Le député CPL Edy Maalouf lors d’une conférence de presse du parti pour annoncer la levée du secret bancaire sur les comptes des députés et ministres aounistes, le 28 octobre dernier. Photo ANI
Depuis le début du soulèvement populaire, le Courant patriotique libre (CPL) s’évertue à répéter que les revendications des Libanais liées à la suppression de la corruption et au recouvrement des fonds publics pillés sont les siennes. Pas plus tard que dimanche, lors de son discours prononcé à Baabda, son chef Gebran Bassil a rappelé qu’il y a déjà deux ans, il avait levé le secret bancaire sur ses comptes, et que les députés, ministres et vice-présidentes de son parti ont fait récemment de même. Ceux-ci ont en effet signé, il y a une dizaine de jours, des mémorandums prévoyant la levée du secret bancaire sur leurs comptes au Liban et à l’étranger, donnant le feu vert aux banques pour effectuer toute action qu’elles jugent nécessaire dans le cadre de la levée du secret bancaire, et ce sans autorisation préalable. De telles démarches permettent-elles de mesurer effectivement leurs richesses et, surtout, les moyens employés pour les accumuler? Il ne semble pas que les dizaines de milliers de manifestants qui sont dans les rues en sont convaincus, puisque leur soulèvement reste toujours aussi vigoureux. L’Orient-Le Jour a demandé à plusieurs juristes et activistes qui se penchent sur les droits et l’information des contribuables et se consacrent à la lutte contre la corruption leurs avis quant à l’efficacité de ces initiatives.
Me Karim Daher, président de l’Association libanaise pour les droits et l’information des contribuables (Aldic), voit dans cette initiative « une première » et espère qu’elle « fera jurisprudence auprès de tous les responsables politiques ». Il juge cependant qu’elle ne sera complète que lorsque les « patrimoines seront déclarés au Liban et à l’international ». Selon lui, la levée du secret bancaire devrait également concerner « les comptes de l’entourage proche du responsable, ainsi que ceux de sociétés opaques au sein desquelles celui-ci détiendrait des parts ou des intérêts directs ou indirects par le biais de prête-noms ». Notant qu’en tout état de cause, « les lois actuelles permettent à l’État, surtout en cas d’enquête pour enrichissement illicite, d’avoir accès aux comptes litigieux sans autorisation de leurs détenteurs », il propose que celui-ci « remplisse mieux son devoir de prospection ». Le spécialiste préconise par ailleurs que les informations puissent parvenir à quiconque les réclame. « Si les responsables veulent faire preuve d’une transparence totale et ne pas se contenter de faire du populisme, ils devraient publier sur des sites web accessibles les détails relatifs à leurs comptes bancaires à l’étranger et à leurs biens immobiliers », prône-t-il, suggérant en outre de « faire comparer leurs salaires et autres revenus légaux non seulement avec leurs comptes en banque, mais avec leurs dépenses et leur train de vie ».
La nécessité de diffuser publiquement les avoirs des responsables est également mise en exergue par Badri Méouchi, président de la Lebanese Transparency Association (LTA). « Dans la législation actuelle datant de 1956, tout responsable politique ou fonctionnaire doit remplir une fiche dans laquelle il déclare ses revenus et ses biens. Mais sur les 76 000 enveloppes scellées et déposées à la Banque du Liban, seules deux ont été ouvertes, dont l’une concerne les ressources de l’ancien ministre Michel Samaha », indique M. Méouchi, notant qu’il n’y a pas de « volonté politique d’information publique ». Il souhaite à ce propos que « soit votée rapidement la proposition de loi examinée actuellement par la Chambre des députés en vertu de laquelle chaque citoyen pourra être informé sur les biens de toute personne en charge dans le secteur public ». S’il reconnaît que « la levée du secret bancaire représente une partie du défi », il estime qu’elle « ne servirait pas à grand-chose si elle n’est pas accompagnée d’une législation à même de rassurer les Libanais en mettant à leur disposition toutes les informations concernant les biens et capitaux de ceux qui sont censés être à leur service ». L’activiste met l’accent sur l’urgence d’appliquer une telle loi qui « imposerait de présenter annuellement une fiche détaillant leurs patrimoines, alors qu’à l’heure actuelle celle-ci n’est exigée qu’une seule fois, au début du mandat public ». « Or, que constituent les comptes qu’a présentés un responsable politique en poste depuis des dizaines d’années par rapport à toutes les richesses qu’il a pu accumuler durant cette période? » s’interroge-t-il.
(Lire aussi : Restitution des fonds détournés : a-t-on vraiment besoin d’une nouvelle loi ?)
« On ne renonce pas à son droit »
Pour Me Paul Morcos, fondateur du cabinet d’avocats Justicia, il n’y a pas lieu d’autoriser la levée du secret bancaire. « Si un doute sérieux plane sur un compte, la commission spéciale d’investigations (CSI) au sein de la Banque du Liban lève le secret de ce compte pour enquêter et, le cas échéant, prend des mesures conservatoires à son encontre », précise l’avocat. « D’ailleurs, ajoute-t-il, la levée du secret bancaire ne fonctionne pas à l’étranger car il n’y a pas d’autorité centrale qui pourrait recevoir la demande et la communiquer à toutes les banques à travers le monde. »
Paul Morcos va plus loin, jugeant qu’on ne peut « renoncer à son droit de préserver le secret des comptes bancaires », puisque ce droit a été instauré par une loi spécifique (1956). « Le législateur n’a pas établi ce texte uniquement pour protéger les particuliers, mais également pour favoriser le recrutement de capitaux, dans l’esprit de mettre en place et de maintenir un système bancaire et socio-économique bien défini », note-t-il. S’il précise que cette même loi « permet toutefois à un individu de demander d’une manière précise et non absolue la levée du secret de ses comptes », il constate que « les demandes des responsables du CPL, qui constituent tout de même une initiative remarquable, ont été formulées de façon globale ». « Or la loi introduit de façon stricte des exceptions ou dérogations au principe du secret bancaire, autorisant un détenteur de comptes à lever ce secret uniquement s’il précise quels comptes il voudrait dévoiler et s’il nomme expressément les parties bénéficiaires de sa démarche », ajoute Paul Morcos.
Lire aussi
Le Club des juges remet officiellement à la BDL sa demande de geler des comptes de responsables
Le CPL officialise sa décision sur la levée du secret bancaire
La lutte contre l’enrichissement illicite est-elle possible sans une refonte du système judiciaire ?
Recouvrement des fonds publics détournés : ce qui pourrait être proposé
QUE CETTE LOI SOIT INUTILE, ASSUREMENT ! A MOINS D'UNE VOLONTE FEROCE DE SUIVRE - A LA LOUPE - LES DETAILS LES + INFIMES DES AVOIRS DE CES MESSIEURS DES LE 1ER JOUR DE LEUR PRISE DE RESPONSABILITE DE LEUR EMPLOI OU ELECTION A LA DEPUTATION OU NOMINATION MINISTÉRIELLE OU LEURS 1ERS CONTRATS AVEC L'ETAT, LES MUNICIPALITES ETC( POUR LE SECTEUR PRIVE) ET CE DEPUIS 1988....... A TRAVERS LES BANQUES, CADASTRE,DEPARTEMENT D'ENREGISTREMENT DES VOITURES & DES BATEAUX DE PLAISANCE.
10 h 59, le 08 mars 2020