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À La Une - contestation

Des Libanaises manifestent contre les dissensions : "Pas de retour à la guerre civile"

L'armée est "parvenue à rétablir le calme" dans toutes les régions ayant connu des échauffourées.

Une centaine de personnes, dont une majorité de femmes et de mères de famille, ont défilé mercredi 27 novembre 2019, de Aïn el-Remmané à Chiyah, afin de rejeter toute forme de dissension et de provocation entre les habitants. AFP / Patrick BAZ

Au lendemain d'une nuit de tensions dans plusieurs localités du Liban, de Tripoli à Bickfaya, en passant par Aïn el-Remmané, des Libanaises se sont rassemblées mercredi en fin de journée dans plusieurs régions, après une matinée sous le signe du retour au calme, afin de manifester contre toute volonté d'instiller des dissensions. 

Des incidents étaient en effet survenus la veille à Tripoli, où des accrochages avaient opposé les hommes masqués à l'armée, entre les habitants des quartiers de Aïn el-Remmané et Chiyah, dans le sud-est de Beyrouth et à Bickfaya, entre des partisans du Courant patriotique libre (CPL, aouniste) et les habitants de cette localité du Metn.
Dans un communiqué publié dans la journée, l'armée a affirmé être "parvenue à rétablir le calme" dans toutes les régions ayant connu des échauffourées, précisant que seize personnes ont été interpellées et 51 militaires blessés.

En réaction à ces événements, une centaine de personnes, dont une majorité de femmes et de mères de famille, ont défilé de Aïn el-Remmané à Chiyah, afin de rejeter toute forme de dissension et de provocation entre les habitants. Brandissant des roses blanches et des drapeaux libanais, les participantes à cette marche symbolique ont scandé qu'il n'y aura "pas de retour à la guerre civile" ou encore "nous sommes tous unis". Les habitants ont jeté depuis leurs balcons des fleurs et des grains de riz sur le cortège. Le quartier de Aïn el-Remmané est tristement célèbre pour l'attentat contre un bus, en avril 1975, qui est considéré comme le point de départ de la guerre civile (1975-1990).
Dans cette région, des échauffourées inter-communautaires avaient opposé hier soir des contestataires des deux quartiers. Dix militaires avaient été blessés, selon un communiqué de l'armée, lors des tensions entre les habitants, qui se lançaient notamment des pierres. 



(Lire aussi : Tensions nocturnes : le Liban "à un tournant", les consultations se font toujours attendre)



Tripoli condamne les violences
A Tripoli, au Liban-Nord, une marche similaire a eu lieu, à l'appel des dames de la ville, en guise soutien aux habitants de Aïn el Remmané et Chiyah. Les manifestantes ont condamné les actes de violence de la veille que ce soit à Tripoli ou dans les autres régions du Liban.  Dans la matinée, la situation semblait revenue à la normale, les commerces, administrations, banques, écoles et universités ayant rouvert leurs portes et la circulation ayant repris son cours habituel, selon l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle).

La veille, des protestataires s'en étaient pris aux agences de deux banques différentes, à un bureau du Courant patriotique libre (CPL, aouniste) sur la place al-Nour et à l'armée qui intervenait pour rétablir le calme dans les rues de la ville. Après un bref retour au calme, des échauffourées avaient de nouveau éclaté dans la nuit entre différents groupes de manifestants, et l'armée avait du tirer des gaz lacrymogènes pour les disperser. Selon la Croix-Rouge, sept personnes ont été transportées à l'hôpital et 17 autres soignées sur place lors de ces échauffourées. L'armée a précisé que les militaires ont été la cible d'une grenade, qui n'a pas explosé, de cocktails molotov et de jets de pierres, qui ont blessé 33 soldats.

Des témoins ont assuré à notre correspondante Ornella Antar que les personnes qui se sont livrées à des actes de vandalisme hier soir contre deux banques, ainsi que contre la permanence du CPL, qui était vide, n'étaient en aucun cas liées aux protestataires qui se rassemblent chaque jour sur la place el-Nour. Une partie de ces fauteurs de troubles étaient masqués, et les autres étaient inconnus et venaient probablement de l'extérieur de Tripoli, selon ces témoins.

A la demande du Premier ministre sortant, Saad Hariri, le secrétaire général du Haut comité de secours, le général Mohammad Kheir, a effectué une tournée d'inspection des dégâts provoqués par ces échauffourées.



(Lire aussi : Échec au musclel'éditorial de Issa GORAIEB)



"Qu'ils reviennent donc !"
Mardi soir, des échauffourées ont également eu lieu entre un convoi de partisans du CPL et des habitants de Bickfaya, lorsque les premiers ont voulu manifester devant le domicile de l'ancien président Amine Gemayel. Huit militaires ont été blessés, selon l'armée.

Mercredi à Bickfaya, la vie a, comme dans le reste du Liban, repris son cours, et aucun signe de ces accrochages n’était visible dans la journée. "Tout a été balayé et nettoyé depuis cinq heures du matin", disait à notre journaliste sur place, Anne-Marie el-Hage, Georges, un membre de la municipalité de Sakiet el Misk-Bhersaf qui veille sur la rue commerçante de Bikfaya à l’entrée de laquelle trône la statue de Pierre Gemayel. "Qu’ils reviennent donc !", a-t-il également lancé, comme un défi, en référence aux partisans du CPL. Beaucoup d’habitants considèrent comme une provocation flagrante la tentative de ce convoi de voitures du CPL d'entrer de force dans ce fief du parti Kataëb et de la famille Gemayel.

Ils dénoncent aussi une volonté de raviver les dissensions confessionnelles et partisanes. Un commerçant, Rami, affichant un œil au beurre noir, déclarait ainsi, mercredi : "Ce sont les forces spéciales qui m’ont battu. Mais je l’accepte parce que c’est l’armée libanaise". Selon ce partisan des Kataëb, les aounistes ont débarqué, mardi soir, avec des mégaphones, dans lesquels étaient hurlés slogans et insultes. "Il y avait eu un accord avec l’armée pour qu’ils n’entrent pas dans le village, mais soient déviés vers Bhersaf. Mais dès que la première voiture est entrée derrière l’armée, un de ses occupants a voulu descendre du véhicule pour narguer les habitants. C’est alors que les choses ont dégénéré. L’armée nous a bien frappés", ajoutait-il.

Les tensions de la veille sont venues s'ajouter à une série d'attaques menées dans les nuits de dimanche et lundi par des partisans des deux partis chiites Amal et Hezbollah contre des rassemblements du mouvement de contestation à Beyrouth, à Tyr (sud) et mardi soir encore à Baalbeck (Békaa).



(Lire aussi : La révolte libanaise est-elle prise en otage par les enjeux régionaux ?)



Mobilisation moins importante
Depuis le 17 octobre, les Libanais se révoltent contre la classe dirigeante, accusée de corruption et d'incompétence. Ce mouvement de contestation a enregistré sa première victoire avec la démission, le 29 octobre, du gouvernement de Saad Hariri, et réclame désormais la formation d'un gouvernement de technocrates. Toutefois, depuis cette démission, la situation politique est dans une impasse, le chef de l’État Michel Aoun n'ayant toujours pas convoqué les consultations parlementaires contraignantes pour la nomination d'un futur Premier ministre. Mardi, la date de demain jeudi était avancée pour le lancement de ces consultations, mais n'a toujours pas été officiellement annoncée. 

Dans l'attente d'une percée sur le plan politique, les contestataires ont continué, mercredi, d'exprimer leur colère et leur ras-le-bol dans plusieurs régions du pays. Ils étaient toutefois moins nombreux que les jours précédents. 

Au Liban-Nord, à Halba (dans le Akkar), des dizaines de personnes ont organisé une série de sit-in devant les sièges des administrations publiques de la localité. Les manifestants ont notamment scandé des slogans dénonçant la corruption et la mauvaise gestion devant le siège local du ministère des Finances, de l'office de gestion de l'eau, de la société publique de télécoms Ogero, du ministère du Travail et d’Électricité du Liban. Ils ont également manifesté devant le Sérail et Liban Post, avant de s'installer devant les bureaux des agents de change de la localité. Des échauffourées ont par ailleurs eu lieu dans les locaux de l'administration en charge de la gestion des waqf islamiques à Halba, alors que des manifestants ont fait irruption dans une salle de réunion. 

Dans la même région, à Bebnine, des écoliers ont organisé un défilé en signe de soutien au mouvement de contestation. 


Des habitants de Halba, dans le Akkar, lors d'un sit-in, le 27 novembre 2019. Photo Ani


A Baalbeck, les manifestants ont organisé un sit-in en hommage à Hussein el-Attar, première victime du mouvement de contestation, tué il y a quarante jours, au tout début de la révolte populaire, sur la route de l'aéroport. Les contestataires de tout le pays étaient invités, sur les réseaux sociaux, à allumer des bougies en sa mémoire. 



(Lire aussi : « Nous voulons un gouvernement de technocrates », réitèrent les manifestants sur la route de Baabda)



Coupes de cheveux gratuites
A Beyrouth, une poignée de manifestants ayant campé devant la Banque du Liban (BDL), dans le quartier de Hamra, poursuivaient leur sit-in mais ont dû, à la demande de l'armée, démonter les tentes qui étaient installées sur le trottoir devant le siège de la BDL. Pendant la nuit, les manifestants ont chanté sur place après une conférence de Jad Chaabane, économiste et professeur à l'Université américaine de Beyrouth.

Davantage de mouvements de protestations étaient prévus dans le courant de la journée devant la Banque centrale, particulièrement conspuée par la rue et accusée de couvrir la corruption des responsables politiques. A partir de 15h30, les manifestants ont pu profiter d'une coupe de cheveux gratuite devant la BDL, en référence à la procédure de "haircut" (ponction sur les dépôts) régulièrement évoquée dans les médias. Mi-novembre, le gouverneur de la BDL avait pourtant assuré qu'aucune politique de ponction sur les dépôts ou de contrôle des capitaux ne seraient mises en œuvre par les banques.



AFP / JOSEPH EID


Au niveau du carrefour dit Chevrolet, dans le quartier de Furn el-Chebbak au sud-est de Beyrouth, des manifestants se sont rassemblés devant le siège de la compagnie de téléphonie mobile Alfa. Certains d'entre eux ont pu entrer dans le bâtiment, critiquant notamment le prix élevé des factures des communications et le principe d'expiration des cartes prépayées si elles ne sont pas rechargées mensuellement. 



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Au lendemain d'une nuit de tensions dans plusieurs localités du Liban, de Tripoli à Bickfaya, en passant par Aïn el-Remmané, des Libanaises se sont rassemblées mercredi en fin de journée dans plusieurs régions, après une matinée sous le signe du retour au calme, afin de manifester contre toute volonté d'instiller des dissensions.  Des incidents étaient en effet survenus...

commentaires (4)

Bravo et merci aux femmes Libanaises qui n'hésitent pas à braver le danger en descendant dans la rue clamer leur opposition à la guerre civile . Chez le sphinx de Baabda motus et bouche cousue! Jusqu’à quand restera sourd et muet?

Le Point du Jour.

00 h 09, le 28 novembre 2019

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Commentaires (4)

  • Bravo et merci aux femmes Libanaises qui n'hésitent pas à braver le danger en descendant dans la rue clamer leur opposition à la guerre civile . Chez le sphinx de Baabda motus et bouche cousue! Jusqu’à quand restera sourd et muet?

    Le Point du Jour.

    00 h 09, le 28 novembre 2019

  • BRAVO AUX FEMMES DE AIN EL REMMANEH ET DE CHYAH !!! En espérant que les moutons en prendrons de la graine

    Bery tus

    22 h 29, le 27 novembre 2019

  • Tous ces chefs de parti hais, tous ces faux dirigeants, tous ces voleurs, tous ces assassins, tous ces traîtres, tous ces laquais-valets, tous ces carpettes au service des étrangers auront la même fin que Nouri el-Saïd et de Nicolas Ceausescu ! Le peuple libanais de toutes les communautés les vomira le jour J sans aucun pardon.

    Un Libanais

    20 h 38, le 27 novembre 2019

  • TANDEM SHIITE ET CPL VEULENT POUSSER LE PAYS VERS DES JOURS HONNIS. LA CONTESTATION EST ECLAIREE ET NE SE LAISSE PAS ALLER A LEUR JEU. ET LE PLUS IMPORTANT LE PEUPLE LIBANAIS... TOUT LE PEUPLE LIBANAIS... NE SE LAISSERA PAS ALLER A CE JEU ABJECT ET CRIMINEL.

    LA LIBRE EXPRESSION, CENSUREE PARTI PRIS/ INTERET

    19 h 10, le 27 novembre 2019

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