Depuis le début du mois, les spéculations vont bon train autour d’une aide militaire américaine de 105 millions de dollars destinée au Liban et suspendue par l’administration Trump pour l’année 2020, pour des raisons qui demeurent obscures. L’information avait été rapportée par l’agence Reuters, puis confirmée par le numéro trois de la diplomatie américaine et ancien ambassadeur des États-Unis au Liban, David Hale, interrogé le 6 novembre par la commission parlementaire qui a engagé une procédure de destitution contre Donald Trump. Si d’aucuns évoquent un gel dû à des raisons administratives, d’autres craignent que cette aide soit finalement annulée, si les États-Unis venaient à changer de politique envers les forces armées libanaises.
Dans une discussion avec les médias mardi, le sous-secrétaire d’État américain aux Affaires du Proche-Orient, David Schenker, a affirmé que l’aide militaire promise au Liban « fait son chemin dans le processus bureaucratique ». « Comme David Hale l’a dit dans son témoignage, (cette aide) est en train d’être revue en ce moment. Par ailleurs, il n’y a pas d’équipements, d’armes, de munitions qui étaient supposés être remis à l’armée libanaise dernièrement et dont la livraison a été retardée », a dit M. Schenker, dans des propos rapportés sur le site du département d’État.
« Cette somme a été allouée (dans le cadre du budget de l’année fiscale 2020) (...) Je ne pourrai pas parler des délibérations du gouvernement, du processus interne... On me dira probablement qu’il s’agit d’informations classifiées », a-t-il ajouté, en réponse à un journaliste qui s’enquérait de l’avancée du déblocage de l’aide. Selon Reuters, cette aide comprend notamment des missiles pour la sécurité des frontières et des lunettes à vision nocturne. Interrogée par L’Orient-Le Jour, l’ambassade des États-Unis à Beyrouth s’est abstenue de tout commentaire, renvoyant aux propos de M. Schenker. Une source proche de l’ambassade américaine a pour sa part confirmé à L’OLJ que c’est bien un problème administratif qui est à l’origine de la suspension de l’aide, ajoutant ne pas savoir quand le déblocage pourrait avoir lieu ni si l’aide risquait d’être annulée au final.
(Lire aussi : Abandonner l'armée libanaise revient à abandonner le Liban, met en garde un sénateur US)
Quiproquo
Une hypothèse confirmée par une personnalité libanaise politique proche de l’establishment américain qui s’est confiée à L’OLJ sous couvert d’anonymat. « Cette aide fait partie du budget 2020 de l’État américain et devrait donc être allouée au Liban. Ce qui s’est passé, c’est qu’il y a une nouvelle procédure appliquée dernièrement par l’administration américaine quand il s’agit d’octroyer des aides. Il faut désormais que les aides soient accompagnées d’un rapport stratégique qui explique pourquoi elles sont offertes et comment elles ont été utilisées les années précédentes », explique ce responsable. « Il y a eu un quiproquo entre le département d’État et le ministère de la Défense sur qui devait rédiger ce rapport. La date butoir est arrivée en octobre sans que quiconque ait présenté le document en question, ce qui a fait que l’aide a été gelée en attendant que le document soit remis », ajoute-t-il. « C’est certes un signe positif, mais on est en droit de se demander s’il n’y a pas autre chose. Il est clair que dans l’administration et le Congrès, il y a des opposants aux aides à l’armée libanaise, confie-t-il à L’OLJ. Mais jusqu’à maintenant, l’idée de renforcer l’armée est prépondérante, d’autant qu’elle s’est montrée très efficace sur le terrain, notamment face aux islamistes. »
Michael Young, rédacteur en chef du blog Diwan affilié au programme sur le Proche-Orient de l’institut Carnegie, estime pour sa part que « ce dossier n’est pas clair pour l’instant ». « Il y a un débat aux États-Unis depuis un moment sur le fait de donner ou non de l’argent au Liban et si cet argent pourrait profiter au Hezbollah. Cette campagne est soutenue par certains centres de recherche pro-israéliens », explique-t-il. « Certains pensent que l’armée est une extension du Hezbollah, mais il n’y a pas de consensus sur la question au sein de l’administration américaine. D’ailleurs, M. Schenker pense qu’il faut aider l’armée libanaise », ajoute M. Young.
Israël a à plusieurs reprises demandé selon la presse de l’État hébreu que les aides militaires au Liban soient conditionnées par des efforts de démantèlement du Hezbollah. Pour l’instant, les États-Unis, allié traditionnel d’Israël, ont refusé de se plier à cette exigence car ils considèrent que le renforcement de l’armée libanaise est primordial pour contrer l’influence grandissante du Hezbollah dans le pays. Mardi, le sénateur démocrate Chris Murphy, qui a effectué une visite de 24 heures au Liban, a d’ailleurs affirmé qu’interrompre le financement de l’armée libanaise est la chose « la plus stupide » que les États-Unis puissent faire s’ils essaient « d’affaiblir le Hezbollah », mettant en garde contre une prise de contrôle du pays par le parti chiite qualifié de terroriste par Washington.
Pour mémoire
Washington "continuera de soutenir l'armée libanaise", affirme l'ambassadrice US à Beyrouth
Hommage appuyé de l’ambassadrice US à l’armée
commentaires (7)
Vous inquiétez pas voyons ! L'Iran, La Syrie, La Corée du Nord et Le Venezuela vont se ruer au chevet du Liban sous l’œil bienveillant et avec la bourse ouverte de la Russie et de la Chine. Mais si, mais si, vous verrez. D'ailleurs, tout va très bien madame la marquise.
Lebinlon
10 h 03, le 29 novembre 2019