Saad Hariri s’est entretenu, hier à Baabda, avec le président Aoun. Photo Dalati et Nohra
Les indicateurs économiques sont au rouge. En témoignent, bien entendu, les propos tenus hier par le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, qui a affirmé que « la situation au Liban est très difficile », mais que « les banques continueront de travailler ».
En dépit de cette conjoncture économique alarmante, ce n’est que 22 jours après le début du soulèvement populaire que le pouvoir en place a commencé à prendre conscience de la gravité de la situation et décidé de se lancer dans une course contre la montre pour former un cabinet à même de redresser le pays et calmer la colère des manifestants. Même s’il continue d’accorder la priorité à des contacts tenus loin des feux de la rampe, principalement articulés autour de la future équipe ministérielle.
Ainsi, et à la faveur de contacts avec le président de la Chambre, Nabih Berry, et le Premier ministre sortant, Saad Hariri, le président de la République, Michel Aoun, qui s’abstient toujours de fixer la date des consultations parlementaires contraignantes en vue de désigner un nouveau chef du gouvernement, a reçu M. Hariri à Baabda, hier. Il s’agit de la première rencontre entre les deux hommes depuis la démission de M. Hariri, le 29 octobre dernier.
Selon un communiqué publié par le bureau de presse de la présidence, la discussion a principalement porté sur les contacts en cours en vue de résoudre la crise gouvernementale actuelle.
D’ailleurs, M. Hariri lui-même s’est contenté de déclarer qu’il a rencontré le chef de l’État pour se concerter avec lui. « Nous poursuivrons les contacts avec les autres protagonistes », a-t-il ajouté.
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Citées par notre correspondante Hoda Chedid, des sources informées indiquent que Michel Aoun a convoqué le Premier ministre sortant à Baabda dans le cadre des contacts politiques qu’il mène, estimant ainsi pouvoir faciliter la tâche au futur chef du gouvernement, avant même sa désignation. Avec le leader du Futur, il a ainsi évoqué la forme de la future équipe, oscillant entre un gouvernement politique, un cabinet de technocrates, ou encore un cabinet dit « techno-politique », combinant les deux premières formules.
De même source, on apprend que les deux hommes ont également discuté de la situation économique et financière, et se sont entendus pour rester en contact durant la prochaine phase. On confie toutefois que les pourparlers en cours pourraient exiger un peu de temps dans la mesure où l’on tente de mettre sur pied un cabinet dans des circonstances exceptionnelles.
Selon une source politique contactée par L’Orient-Le Jour, l’entretien d’hier aurait permis de mettre les points sur les i concernant le processus de formation de la nouvelle équipe. Dans les mêmes milieux, on estime qu’un développement pourrait se produire dans les 24 prochaines heures, à la lumière de la rencontre d’hier.
Outre le fait de donner un élan aux tractations qui baignent dans l’immobilisme, la rencontre Aoun-Hariri est notable dans la mesure où elle est interprétée dans les milieux de Baabda comme un signe que Saad Hariri lui-même veut former la future équipe. « Il veut former un gouvernement, mais il prendra plus de temps pour ses concertations. Il en élargira le spectre prochainement », confie une source de Baabda à L’OLJ.
À son tour, le président de la Chambre, Nabih Berry, presse pour que M. Hariri soit reconduit à son poste. Dans une déclaration à la chaîne NBN, il a été très clair sur ce plan : « J’insiste pour que Saad Hariri soit nommé (pour former le nouveau gouvernement), dans la mesure où cela va dans le sens de l’intérêt du pays. »
D’ailleurs, de source bien informée, on apprenait en soirée que le chef du législatif est entré en contact avec le Premier ministre sortant pour l’exhorter à accélérer le processus de formation du gouvernement à la lumière de la très dangereuse situation économique.
À son tour, le Hezbollah semble prendre activement part aux efforts déployés en faveur de la mise sur pied de l’équipe ministérielle, ajoute-t-on de même source, faisant savoir que Hussein Khalil, bras droit du secrétaire général du parti chiite, Hassan Nasrallah, se serait entretenu discrètement hier avec Saad Hariri. Une rencontre qui pourrait donner des signes jugés « positifs » sur ce plan, avant le discours prévu lundi de Hassan Nasrallah. Et pour cause : le parti chiite est conscient qu’il est dans son intérêt que le pays se dote d’un cabinet le plus rapidement possible.
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Geagea et Joumblatt
De leur côté, les Forces libanaises, par la bouche de leur leader Samir Geagea, poursuivent leur forcing en faveur d’un cabinet de spécialistes indépendants. Dans une interview accordée au site web de la chaîne MTV, le chef des FL a estimé que la formation d’un cabinet de spécialistes nommés par les partis politiques ne résoudra pas le problème, les partis détenant toujours le pouvoir de décision. Il réagissait ainsi à la proposition faite par le leader du Courant patriotique libre Gebran Bassil, lors de leur entretien lundi. « Nous ne participerons pas à un gouvernement techno-politique, parce que nous sommes convaincus que ce choix non seulement ne sauvera pas le pays, mais est à même d’accélérer son effondrement », a encore dit M. Geagea, faisant état de contacts permanents avec Saad Hariri.
Quant au leader du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, il semble déterminé à ne pas prendre part au prochain cabinet. « À l’heure où la Constitution est violée, où les dangers socio-économiques sont à leur paroxysme et où la contestation populaire est à son apogée, ils (les pôles du pouvoir) se réunissent et discutent des moyens de revenir au compromis (de 2016) qui a anéanti le pays. Tout cela assorti de la théorie du complot. Il est temps de sortir (de la crise). Mais nous ne serons pas avec vous, ni aujourd’hui ni demain », a écrit le leader druze sur son compte Twitter.
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commentaires (11)
......En attendant Nasrallah?????????? Cést quoi cette foutaise? Juste pour confirmer que c'est lui qui dicte la loi????? Non mais, c est vraiment la fin des haricots!
IMB a SPO
19 h 11, le 08 novembre 2019