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À La Une - crise

Tensions nocturnes : le Liban "à un tournant", les consultations se font toujours attendre

"Nous ne permettrons pas un retour à ce que nous avons vécu lors de la guerre de deux ans" (en 1975 et 1976, au début de la guerre civile), affirme Michel Aoun. 

Le nonce apostolique, Mgr Joseph Spiteri, reçu par le président Michel Aoun, mercredi 27 novembre 2019, à Baabda. Photo Dalati et Nohra

Au lendemain de graves débordements sécuritaires, notamment à Aïn el-Remmané (en banlieue de Beyrouth), Bickfaya (Metn) et Tripoli (Liban-Nord), plusieurs responsables politiques ont condamné mercredi ce regain de tensions, opposant des partisans de formations politiques tantôt entre eux, tantôt aux manifestants. Le président libanais, Michel Aoun, a affirmé qu'il ne permettra pas un retour à la guerre civile, tandis que la ministre sortante de l'Intérieur, Raya el-Hassan, a estimé que le pays se trouvait "à un tournant". Entre-temps, sur le plan gouvernemental, la situation semble être revenue à la case départ, les consultations parlementaires contraignantes, pour la nomination d'un futur Premier ministre, se faisant toujours attendre. 

Réagissant dans la journée aux événements de la veille, et notamment aux affrontements entre les habitants des quartiers de Chiyah et Aïn el-Remmané, le chef de l'Etat a affirmé qu'il ne permettrait pas "que ce qui s'est passé hier se répète". "Nous ne permettrons pas un retour à ce que nous avons vécu lors de la guerre de deux ans" (en 1975 et 1976, au début de la guerre civile libanaise, lorsqu'un attentat contre un bus dans le quartier de Aïn el-Remmané justement avait lancé les hostilités entre les combattants palestiniens et chrétiens). "Cette époque est révolue", a-t-il ajouté. Le président Aoun a ajouté avoir demandé à l'armée d'intervenir afin d'empêcher tout débordement.

Pour sa part, la ministre sortante de l'Intérieur a estimé que "le Liban est à un tournant". "Que Dieu nous vienne en aide", a écrit Mme Hassan sur son compte Twitter, soulignant que "tous les Libanais, responsables et citoyens, doivent désormais choisir d'emprunter la bonne voie". "Ensemble, nous pouvons surmonter les difficultés et mener le pays à bon port", a ajouté Mme Hassan. 



(Lire aussi : Jour 42 : les Libanais faiblement mobilisés après une nuit de tensions)



"Dissension mobile"
Le chef des Kataëb, Samy Gemayel, député du Metn et originaire de Bickfaya, a qualifié, lui, le passage dans cette localité d'un convoi de partisans du Courant patriotique libre (CPL, fondé par Michel Aoun) de "dissension mobile". "Ce qui s'est passé hier est une dissension mobile qui visait à provoquer les habitants de toutes les régions", a-t-il écrit sur Twitter. Il a souligné que "le contrôle de soi reste de mise malgré les abus". "Les plans ont été dévoilés, de Tyr à Tripoli en passant par Baalbeck, Bickfaya et Chiyah et nous mettons les habitants en garde contre toute tentative de nuire à la révolution, qui doit rester pacifique", a ajouté le député Gemayel, saluant l'armée "qui protège les citoyens". 

L'ancien président, également ancien chef du parti Kataëb, Amine Gemayel, a de son côté rejeté "la provocation et la politique de bas étage" et dénoncé "les provocations du Courant patriotique libre et sa tentative de déplacer les conflits d'une région à un autre".

Ibrahim Kanaan, député CPL du Metn, a lui aussi réagi aux événements de la veille, critiquant "la dualité du mouvement de contestation". Il a critiqué celui qui considère que "le passage d'un convoi pacifique de femmes, d'hommes et de jeunes dans une certaine région est une provocation à l'égard de son parti puis autorise dans le même temps les habitants à lancer des pierres, détruire des véhicules et s'attaquer à l'armée et appelle à un mouvement pacifique". 

Misbah Ahdab, ancien député de Tripoli, a pour sa part affirmé que ce qui s'est passé hier dans sa ville "est l’œuvre d'une cinquième colonne". "Les manifestants pacifiques n’ont rien à voir avec cela, a-t-il ajouté. Les masques sont tombés et il s'est avéré que les responsables voulaient défigurer la révolution et la transformer en affrontements sectaires". S'adressant au secrétaire général Hassan Nasrallah, il a lancé : "Affronter les Américains ne se fait pas en attaquant le peuple libanais".


"Écoutez la voix des femmes!"
Les incidents de mardi soir sont venus s'ajouter à une série d'attaques menées ces dernières nuits par des partisans des deux partis chiites Amal et Hezbollah contre des rassemblements du mouvement de contestation à Beyrouth, à Tyr (sud) et mardi soir encore à Baalbeck (Békaa). Les autorités ont "échoué à protéger convenablement les contestataires de violentes attaques", ont dans ce contexte réagi mardi dans un communiqué des experts des droits humains affiliés aux Nations unies. Amnesty International les a appelées à "agir immédiatement pour protéger les manifestants", d'attaques qui "pourraient signaler une escalade dangereuse".

"Les autorités libanaises ne devraient pas tolérer qu'un groupe (...) inflige des violences à des manifestations pacifiques appelant à mettre un terme à la corruption et aux violations des droits humains", s'est insurgé mercredi Human Rights Watch dans un communiqué. "Des hommes armés de bâtons, de couteaux et de pierres, brandissant des drapeaux du Hezbollah et d'Amal ont attaqué les manifestants (...) dans certains cas sous les yeux des forces de sécurité", ajoute l'ONG.

Le coordonnateur spécial du secrétaire général de l’ONU pour le Liban, Jan Kubis, a se don côté rappelé à l'ordre les chefs de partis libanais.
"Chefs de partis, il est de votre responsabilité de contrôler et de guider vos partisans, vous en êtes responsables", a écrit M. Kubis sur son compte twitter. Et de demander : "Est-ce les récents affrontements sont ce que le Liban veut ? Encore?". Il a rappelé que les violences ont déjà fait "des dizaines de blessés de tous les côtés, y compris du côté des forces de sécurité. "Écoutez la voix des femmes! Les mères de Aïn el-Remmané et de Chiyah savent bien que seules la paix et la confrontation non-violente peuvent apporter les changements nécessaires pour assurer l’avenir du Liban et de ses enfants. Dirigeants politiques, écoutez les mères du Liban", a-t-il encore écrit.

Cet appel intervient alors que des Libanaises se sont rassemblées en fin de journée dans plusieurs régions afin de manifester contre toute volonté d'instiller des dissensions.



(Lire aussi : La révolte libanaise est-elle prise en otage par les enjeux régionaux ?)



Gouvernement
Le mouvement de contestation, qui dénonce depuis le 17 octobre une classe dirigeante jugée incompétente et corrompue, a obtenu sa première victoire avec la démission du gouvernement Hariri le 29 octobre et réclame une équipe de technocrates et d'indépendants qui ne seraient pas issus du sérail politique. Quatre semaines après cette démission et en dépit d'une mobilisation populaire qui ne faiblit pas, le processus constitutionnel devant aboutir à la nomination d'un nouveau Premier ministre puis la formation d'un gouvernement n'a toujours pas été enclenché par le président Aoun. L'impasse est totale et le pays est au bord de l'effondrement économique.

Dans ce contexte, les appels à la formation rapide d'un gouvernement se multiplient et les consultations parlementaires contraignantes se font toujours attendre. Reçu par le chef de l'Etat, le nonce apostolique, Mgr Joseph Spiteri, a exprimé au président Aoun au nom du Saint-Siège "l'espoir d'une formation rapide d'un nouveau gouvernement". Le chef de l'Etat lui a assuré qu'il s'efforce de "trouver des solutions à tous les niveaux", autant politique qu'économique. La Confédération générale des travailleurs libanais a, elle, appelé à la formation rapide d'un futur gouvernement d'urgence "capable de sauver le pays".

Alors que Baabda semblait prêt, mardi, à lancer demain jeudi les consultations contraignantes après l'annonce faite par le Premier ministre sortant Saad Hariri qu'il ne sera pas candidat à sa propre succession, des sources de la chaîne de télévision locale LBC ont indiqué mercredi que ces consultations seraient probablement reportées d'au moins 48 heures, les différentes parties ne parvenant pas à s'accorder sur la personnalité qui devrait former le futur cabinet.



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commentaires (7)

C'est vraiment tout ce qu'il sait (encore...) faire...recevoir des visiteurs...écouter d'un air absent ce qu'ils lui disent, tout en regardant constamment dans d'autres directions...comme le soir de son interview... et après ??? Fait-il quelque chose pour sauver le pays dont il est censé être le "président" ??? A-t-il vraiment perdu toute notion du temps...et de sa responsabilité ??? Ne lui a-t-on jamais dit qu'on ne peut "ménager à la fois la chèvre et...le chou" ??? Irène Saïd

Irene Said

21 h 20, le 27 novembre 2019

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Commentaires (7)

  • C'est vraiment tout ce qu'il sait (encore...) faire...recevoir des visiteurs...écouter d'un air absent ce qu'ils lui disent, tout en regardant constamment dans d'autres directions...comme le soir de son interview... et après ??? Fait-il quelque chose pour sauver le pays dont il est censé être le "président" ??? A-t-il vraiment perdu toute notion du temps...et de sa responsabilité ??? Ne lui a-t-on jamais dit qu'on ne peut "ménager à la fois la chèvre et...le chou" ??? Irène Saïd

    Irene Said

    21 h 20, le 27 novembre 2019

  • LES VOYOUS SONT ENVOYES POUR PROVOQUER A DESSEIN LES CONTESTATAIRES ET SEMER LA CRAINTE D,UNE GUERRE CIVILE DANS LES COEURS. LEURS SEIDES DES CRIMINELS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 06, le 27 novembre 2019

  • Comme il a bien fait Hariri de claquer la porte malgré l'insistance de Nasrallh de le voir former le nouveau gouvernement. Il voulait s'en servir comme bouc émissaire. Tout en insistant qu'il reste il faisait circuler les Fake News par ses acolytes comme quoi il bloquait le processus. En ajoutant tous les jours un peu plus de mensonges. Puis l'instant d'après HN faisait savoir qu'il,le voulait dans le nouveau gouvernement. Fidèle à son hypcrisie, il croit pouvoir se servir de tout le monde alors que le dindon de la farce c'est bien lui. Il est dans une situation on ne peut plus risquée. S'Il fâche les Mollahs il est fini, s'il fâche les libanais il est fini. Bref. Alors qui bloque maintenant? Pourquoi cette foutue réunion n'a toujours pas été fixée. Ils attendaient le pourrissement de la situation, maintenant c'est en état de décomposition que le pays se trouve. Qu'attend donc le président avant que les prophéties ne soient une réalité. Apparement il ignore tout de ce qui s'est passé hier et le jour d'avant et même tous ces jours où il a occupé son poste depuis bientôt 3 ans. Il a toujours l'air de s'étonner de ce qui se passe sur le terrain alors que c'est monté de toute pièce par HN et son très cher à son cœur le gendre.

    Sissi zayyat

    18 h 06, le 27 novembre 2019

  • Une fois les consultations faites et un chef de gouvernement nommé quelle est le temps necessaire pour former le gouvernement ????Salam , Hariri 11 mois et 9 mois : normal Messieurs Dames les souris? Dites combien de temps ??Inevitablement on mettra la faute sur le Hezbollah !

    aliosha

    17 h 35, le 27 novembre 2019

  • Si le Phare Aoun n’entame pas les consultations parlementaires c’est qu’il y a un risque non négligeable que celles-ci débouchent sur un résultat que ses associés et lui veulent éviter à tout prix. Pour une fois que l’opposition est unie....

    Bachir Karim

    17 h 30, le 27 novembre 2019

  • Quelqu'un a-t'il entendu le depute Kanaan critiquer et condamner les debordement et les attaques contre femmes et enfants des truands Amal et Hezbollah? Autrement qu'il la boucle!

    sancrainte

    17 h 03, le 27 novembre 2019

  • "nous avons vécu lors de la guerre de deux ans". C'est pourtant bien ce qui va se passer s'il refuse toujours d'entamer les consultations parlementaires.

    Yves Prevost

    16 h 56, le 27 novembre 2019

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