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Liban - Décryptage

Voilà pourquoi le 8 Mars souhaite un gouvernement « politique »

Photo Dalati et Nohra

Au lendemain de sa seconde rencontre avec le chef du bloc du Liban fort, le Premier ministre démissionnaire s’est entretenu avec le chef de l’État et il a quitté Baabda sans faire de déclaration. Deux conclusions s’imposent déjà : d’abord, le Premier ministre démissionnaire est désireux d’ouvrir un dialogue sérieux sur la composition du prochain gouvernement et, ensuite, il ne semble pas convaincu des propositions que lui a transmises la veille le ministre Gebran Bassil.

Selon des sources du courant du Futur, Saad Hariri souhaiterait en fait obtenir des garanties de la part du Hezbollah au sujet du fonctionnement du gouvernement avant d’accepter la moindre proposition. Pour rappel, M. Bassil avait soumis deux idées, la première porte sur un gouvernement dit de technocrates présidé par une personnalité choisie par M. Hariri, et la seconde formule consisterait en un gouvernement mixte, un mélange de technocrates et de personnalités politiques. Il faut toutefois préciser que le Hezbollah insiste sur la formation d’un gouvernement politique avec la participation de représentants du mouvement de protestation.

Selon des sources proches de ce parti, ce dernier serait convaincu qu’au-delà du bien-fondé des protestations populaires et de la sincérité des jeunes qui descendent dans les rues pour exprimer leur colère et leur rejet de la classe politique, l’objectif ultime du mouvement est de le cibler, lui ainsi que les armes de la résistance.

Depuis le déclenchement de la révolte populaire, les cadres du Hezbollah multiplient en effet les réunions pour analyser la situation et tenter de prévoir l’étape future. Ils sont ainsi arrivés à la conclusion que si, au départ, le mouvement de protestation était spontané et sincère, des parties politiques locales et internationales se sont greffées sur la colère des gens pour tenter d’imposer un agenda politique qui viserait l’affaiblissement du Hezbollah.

Selon les partisans de cette thèse, très rapidement, la fameuse division entre le 14 Mars et le 8 Mars est réapparue, alors que ce qu’on appelle « le compromis présidentiel » l’avait rendue obsolète et avait donné un nouvel exemple de coopération entre les principales composantes du pays, notamment le courant du Futur, le CPL et indirectement Amal et le Hezbollah. Cette coopération qui a permis l’élection présidentielle en 2016 (le président de la Chambre n’était toutefois pas favorable à l’élection de Michel Aoun au départ) ainsi que la formation des deux gouvernements de 2016 à nos jours. En même temps, depuis trois ans, il y a eu plusieurs tentatives d’ébranler ce fameux compromis, tantôt en faisant pression sur le Premier ministre Saad Hariri, tantôt en multipliant les pressions économiques et politiques sur le Hezbollah, pour monter contre lui son environnement populaire, et tantôt encore en cherchant à isoler le chef de l’État et son camp pour les pousser à défaire leur alliance avec le Hezbollah. C’est dans ce cadre que les sources proches du Hezbollah placent la campagne systématique contre le chef du CPL qui vise à le présenter comme une personne rejetée par la population.



(Lire aussi : Deux fauteuils et un vasele billet de Gaby NASR)


Les sources proches du Hezbollah vont encore plus loin et estiment que derrière le mouvement de protestation populaire tout à fait légitime, des forces occultes cherchent à rééditer le scénario des trois années de la prorogation du mandat d’Émile Lahoud (2004-2007). Il s’agirait ainsi d’isoler le chef de l’État qui serait ainsi boycotté par la plupart des composantes politiques et populaires. Dans ce contexte, les sources précitées considèrent que la manifestation des partisans du CPL dimanche était nécessaire, car elle a montré que ce parti et le chef de l’État continuent d’avoir une grande popularité.

Le plan visant à paralyser le mandat Aoun commencerait donc par la formation d’un gouvernement de technocrates qui écarterait ainsi du pouvoir exécutif le bloc du Liban fort, mais aussi le tandem chiite Amal et le Hezbollah pour laisser le champ libre à de nouvelles figures qui ne sont pas suffisamment politisées pour faire face aux pressions régionales et internationales. De plus, le gouvernement qui serait ainsi formé aurait pour principale mission de procéder à des élections législatives anticipées dans le but de renverser la nouvelle majorité issue des élections de 2018. De cette façon, il y aurait ainsi un changement total des rapports de forces instaurés à la suite de l’élection de Michel Aoun, au sein du gouvernement et au sein du Parlement. Et, après l’encerclement du chef de l’État, viendrait le tour du Hezbollah.

Pour étayer cette approche, les sources précitées évoquent le malaise qui régnait avant le déclenchement du mouvement de protestation, suite à des crises successives au sujet de l’essence, de la farine et du dollar, comme s’il s’agissait de pousser les gens à bout.

Pour toutes ces raisons, les mêmes sources précisent que le 8 Mars ne compte pas accepter un gouvernement de technocrates. Tout en reconnaissant que les représentants du mouvement doivent participer au prochain gouvernement, les sources précitées affirment que le 8 Mars préfère un gouvernement politique, avec des figures crédibles et qui inspirent confiance. Toujours selon les mêmes sources, le 8 Mars n’aurait aucun problème à désigner Saad Hariri pour former le prochain gouvernement, mais il faut d’abord s’entendre sur la composition du gouvernement et non ouvrir la voie, après sa désignation, à une longue période de vacance gouvernementale. Les contacts qui semblent s’accélérer ces derniers jours tournent autour de ces points, mais, à ce stade, nul ne peut prédire s’ils vont aboutir ou non. Pendant ce temps, la rue, elle, continue de protester sans s’essouffler.



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commentaires (9)

Tout le monde sait qu'aucun gouvernement ne peut décider de désarmer le Hezb, il s'agit d'une question régionale. Par ailleurs, mille fois le Hezb a dit qu'il n'y a aucune source ni "de proches" qui parlent à sa place, donc l'article relève de la pure analyse, ni plus ni moins. Le vrai problème est que la rue est anonyme, personne ne la représente, alors qu'il est vital pour le pays de former un gouvernement sans procrastiner. Petit à petit le mouvement populaire du 17 octobre deviendra une source supplémentaire du problème, alors que tous les citoyens voyaient en lui le début d'une solution. Dommage!

Shou fi

18 h 13, le 09 novembre 2019

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Commentaires (9)

  • Tout le monde sait qu'aucun gouvernement ne peut décider de désarmer le Hezb, il s'agit d'une question régionale. Par ailleurs, mille fois le Hezb a dit qu'il n'y a aucune source ni "de proches" qui parlent à sa place, donc l'article relève de la pure analyse, ni plus ni moins. Le vrai problème est que la rue est anonyme, personne ne la représente, alors qu'il est vital pour le pays de former un gouvernement sans procrastiner. Petit à petit le mouvement populaire du 17 octobre deviendra une source supplémentaire du problème, alors que tous les citoyens voyaient en lui le début d'une solution. Dommage!

    Shou fi

    18 h 13, le 09 novembre 2019

  • Mille mercis à Scarlett pour ces clarifications . Rien de plus clair , nous revenons clivage ancien du 8 et 14 Mars . Nous avons essayé de les amalgamer , mais ils ne sont pas soudables . Ils pourraient même recommencer à se battre dans la rue , pour une longue guerre civile, encore une fois .

    Chucri Abboud

    20 h 06, le 08 novembre 2019

  • Des complots, encore des complots, toujours des complots... Et les milliards volés depuis 30 ans, c'est aussi un complot étranger? Nabih Berré, accroché à son perchoir depuis 30 ans, aussi un complot étranger? L'infrastructure en ruine, aussi un complot étranger? Les soi-disant analyses sont bien belles, mais à un moment donné, il faut arrêter de prendre les gens pour des imbéciles. "You can some of people all the time, you can fool all the people some times, but you cannot fool all the people all the time".

    C'est moi

    17 h 43, le 08 novembre 2019

  • D'après cette analyse, le HB a compris que plus personne ne veut de lui et de ses résistants. Pourquoi tourner en rond et perdre du temps en espérant que cela change. Nous avons été très clairs KELLOUN alors plus d’intervenants étrangers, plus de représentants Iraniens, saoudiens ou autre au sein de notre gouvernement. Seuls les Libanais ont le droit de décider de nos ennemis comme de nos amis. Aucune guerre ne se déclenchera sans leur aval. Nous avons le droit de vivre en paix et arrêter les différents partis de nous prendre en otages pour le bien de X et Y. Nous avons assez donné. Le Liban est un pays pacifique et n’aspire pas à la guerre ni à l'écoulement du sang de son peuple et la destruction de ses infrastructures chèrement payées pour satisfaire l’égo d’une personne qui n’en a cure de ce pays et de ses citoyens mais sert l'interêt d’un pays étranger Si c’est ça que Hassan Nasrallah appelle complot. Alors soit complot il y a et il doit faire avec. Il n’a plus le dernier mot. GAME OVER. Il faut arrêter de prendre les libanais pour des agneaux de de dieu et qu’on sacrifie à tout bout de champ pour racheter les pêchers du monde.

    Sissi zayyat

    11 h 58, le 08 novembre 2019

  • Un gouvernement politique avec des figures crédibles qui inspirent confiance... c’est vraiment écrire une belle phrase pour ne rien dire

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 43, le 08 novembre 2019

  • "le Premier ministre démissionnaire est désireux d’ouvrir un dialogue sérieux sur la composition du prochain gouvernement". C'est justement dialoguer sur la composition du futur gouvernement qui n'est pas sérieux! "un gouvernement politique, avec des figures crédibles et qui inspirent confiance". Voilà bien la contradiction: comment un gouvernement politique pourrait-il inspirer confiance? Toute personne désignée par un parti quel qu'il soit sera, du fait même, rejetée par le peuple. "l’objectif ultime du mouvement est de le cibler, lui ainsi que les armes de la résistance". Ce n'est pas "l'objectif ultime", mais un passage obligé. Il est impossible de redonner confiance au peuple tant que, par le poids de ses armes, le Hezbollah tiendra en main les destinées du pays.

    Yves Prevost

    07 h 04, le 08 novembre 2019

  • Il n y a jamais eu de compromis présidentiel comme Scarlett mentionne. Il y a eu du chantage, et du blocage (soit nous soit la fin du pays) jusqu'à forcer l'élection de ce qui sera le pire président de tous les temps au Liban. Voilà aujourd'hui ou mène le chantage et le blocage! Bloquer les institutions pendant 3 ans pour forcer l'élection non démocratique à ete le coup fatal apporté au pays L'analyse de cet article est fausse et biaisée et continue la révision et le maquillage des faites.

    Aboumatta

    06 h 58, le 08 novembre 2019

  • Ce qu'on appelle le 8 mars étant constitué de forces qui marchent structurellement sur la tête, redresser le pays les contraindraient à la marche normale et donc au sabordage. Leur première ligne de défense est donc de prétendre que "safawat" (ambassades) et autres "forces occultes" ont intérêt à aider le mouvement. Ben oui, du moins pour les forces dites occultes: les traîtres, héritiers moraux des écoliers "islamistes" d'Idlib (ici ils sont "occultes", encore heureux) et qui pensent possible que le pays puisse marcher normalement, menace véritablement existentielle sur les "résistants" de profession.

    M.E

    03 h 20, le 08 novembre 2019

  • Dans le contexte actuel, consulter rime avec insulter... Le peuple a dit Kellon = Kellon. Il ne veut ni des consultations, ni des accords en sous-main et encore moins du retour par la fenêtre des acteurs de ce dramatique échec. Le peuple veut qu'ils s'en aillent, tous et définitivement. Il le dit tous les jours. Pourquoi est-ce qu'ils reviennent? Qui les y invite? Soyons conséquents et fermes, pas de demi-mesure ni de frilosité. Du sang neuf, un système neuf. Elections. Maintenant. Demandons le avec force. Et barrons la route aux revenants.

    El moughtareb

    01 h 05, le 08 novembre 2019

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