Le président Michel Aoun pourrait tenir dans les tout prochains jours les consultations parlementaires contraignantes, première étape pour la nomination d'un nouveau Premier ministre, dans le but de mettre fin à l'impasse politique. Cette volonté d'accélérer le processus intervient au lendemain des affrontements ayant opposé, dans la nuit de dimanche à lundi, des partisans du Hezbollah et du mouvement Amal aux protestataires dans le centre-ville de Beyrouth. Des violences qui ont suscité des craintes de débordements sécuritaires.
Selon notre correspondante à Baabda Hoda Chedid, les consultations parlementaires contraignantes pourraient être lancées dans la semaine. Selon elle, les discussions se concentrent sur la recherche d'une alternative à Saad Hariri, qui avait démissionné le 29 octobre dernier sous la pression de la rue. Le candidat au poste de Premier ministre devrait avoir la bénédiction du leader du courant du Futur, ajoute notre correspondante qui précise toutefois qu'il n'y a actuellement aucun contact entre le président Aoun et M. Hariri.
En outre, notre correspondante a appris que des contacts ont été entamés avec certains représentants du mouvement de contestation qui est entré aujourd'hui dans son 40ème jour. La semaine dernière, le président Aoun s'était exprimé en faveur d'un gouvernement incluant des représentants de ce mouvement.
Des sources citées par Hoda Chédid ont dans ce cadre estimé que "Taëf a fait du Conseil des ministres le cœur du pouvoir exécutif et que de ce fait, certains ministères régaliens sont liés à la politique de l’État". "Ainsi, l'idée d'intégrer au sein du cabinet des ministres ayant un background politique vise à assurer une garantie pour la formule gouvernementale et éviter qu'elle ne tombe dans l'impasse", selon ces sources.
Le Hezbollah persiste et signe
Jusque-là, les discussions entre les composantes de la majorité sortante semblaient au point mort. Le tandem chiite, composé du Hezbollah et d'Amal, ainsi que le Courant patriotique libre, fondé par Michel Aoun et dirigé par son gendre, Gebran Bassil, sont favorables à la formation d'un gouvernement "techno-politique" dirigé par M. Hariri, mais ce dernier exige un cabinet exclusivement composé de technocrates indépendants des formations politiques, comme le réclame la rue.
"Un gouvernement de spécialistes sans expérience politique ne peut administrer les affaires du pays dans cette période", a déclaré lundi Mohammad Raad, le chef du groupe parlementaire du Hezbollah, lors d'une allocution au Liban-Sud, réitérant la position de sa formation. "Nous sommes pour un gouvernement de spécialistes accompagnés de politiques ayant l'expérience de l'administration publique afin que l'on ne nous entraîne pas là où nous ne voulons pas que l'on nous entraîne", a-t-il ajouté.
Ces déclarations interviennent alors que le directeur général pour les Affaires politiques au ministère britannique des Affaires étrangères, Richard Moore, effectue une tournée "exploratoire" auprès des principaux responsables libanais, affirmant que la formation du gouvernement était une "affaire intérieure".
"Éviter la sédition"
Plusieurs responsables politiques ont en outre réagi aux affrontements dans la capitale. "Ce qui s'est passé hier sur les routes doit être condamné", a déclaré M. Berry selon des propos rapportés par l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), en référence aux affrontements à Beyrouth mais aussi à la mort, hier soir, de deux personnes dans un accident de la route à hauteur de Jiyé. "Afin d'éviter la sédition et d'empêcher les Libanais d'y être entraînés, nous appelons les forces de sécurité et l'armée à insister pour que les routes restent ouvertes", a-t-il ajouté.
Dans un tweet, le député du Kesrouan, Chamel Roukoz s'est, pour sa part, étonné des "atteintes aux biens publics et privés dans une zone résidentielle à l'écart du conflit comme la rue Monot". "Ce qui s'est passé appelle des clarifications, un règlement rapide et des garanties sûres pour éviter le chaos au Liban", a-t-il ajouté.
"Ce qui s'est passé dans la nuit de dimanche à lundi, les agressions contre les manifestants pacifiques sur le pont Fouad Chehab, les voitures détruites et les commerces pillés dans le centre-ville de Beyrouth, appelle une action immédiate des forces de sécurité pour arrêter les auteurs connus de ces faits, pour éviter de tomber dans l'inconnu et le deux poids-deux mesures", a écrit de son côté le député de Zghorta et chef du Mouvement de l’indépendance, Michel Moawad. "Ceci souligne la nécessité d'accélérer la mise en œuvre d'une solution politique avec la formation d'un gouvernement restreint formé d'experts qui lance l'opération de sauvetage", a-t-il ajouté.
De son côté, la Commission épiscopale pour les médias, qui salue "la révolte pacifique sur les places publiques loin de toute violence", a condamné ce qui s'est passé sur le Ring et "les tentatives de confrontation d'une rue avec l'autre", appelant les responsables à lancer les consultations parlementaires "pour restaurer une certaine confiance".
Sur le terrain, des manifestants se sont rassemblés sur la route menant au palais présidentiel, appelant à accélérer le processus de formation du gouvernement.
Depuis le 17 octobre, le Liban est secoué par un soulèvement inédit ayant mobilisé des centaines de milliers de manifestants, qui crient leur ras-le-bol face à une économie au bord du gouffre, mais aussi une classe politique jugée corrompue et incompétente, dominée depuis des décennies par les mêmes clans.
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20 h 45, le 25 novembre 2019