La tension est brusquement montée, plusieurs heures durant dans la nuit de dimanche à lundi, essentiellement au niveau du Ring, mais aussi sur la place Riad Solh, à Beyrouth, après que des hommes, dont certains brandissaient des drapeaux du Hezbollah, ont attaqué des manifestants.
Peu avant minuit, les forces anti-émeutes puis l'armée se sont déployées sur la voie express du Ring à Beyrouth alors qu'un face à face avait lieu entre des protestataires mobilisés contre la classe dirigeante et des partisans du Hezbollah. Tandis que les jeunes contestataires criaient "Révolution!" (Thaoura), d'autres jeunes, dont certains brandissaient des drapeaux du Hezbollah, répondaient "chiites" et "7 mai". "7 mai" étant une référence au 7 mai 2008, quand des miliciens du Hezbollah avaient pris le contrôle de plusieurs quartiers de Beyrouth après une décision du gouvernement de fermer un réseau de télécommunications du parti. Une décision qualifiée de "déclaration de guerre" par Hassan Nasrallah.
Des slogans en faveur du président du Parlement et chef du mouvement Amal ont également été lancés. Plus tard dans la nuit, l'on a vu apparaître quelques drapeaux d'Amal également.Contactée par L'Orient-Le Jour, Rana Sahili, responsable adjointe des relations médias du Hezbollah, n'a pas confirmé qu'il s'agissait de partisans du parti. "Nous n'avons rien à voir avec cela. Ce sont des gens qui font partie du peuple. Aucune décision n'a été prise (par le parti) d'envoyer ses hommes à la rue", a-t-elle dit.
"J'ai l'impression que le Hezbollah fait plus face à l'armée qu'aux manifestants. Ce qui se passe ce soir est un message clair au commandant de l'armée. J'ai l'impression que le Hezbollah a besoin d'un martyr, pour resserrer les rangs autour de lui", déclarait, pour sa part, à L'Orient-Le Jour, un responsable d'un mouvement engagé dans la révolution ayant souhaité garder l'anonymat.
L'Agence nationale d'information (Ani, officielle) a, pour sa part, rapporté, "que des jeunes hommes sur des mobylette sont arrivés au ring et se sont postés face aux manifestants". "Les forces anti-émeutes sont alors intervenues et les jeunes hommes à mobylette se sont retirés", a ajouté l'Ani. Peu avant une heure du matin, la situation semblait toutefois dégénérer, les deux parties se jetant des pierres. Selon un témoin interrogé par L'Orient-Le Jour, des assaillants tentaient d'entrer sur la place Riad Solh, où sont rassemblés des manifestants. Quelques minutes plus tard, des vidéos circulaient montrant de violents accrochages place Riad Solh.
La page twitter Akhbar al-Saha, a rapporté que "les chabbiha de (Hassan) Nasrallah et (Nabih) Berry à Riad el-Solh cassent les tentes, et menacent les manifestants en lançant "Nous tuerons tout manifestant".Les assaillants lançaient également des slogans contre Samir Geagea, chef des Forces libanaises, le traitant de "voleur". "N'aie crainte Nasrallah, tu as des partisans qui boivent du sang", pouvait-on également entendre. “Les sionistes n'ont pas pu nous battre, Daech n’a pas pu nous battre. Personne ne doit insulter le Sayyed (Hassan Nasrallah, ndlr) et personne ne doit fermer les routes, ce sont nos routes à nous tous”, a dit un assaillant à la LBCI affirmant que “l’armée se comporte bien”. Les manifestants, pour leur part, criaient "Nabih Berry, voleur" et "Hezbollah terroriste".
Dans les quartiers alentours, l'on entendait le bruit de plaques de métal martelées. Depuis plusieurs semaines, les manifestants tapent sur des casseroles, tous les jours à 20h. Des manifestants ont également entonné l’hymne national, entrecoupé de "Allah, Loubnan, jaich ou bass", c'est à dire "Dieu, le Liban, l'armée et c'est tout".
Vers une heure du matin, des jeunes de Tripoli ont annoncé, dans un message audio diffusé sur WhatsApp, avoir décidé de venir en renfort aux manifestants du Ring, à Beyrouth.
Vers 3h du matin, des jeunes hommes affirmant venir de Achrafieh, ont rejoint en renfort les manifestants. L'un d'eux a affirmé à la LBCI : "Ni Berry ni le Hezbollah ne vont entrer à Achrafieh. Achrafieh c'est Bachir Gemayel". C'est autour de cette heure-là que l'armée a commencé à tirer des grenades lacrymogènes et à repousser les partisans des deux camps. Peu après, les deux camps semblaient se replier.
De nombreuses routes coupées
Parallèlement à ce regain de tension, de nombreuses routes ont été bloquées, rapportait le centre de gestion du trafic (TMC) sur son compte twitter : l'autoroute au niveau de Naamé (Sud), dans les deux directions, la route de Khaldé, l'autoroute de Dora, en direction de Nahr el-Mot, le carrefour dit " Chevrolet", dans le quartier de Furn el-Cheback et l'autoroute de Baddaoui (Nord).
Plus tôt, des protestataires avaient également coupé l'autoroute au niveau d'Antélias. Une dispute avait eu lieu quand une voiture a tenté de forcer le passage.
Plus tôt, des manifestants avaient coupé l'autoroute de Jal el-Dib dans les deux directions. Le centre de gestion du trafic (TMC) avait aussi indiqué sur son compte Twitter que des manifestants avaient coupé un certain temps la route de Halba, au Liban-Nord et la route principale de Ghazzé, dans la Békaa. La route de Taalabaya a également été bloquée par des manifestants, selon l'Ani.
Alors que l'impasse politique semble totale, et qu'aucune date pour des consultations parlementaires, première étape pour la formation d'un nouveau gouvernement, n'a encore été fixée, il semblerait que le mouvement de révolte populaire se durcisse cette semaine.
Des appels à observer une grève générale ont également été lancés dimanche soir dans le Akkar, au Liban-Nord, et à Saïda, au Liban-Sud. Dans le Akkar, les écoles ont été appelées à fermer leurs portes. Plusieurs routes devraient être coupées dans la région durant la journée du lundi. Les manifestants réunis sur la Place Elia à Saïda ont, de leur côté, annoncé que lundi sera une journée de grève générale et de "désobéissance civile", rapporte l'Ani. Un peu plus tard, les écoles de la ville du Sud ont annoncé leur fermeture, lundi 25 novembre.
Depuis le 17 octobre, le Liban est secoué par un soulèvement inédit ayant mobilisé des centaines de milliers de manifestants, qui crient leur ras-le-bol face à une économie au bord du gouffre, mais aussi une classe politique jugée corrompue et incompétente, dominée depuis des décennies par les mêmes clans.
Ces soi-disant résistants ne sont que des résistants mentaux. Leurs chefs ont une peur bleue du changement. Ne vous dépêcher pas. Vos sponsors et comploteurs de Téhéran vont bientôt changer. Une lecture du Chêne et du Roseau vous ferait du bien...
10 h 32, le 27 novembre 2019