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Liban - Gouvernement

Les consultations parlementaires compromises avant même de commencer

Nabih Berry tance le cabinet sortant, l’accusant de « manquer à ses devoirs ».


Nabih Berry et quelques députés lors des audiences du mercredi. Photo ANI

On s’attendait à ce que le retrait du Premier ministre sortant, Saad Hariri, et l’option Samir Khatib accélèrent la tenue des consultations parlementaires contraignantes en vue de désigner le nouveau Premier ministre et former une nouvelle équipe ministérielle dans les plus brefs délais. Mais c’est encore une fois partie remise, faute d’entente.

Jusqu’à hier soir, le palais de Baabda n’avait toujours pas convoqué les députés aux consultations, alors que l’option Khatib semblait compromise, du fait, semble-t-il, de la froideur du Hezbollah à son égard, mais aussi d’un manque d’engagement de la part du courant du Futur.

Selon des sources proches du palais présidentiel et du Courant patriotique libre contactées par L’Orient-Le Jour, il s’agit pour le chef de l’État, Michel Aoun, d’assurer au futur chef du gouvernement une majorité parlementaire pour mener à bien sa mission. Il faut que la désignation du futur Premier ministre aille de pair avec un accord autour de la forme et la composition de la nouvelle équipe ministérielle, la grave conjoncture économique du pays ne supportant pas d’atermoiements sur ce plan, ajoutent ces sources. Sauf que le bras de fer opposant le binôme Baabda-CPL et le tandem chiite d’une part, au courant du Futur et ses alliés d’une autre semble loin de s’estomper. Si Saad Hariri, mais aussi les Forces libanaises et le Parti socialiste progressiste restent attachés à un cabinet de spécialistes indépendants, le Hezbollah et ses alliés persistent et signent : la future équipe devrait être techno-politique, c’est-à-dire mêlant spécialistes et figures politiques.

C’est justement face à cette « obstination » que M. Hariri a décidé de se retirer, selon Fouad Siniora, ancien chef de gouvernement et un des faucons du courant du Futur. Dans une déclaration à la chaîne saoudienne al-Ikhbariya, il a estimé qu’« il faudrait chercher une personnalité autre que Saad Hariri pour former la nouvelle équipe ».


(Lire aussi : Hariri se retire, Baabda prêt à mettre la machine en marche)



Le Hezbollah « coincé »

Mais un observateur politique explique à L’OLJ que ce sont surtout le Hezbollah et ses alliés qui se trouvent au pied du mur. Selon lui, ils sont coincés entre leur réalisme politique qui les empêche de former un gouvernement monochrome, en dépit de la majorité parlementaire qu’ils détiennent, et leur détermination à ne pas céder à la volonté de M. Hariri de mettre sur pied un gouvernement de spécialistes, le parti de Hassan Nasrallah redoutant sa mise à l’écart du pouvoir, à l’heure où il est plus que jamais dans le collimateur de l’administration Trump.

Une source proche du Hezbollah insiste ainsi sur l’attachement du parti à un gouvernement techno-politique. Cette source préfère garder le flou autour du candidat du parti chiite à la présidence du Conseil, même si elle reconnaît que M. Hariri représente l’écrasante majorité de la communauté sunnite. Réfutant les récentes accusations lancées contre la formation chiite de bloquer le processus gouvernemental en vue d’assurer le retour de Saad Hariri à son poste à la tête d’un cabinet techno-politique, les milieux du Hezbollah se contentent de rappeler que le président de la Chambre Nabih Berry – allié de longue date du parti de Hassan Nasrallah – a déjà déclaré qu’il n’appuiera pas un Premier ministre désigné qui ne bénéficierait pas d’un soutien haririen.

En face, la Maison du Centre campe, elle aussi, sur sa position : le futur gouvernement devrait être formé de spécialistes indépendants. Un point de vue que Samir Jisr, député de Tripoli (Futur), a réitéré hier. Dans une interview accordée à l’agence locale al-Markaziya, il n’a pas mâché ses mots : « Saad Hariri est notre seul candidat à la présidence du Conseil », a-t-il lancé, ajoutant : « Depuis sa démission (le 29 octobre), M. Hariri a été clair au sujet de la nécessité de former un gouvernement qui répondrait aux aspirations des manifestants. » « Mais le camp adverse (le 8 Mars) continue de le pousser à mettre sur pied un gouvernement, conformément à des conditions préalables. Ce que le Premier ministre sortant refuse », a encore souligné M. Jisr.

Berry-Hariri

Au vu de leur timing, les propos du député de Tripoli sont importants dans la mesure où certains milieux politiques les ont interprétés comme anéantissant l’option Samir Khatib et plongeant le pays dans une nouvelle impasse gouvernementale. Commentant cette situation, Nabih Berry a décoché hier ses flèches en direction de M. Hariri et son cabinet sortant.

Le chef du législatif s’est dit étonné de constater que « le gouvernement démissionnaire ne remplit pas ses devoirs ». « N’est-il pas nécessaire que le cabinet se réunisse pour assurer l’expédition des affaires courantes du pays ? » s’est-il interrogé, soulignant que le chef de l’État est en droit de convoquer le Conseil supérieur de la défense à une réunion au vu de la grave conjoncture socio-économique. Et d’affirmer qu’il faut redynamiser les institutions dans les plus brefs délais.

Réagissant aux propos de M. Berry, une source proche du Premier ministre sortant citée par le site du courant du Futur a rappelé que le gouvernement sortant « accomplit ses devoirs, assurant le suivi des dossiers sécuritaires et socio-économiques, et effectuant un recensement des dégâts causés par les heurts de Beyrouth et Tripoli, loin des feux de la rampe, et des tentatives de provoquer le mouvement contestataire (…) ». « L’important, c’est de ne pas plonger la situation gouvernementale indéfiniment dans l’impasse et tenir les consultations parlementaires, afin de former un gouvernement qui puisse faire face aux problèmes actuels », a ajouté la source haririenne. Elle rejoignait ainsi Fouad Siniora qui a exhorté le chef de l’État à tenir ces consultations parlementaires, au lieu de former le gouvernement avant même la désignation du Premier ministre. Selon lui, il s’agit là d’une « entorse à la Constitution », dans la mesure où « le président de la République empiéterait ainsi sur les prérogatives du chef du gouvernement désigné, chargé de former le cabinet ».


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commentaires (11)

On a l'impression qu'ils semblent voir courir vers eux le régime iranien où au lieu de se voir tout puissants députés, ils se retrouveront dans la rue à brûler des drapeaux americains tout en hurlant à plein poumons la gloire de l'Iran. L'alternative bien sûr serait d'écouter la voix du peuple libanais et accélérer lea réformes qu'il exige. Mais, bon, il y a des aveugles incurables.

Wlek Sanferlou

22 h 20, le 28 novembre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (11)

  • On a l'impression qu'ils semblent voir courir vers eux le régime iranien où au lieu de se voir tout puissants députés, ils se retrouveront dans la rue à brûler des drapeaux americains tout en hurlant à plein poumons la gloire de l'Iran. L'alternative bien sûr serait d'écouter la voix du peuple libanais et accélérer lea réformes qu'il exige. Mais, bon, il y a des aveugles incurables.

    Wlek Sanferlou

    22 h 20, le 28 novembre 2019

  • Rien qu'à regarder la photo ! Quelle grise mine. Ils ont du mal à cacher leur embarras.... Vive la réolution....

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    12 h 54, le 28 novembre 2019

  • Oh ! La belle affaire .... un Liban rien que libanais .... hahaha.... C'est bien d'y penser maintenant , mais il fallait le faire bien avant qu'on ne se retrouve le bec dans l'eau. Allez raconte moi ta vie d'enfarinée. Hahaha....

    FRIK-A-FRAK

    11 h 32, le 28 novembre 2019

  • Le président a un comportement pour le moins déroutant. Tout en s'appuyant sur la constitution quand cela l'arrange il la foule du pied pour les mêmes raisons. Il est la à choisir les futurs ministres avec des ministres sortants alors que la constitution dit exactement le contraire. Son seul devoir urgent est de réunir les députés pour leur proposer des noms de plusieurs personalités potentiellement capables d'occuper le poste de premier ministre pour que ces derniers en choisissent un. Une fois le choix fait, il revient au seul premier ministre fraîchement élu de choisir les ministres en fonction de leur capacité et non le président, Berry ou Nasrallah. Ou le Gebran Alors pourquoi mettre la charrue devant les bœufs et tourner autour du problème au lieu de chercher la solution. À chaque fois qu'il a s'agit de nommer quelqu'un à n'importe quel poste régalien la machine se grippe et on procède à chaque fois aux mêmes moyens pour la débloquer. . Essayons pour une fois de changer de méthode et voyons si cela apportera une solution. Cette méthode est de respecter la constitution en dehors de toute autre considération du même coup on satisfera le peuple puisqu'il vous demande ça. N.B: il nous faut un premier ministre fort qui sache taper du poing sur la table et faire travailler ses ministres avec une feuille de route efficace et non un bleu.

    Sissi zayyat

    11 h 18, le 28 novembre 2019

  • Sortir d’un cercle vicieux. Depuis quelques semaines, le peuple exprime son refus de la classe dirigeante actuelle, jugée incompétente et corrompue. Qu’on le veuille ou non, c’est une révolution en marche. Le président de la République, de même que la classe dirigeante font mine d’ignorer cet état de fait et continuent de tergiverser comme si de rien n’était alors même que les demandes sont claires et qu’il y a urgence (voir l’article de Médéa Azouri : « al-chaabou youridou »). Le problème est que, quelque soit le prochain premier ministre et son gouvernement potentiel, il devrait être validé par ceux-là même des députés et partis, majoritaires mais conspués par le peuple, qui s’accrochent à leur pouvoir, et sans l’aval desquels le changement/renouveau escompté ne pourrait voir le jour. Cercle vicieux. Pour en sortir, le peuple manifestant gagnerait à proposer quelques noms de premiers ministrables ‘acceptables’, dont l’un formerait un gouvernement provisoire restreint, qui aurait notamment la charge de faire procéder à de nouvelles élections législatives dans un délai de 6 mois. Et d’engager des réformes en accord avec les demandes du peuple.

    Illico Presto

    11 h 01, le 28 novembre 2019

  • N'est-ce pas une atteinte grave à l'esprit de la Constitution ,que malgré tous les malheurs qui emportent l'avenir de ce pays, on tergiverse encore pour faire les consultations? Est-ce que les députés de la nation sont comme des écoliers des classes primaires pour se taire et ne pas se révolter pour leur droit de nommer la personne qu'ils jugent adéquate pour remplir la tâche de premier ministre? Que fait le chef du législatif qui est le second dans ce régime? Pourquoi attendre la destruction complète des structures , et pourquoi ne pas agir tout de suite ,en appelant le parlement à se réunir pour étudier les solutions à cet état stationnaire, quand tout retard nous plonge davantage dans le marasme financier,économique et monétaire?

    Esber

    10 h 24, le 28 novembre 2019

  • Il faut quand même distinguer les responsabilités de chaque partie dans le blocage. Premier ennemi de la révolution du 17 octobre et premier responsable: le Hezbollah, par son refus d'un cabinet indépendant exigé par la rue. Responsabilité partagée par ses 2 complices Amal et le CPL. Pourtant Hariri n'est pas dénué de toute responsabilité lui non plus. Puisque c'est lui qu'affirme vouloir le Hezbollah à la tête du gouvernement techno-politique il ne devrait pas se contenter de paroles disant qu'il n'est pas d'accord. Il dire clairement que son bloc n'accordera jamais la confiance à un cabinet techno-politique, et surtout montrer par une action concrète qu'il est vraiment pour un cabinet d'indépendant. Cette action pourrait être qu'il présente lui-même sa propre proposition en terme de composition du cabinet, et s'il essuie un refus de la part de Aoun, là la rue verra clairement que les uniques responsables du blocage sont les partis du 8 mars, et la révolution devra clairement affronter ses ennemis. A défaut de prendre un quelconque moyen pour arriver à son intention déclarée diriger un gouvernement d'indépendants conforme aux revendications de la rue, Saad Hariri reste indirectement responsable du blocage, par sa passivité vis-à-vis du 8 mars. Passivité qui est une constante du duo Hariri-Joumblatt depuis l'accord quadripartite de 2005 jusqu'au compromis Aoun de 2016 en passant par l'accord de Doha de 2008...

    Citoyen libanais

    10 h 17, le 28 novembre 2019

  • LE PAQUEBOT LIBAN CHAVIRE. IL LANCE DES SOS A GAUCHE ET A DROITE ET NOS ABRUTIS OFFICIERS CONTINUENT A TERGIVERSER ET A SE QUERELLER LA TETE A PEINE HORS DE L,EAU. DE TELS ABRUTISSEMENT ET M,ENFOUTISME SONT DU DOMAINE DE L,INCOMPETENCE INNEE. FAUDRAIT LES CHASSER : KELLON YE3NE KELLON !

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    09 h 58, le 28 novembre 2019

  • Voilà le résultat navrant des méthodes libanaises pour désigner: présidents, chefs de..., premier ministre, ministres etc.: ils sont "planqués" dans ces fonctions parce qu'ils sont: -fils, petit-fils, gendre, neveu de tel père, oncle etc. -pour satisfaire telle communauté religieuse -pour satisfaire tel "zaïm" -pour contenter les pays qui monnaient leurs courtisans fidèles Mais on ne prend jamais la peine de vérifier se ces "responsables" ont les qualifications et capacités pour le poste qu'ils vont occuper ainsi qu'un minimum de patriotisme. Résultat: un pays plongé dans un chaos indescriptible, et devenu la risée de la communauté internationale. Pourtant on continue de nous brandir le slogan: UN LIBAN NOUVEAU FORT ET INDEPENDANT et même de recommander de nouveaux sponsors...chinois et russes ! HOURRAH !!! Une question pour finir...pour quand un LIBAN...uniquement libanais ??? Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 54, le 28 novembre 2019

  • Décidément la classe politique ne comprend pas ou ne veut pas comprendre que c’est ce genre de comportement dont le peuple en a ras le bol et qu’il ne veut même plus les voir en photo

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 22, le 28 novembre 2019

  • Et voilà, la cacophonie, les langues de bois, les attaques mesquines, les contrattaques aussi stupides qui s’installent, la situation se détériore encore plus, des députés qui prennent des vacances rosées, se sentant au dessus de la mêlée... Et on tergiverse de plus belle, prétextant la difficulté de nommer un premier ministre et s’entendre sur les prochains soit-disant candidats acceptables, on commence à narguer les manifestants pacifiques, pensant recréer les tensions communautaires et la division 8 Mars - 14 Mars... Des procédés miliciens, des dictatures bornées, et vogue la galère... Pauvre peuple Libanais: on n’ est pas sorti du bois de sitôt... Ça va aller de plus en plus mal avant que ça s'améliore: c’est à voir pour combien de temps, de sacrifices et de résilience les braves gens vont supporter cette situation catastrophique avant de craquer ou se résigner à cette fatalité!

    Saliba Nouhad

    02 h 34, le 28 novembre 2019

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