Comme s’il s’agissait de deux mondes différents, il y a désormais au Liban, d’un côté, le mouvement de protestation et ses manifestations infatigables dans la rue et, de l’autre, les contacts et les négociations politiques pour sortir de l’impasse actuelle.
Si les manifestants continuent depuis près de 45 jours à vouloir faire entendre leur voix, les responsables semblent continuer à mener un dialogue de sourds, à coups de « fuites médiatiques » et de communiqués plus ou moins officiels. La situation gouvernementale continue donc à faire du surplace en raison du conflit sourd qui oppose désormais le chef de l’État et le tandem chiite Amal et le Hezbollah au Premier ministre démissionnaire Saad Hariri.
Dans l’optique de Baabda, de Aïn el-Tiné et de Haret Hreik, M. Hariri se serait rétracté à plusieurs reprises depuis le déclenchement du mouvement de protestation le 17 octobre.
Après s’être donné un délai de 72 heures pour prendre une décision, il avait annoncé l’adoption d’un document de réformes que son gouvernement devait en principe exécuter. Mais tout au long de la semaine qui a suivi cette annonce, il n’a convoqué aucune réunion du Conseil des ministres, alors que les manifestants attendaient des mesures concrètes.
Selon des sources concordantes proches de Baabda mais aussi de Aïn el-Tiné et de Haret Hreik, Saad Hariri avait probablement déjà décidé de présenter la démission de son gouvernement, même si les trois autres lui conseillaient de ne pas le faire. Il n’a en tout cas pas pris la peine de les informer de sa décision, préférant les surprendre en l’annonçant à la télévision.
Malgré cela, les trois protagonistes ont maintenu le dialogue avec lui dans l’espoir qu’il prendra en charge la formation du prochain gouvernement. C’est dans ce contexte que le président de la Chambre Nabih Berry avait déclaré, dans son langage imagé, avoir fait à M. Hariri une proposition qu’il ne peut pas refuser (un gouvernement de 24 avec 4 ministres politiques et 20 technocrates), tout en ajoutant qu’il est avec sa désignation pour former le nouveau gouvernement, « même malgré lui ».
Pendant de longs jours, Baabda, Aïn el-Tiné et Haret Hreik ont donc attendu la réponse de Saad Hariri, qui n’était jamais vraiment claire, selon leurs proches. C’est ainsi que l’idée d’élaborer une liste de noms de candidats potentiels pour prendre la relève est née mais la condition principale du choix de l’un des noms était d’obtenir l’aval de M. Hariri. C’est ainsi que le nom de Mohammad Safadi a été lancé dans le cadre d’une liste de plusieurs candidats. Finalement, le choix s’est réduit à deux noms, Safadi et Nawaf Salam. Le président Michel Aoun et le chef du CPL Gebran Bassil ont préféré Safadi. L’interview télévisée du chef de l’État prévue le 31 octobre était en réalité destinée à annoncer la date des consultations parlementaires obligatoires pour la formation du nouveau gouvernement, suite, donc, à un accord sur le nom de l’ancien député de Tripoli. Mais à la dernière minute, selon un communiqué en ce sens de M. Safadi lui-même, Saad Hariri a changé d’avis à son sujet. L’annonce a donc été reportée.
Après l’épisode Safadi, les négociations se sont poursuivies et les protagonistes ont cherché des noms de personnalités susceptibles d’être acceptées par la rue, tout en ayant l’aval des blocs parlementaires, à leur tête celui de Saad Hariri. Mais en même temps, Amal et le Hezbollah continuaient à préférer que le Premier ministre démissionnaire soit renommé. Il a fallu que ce dernier ne respecte pas un accord conclu avec M. Berry au sujet de la réunion parlementaire du mardi 19 pour que les deux formations chiites commencent à penser sérieusement à une alternative. Mais Amal et le Hezbollah continuaient à insister pour que toute personnalité pressentie obtienne l’aval de Saad Hariri. C’est ainsi que le nom de l’ancien ministre Bahige Tabbara a commencé à circuler, mais après des entretiens avec la plupart des protagonistes, ce dernier a compris qu’on lui mettait des bâtons dans les roues et il a préféré se retirer de la course. D’autres noms ont commencé à circuler, comme celui de Samir Khatib. Alors que l’on croyait les négociations sur le point d’aboutir et que le palais de Baabda s’apprêtait à annoncer les rendez-vous des consultations parlementaires, le Premier ministre démissionnaire a publié deux communiqués, le premier pour annoncer qu’il renonce à être Premier ministre dans cette étape difficile, et le second pour préciser qu’il révélera son choix pour la personne destinée à lui succéder dans le cadre des consultations parlementaires. Ce qui signifie indirectement qu’il rejette l’idée d’un accord préalable et qu’il refuse de donner son aval à une personnalité choisie à l’avance. Cette position aboutit une fois de plus à faire échouer les négociations menées au sujet de la personne du Premier ministre et de la forme du prochain gouvernement. Au point que des sources proches de Aï el-Tiné confient avoir le sentiment qu’en dépit de sa position officielle, Saad Hariri souhaiterait être nommé de nouveau.
Ce qui est sûr, c’est que Baabda, Aïn el-Tiné et Haret Hreik se retrouvent devant des options difficiles : soit choisir une personnalité qui n’a pas l’aval du Premier ministre démissionnaire, ce qui déplairait forcément à la rue sunnite et pourrait entraîner le pays dans une discorde confessionnelle que personne ne souhaite, soit revenir au choix premier de désigner Saad Hariri, mais à ses conditions qui sont à leurs yeux inacceptables. Selon les mêmes sources, M. Hariri demanderait en effet, en plus de former un gouvernement de technocrates, des pouvoirs exceptionnels pour le gouvernement, notamment au sujet des décisions économiques, ainsi que le portefeuille des Finances. Il demanderait même que la personne qui devrait lui succéder obtienne ces mêmes conditions. Ce qui, aux yeux de Baabda, Aïn el-Tiné et Haret Hreik, est inacceptable.
La déclaration de Nabih Berry hier sur la nécessité pour le gouvernement démissionnaire d’assumer ses responsabilités est un indice sur le fait que les négociations semblent tourner en rond. Pendant ce temps, la rue continue à crier sa colère...
commentaires (11)
Et bla bla blabla. La journaliste a déjà changé sa version des faits. Il y a quelques jours le choix de Safadi était celui de Hariri. Et dans son article elle précise que Hariri avait annoncé que c'est HB et Gebran qui l'ont choisi mais ces derniers avaient formellement démenti. Waouh. On a revu ses copies? Ces articles sont aussi crédibles et convaincants que les facilités engagées pour former un gouvernement de Berry HB, CPL et FUTUR réunis. Il faut vérifier les sources avant de noircir des pages. Sans transition, les libanais qui croient que notre pétrole inépuisable dont on ignore encore même la couleur, intéresse les U.S.A la Russie ou encore la Chine se plantent royalement. Seul notre situation géopolitique intéresse ce monde. Puis ceux qui se gargarisent en accusant les américains de tout faire pour que Israël nous siphonne notre pétrole, se mélangent un peu les pinceaux. Le seul qui permettrait qu'un quiproquo naisse à ce sujet serait HN. Car il est de son intérêt que des dilemmes naissent à tout bout de champs pour justifier son existence armée sur notre sol. C'est le discours de HN et des iraniens qui voient la main des américains partout jusqu'à dans leurs caisses pour piller et pour s'armer et armer leurs agents dans le monde puis tuer discrètement son peuple pour avoir osé réclamer de vivre dignement. Le ridicule ne tue toujours pas...
Sissi zayyat
18 h 52, le 28 novembre 2019