Après la mobilisation massive des élèves et étudiants à travers tout le territoire libanais en cours de journée, ce sont des milliers de femmes qui ont investi en soirée le centre-ville de Beyrouth, afin de marquer le 21e jour d'une révolte inédite contre la classe dirigeante.
Ces manifestantes se sont rassemblées à l'initiative de Sarah Beydoun et Mariana Wehbé, place des Martyrs, dans le centre-ville de Beyrouth, à la lumière des bougies, pour soutenir le soulèvement et le changement. Assises en cercles concentriques, des bougies plantées à même le sol devant elles, les femmes, brandissant des drapeaux libanais, ont rempli le secteur, jusqu'à la place Riad Solh, devant le siège du gouvernement, où des femmes frappaient sur des casseroles, selon notre journaliste sur place Tilda Abou Rizk.
Faisant écho à la chanteuse Aziza qui était sur place, les manifestantes –accompagnées par certains hommes- ont entonné en chœur l’hymne national, en ajoutant "les femmes" à la phrase qui ne cite que "les hommes", avant de répéter ensemble une prière. "Je suis ici pour montrer que la femme a aussi sa place dans la société et parce que je veux avoir un avenir dans ce pays", affirme Rhéa, 16 ans.
Des femmes frappant des casseroles sont également rassemblées à Saïda, au Liban-Sud, et Tripoli, deux des places fortes de la contestation avec Beyrouth.
Les femmes participent massivement depuis le 17 octobre à la révolte populaire, et sont devenues, depuis, la cible de vexations de toutes sortes.
Eden Bay
A quelques kilomètres de là, plusieurs centaines de contestataires, partis de Raouché, ont manifesté devant le site en construction du complexe hôtelier Eden Bay, dans le quartier beyrouthin de Ramlet el-Baïda, pour dénoncer les infractions sur les bien-fonds maritimes. Les manifestants brandissaient des pancartes sur lesquels sont inscrits des slogans appelant au jugement des infractions sur les bien-fonds maritimes et au recouvrement des fonds volés, une des principales revendications du mouvement.
Un manifestant a été blessé à la tête lors d’échauffourées entre protestataires tentant d'entrer à l'intérieur du complexe hôtelier et des policiers anti-émeutes déployés sur les lieux. Plusieurs personnes ont néanmoins réussi à pénétrer sur le site, après avoir cassé plusieurs pans de mur de parpaing. Des protestataires sont venus avec leurs enfants pour exprimer leur attachement à cet espace public. "Je suis là avec mes enfants parce que je les promène ici quasiment tous les jours", explique Marwa, architecte et jeune maman qui habite dans le quartier de Mouawad, dans la banlieue sud de Beyrouth, à notre journaliste sur place Patricia Khoder.
Le complexe balnéaire d'Eden Bay est largement décrié par ses contempteurs pour avoir été construit à même la plage publique de Ramlet el-Baïda et pour avoir accumulé les infractions et les violations à la loi.
Le plan de réformes financières et économiques, qui avait été annoncé le 21 octobre par le Premier ministre Saad Hariri, huit jours avant sa démission, prévoit le lancement de poursuites judiciaires et l'augmentation du montant des amendes contre ceux ayant commis des infractions dans le dossier des bien-fonds maritimes.
Marche à Ramlet el-Baida vers le complexe Eden Bay. Photo Patricia Khoder
Rassemblement à Baalbeck
Par ailleurs, plusieurs dizaines de protestataires ont marché dans les rues de Baalbeck, dans la Békaa, un des fiefs du Hezbollah, qui fait partie de la majorité gouvernementale sortante. Brandissant des drapeaux libanais, les manifestants, partis de la place Khalil Moutran, dont certains frappaient sur des casseroles, protestent contre "l'omniprésence de la corruption" et la dégradation de la situation économique du pays. Les manifestations avaient baissé d'intensité au cours des derniers jours dans la localité, mais un regain de mobilisation a été observé depuis lundi.
A Tripoli, les manifestants ont dressé une tente sur l'autoroute menant à Minié. Ils ont également appelé à enlever toutes les affiches à l'effigie de responsables politiques dans la grande ville du Liban-Nord.
Plus tôt dans la journée, des dizaines de Libanais s'étaient rassemblés face au siège principal d'Électricité du Liban. Devant le palais de Justice, des centaines d'avocats ont organisé un sit-in pour réclamer l'indépendance de la justice. Non loin du palais de Justice, la direction générale du ministère des Finances, connue sous le nom de "bâtiment de la TVA", a également été encerclée par les protestataires. Le siège de la Banque du Liban, dans le quartier beyrouthin de Hamra a été également choisi par les contestataires qui protestent contre les politiques financières menées par le gouverneur Riad Salamé.
Depuis le 17 octobre, le Liban connaît une contestation inédite ayant paralysé le pays avec la fermeture, durant les deux premières semaines, des banques, écoles et universités. Sous la pression de la rue, le Premier ministre Saad Hariri a démissionné le 29 octobre mais les concertations pour la formation d'un nouveau cabinet n'avancent pas depuis, exacerbant la colère des manifestants.
Lire aussi
Être un touriste au Liban en pleine révolution
Des activistes dénoncent la guerre sexiste menée contre les femmes
« Nous n’avons plus rien à perdre, nous n’avons plus que la rue »
Les étudiants, tiraillés entre leurs études et leur volonté de ne pas quitter la rue
Pour que la révolte devienne révolution, le commentaire d’Élie FAYAD
BRAVO AUX FEMMES LIBANAISES !
11 h 52, le 07 novembre 2019