comme bâtons. « Ils nous ont provoqués et humiliés, mais nous sommes pacifistes, nous n’avons pas peur. »
À une centaine de mètres, laissés vides pour empêcher les frictions, les partisans du Courant patriotique libre (CPL) ironisent derrière les boucliers des soldats, dans un jeu de mots : « Nous avons attendu sept (Sabaa), ils ne sont que quatre. »
(Lire aussi : La révolution de la dignité, l'édito de Emilie SUEUR)
Hanna Tannous, 54 ans, sympathisant du CPL, assure à L’OLJ que « les revendications de tous les Libanais sont identiques, mais le changement doit se faire à travers la Constitution et les lois, non dans la rue ». À côté de lui, Antoine Saab, pharmacien, renchérit : « En l’espèce, il ne s’agit pas de révolution, mais d’anarchie. » « Ils ne savent plus quoi réclamer, s’exclame pour sa part Wassim. Outre les consultations parlementaires, leurs revendications sont hétéroclites. Qu’ils aillent donc les soumettre au président de la République qui leur a demandé de dialoguer avec lui ! »
Ghada Eid répond par la négative à la proposition de dialogue. « Nous voulons faire parvenir notre voix à partir de la rue », affirme-t-elle. Et de déplorer : « Nous constatons aujourd’hui que la rue appartient au parti du pouvoir et se trouve malheureusement fermée aux révolutionnaires. »
Georges Nader, ancien général de l’armée, veut adresser un message au président de la République : « Vous êtes le garant de la Constitution. Procédez donc aux consultations parlementaires et proposez un chef de gouvernement susceptible de plaire à la rue ! » Dans son sillage, Bassem Hachem, dissident du CPL, apporte des précisions : « Une personnalité qui remplisse les conditions exigées, c’est-à-dire qui soit intègre et compétente. » « Nous vouons tout le respect au chef de l’État, mais nous l’exhortons à travers notre révolution morale et non armée d’user de ses prérogatives constitutionnelles », ajoute-t-il.
Ses paroles sont aussitôt couvertes par les cris de partisans CPL provenant de la rue en contrebas : « Dieu, le Liban, Aoun et c’est tout ! » Bien que les soldats tentent fermement de les contenir, un bâton puis des pierres manquent de peu d’atteindre la manifestation des contestataires. Sur la rue parallèle au pont, des automobilistes mettent pied à terre et lancent des insultes en direction des contestataires. D’autres leur adressent des gestes obscènes. Ils sont rapidement neutralisés par les soldats de l’armée qui les poussent dans leurs voitures en leur demandant de s’éloigner.
Les contestataires rendent alors hommage aux militaires : « Dieu, le Liban, l’armée et c’est tout ! »
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D’un côté, en ce dimanche après-midi, les partisans du président de la République Michel Aoun scandant « Mourez, mourez, à Baabda vous n’entrerez pas », et de l’autre, des contestataires du mouvement du 17 octobre, clamant « Nous, révolutionnaires libres, tiendrons la route ». Sur le pont menant au palais présidentiel, à hauteur du croisement al-Sayad, deux...
commentaires (5)
Personne n'a gêné les pro-Aounistes quand ils se sont mobilisés à Baabada il y a deux semaines.
Eddy
23 h 43, le 02 décembre 2019