Le Liban "traverse une crise très grave depuis une quinzaine de jours", a déclaré mardi le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, qui a estimé que "la condition de la stabilité" au pays du Cèdre réside dans "la volonté d’écouter la voix et la revendication de la population". Les déclarations du chef de la diplomatie française sont intervenues peu après l'annonce de la démission du Premier ministre libanais, Saad Hariri, au treizième jour d'une révolte populaire inédite au Liban contre la classe dirigeante.
"Le Liban traverse une crise très grave, depuis une quinzaine de jours, avec des mobilisations massives de la population, des incidents, des tensions, une crise de confiance dans un pays qui est déjà fragilisé par son environnement régional, des crises dont il essaie d’être autonome, et fragilisé aussi par une économie en grande fragilité", a déclaré M. Le Drian, lors d'une séance de questions à l'Assemblée générale. Le chef de la diplomatie française a estimé que la démission de M. Hariri "rend la crise encore plus grave d’une certaine manière".
"Dans cette situation la France a deux convictions : la première c’est de tout faire et d’appeler les responsables libanais à tout faire pour garantir la stabilité des institutions et l’unité du Liban, c’est indispensable", a ajouté M. Le Drian. Il a souligné que la stabilité et l'unité du pays "ont permis dans le passé à la France d’aider à cette restructuration de l’Etat libanais en particulier, grâce à la conférence CEDRE que vous avez citée et que nous avons réunie il y a quelques mois".
(Lire aussi : Après la démission de Hariri, trois scénarios possibles)
"Ecouter la voix de la population"
La seconde conviction de Paris est que "la condition de la stabilité c’est la volonté d’écouter la voix et la revendication de la population". "Les responsables politiques libanais sont-ils décidés à +faire Liban+ ensemble, est-ce-qu’ils feront passer l’intérêt collectif du pays devant leurs propres intérêts particuliers ? C’est la question qui est posée par la décision de Saad Hariri de se retirer", a-t-il souligné. "Ce dont a besoin le Liban c’est d’un engagement de l’ensemble des responsables politiques à s’interroger sur eux-mêmes et à faire en sorte qu’il y ait une réponse forte aux réformes, une réponse forte à la population, et la France est déterminée à les aider dans ce sens", a conclu Jean-Yves Le Drian.
Le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas a de son côté indiqué que son pays espérait que la démission du Premier ministre libanais "ne porterait pas atteinte à la stabilité du Liban". "Les développements au Liban sont cruciaux pour nous et pour la région dans son ensemble. Nous espérons que le mouvement de contestation restera pacifique à l'avenir", a déclaré M. Maas à l'issue d'une réunion avec son homologue égyptien au Caire.
L'ONU a pour sa part appelé "toutes les parties à éviter la violence", selon le porte-parole adjoint de l’ONU, Farhan Haq. "Le secrétaire général Antonio Guterres a pris note de la démission du Premier ministre Saad Hariri. Il appelle toutes les parties à maintenir la paix et à éviter la violence, ainsi que les forces de sécurité à faire preuve de retenue et à protéger les civils, y compris les manifestants pacifiques. Nous espérons qu’une solution politique serait trouvée pour préserver la stabilité et la paix dans le pays", a déclaré Farhan Haq.
La démission de Saad Hariri est intervenue quelques heures après une violente attaque de partisans du Hezbollah et d'Amal contre les manifestants anti-gouvernement dans le centre-ville de Beyrouth. L'annonce a été accueillie par les vivats de la foule qui l'écoutait en direct sur plusieurs lieux de rassemblement, avant que ne retentisse l'hymne national repris à pleins poumons par les manifestants. Des feux d'artifice ont été aussitôt tirés dans Beyrouth tandis que des voitures ont sillonné la ville tous klaxons hurlants en signe de victoire.
La révolte populaire libanaise a été déclenchée le 17 octobre par l'annonce surprise d'une taxe sur les appels via la messagerie WhatsApp. Cette mesure a été vite annulée mais la colère ne s'est pas apaisée contre la classe dirigeante, jugée incompétente et corrompue dans un pays qui manque d'électricité, d'eau ou de services médicaux de base trente ans après la fin de la guerre civile (1975-1990).
Lire aussi
Du début du soulèvement à la démission de Hariri : retour sur 13 jours de révolte inédite au Liban
La révolution à un tournant décisif, l’édito de Émilie SUEUR
Le bloc aouniste fragilisé après la double démission de Roukoz et Frem
commentaires (5)
C,EST MECONNAITRE LES ABRUTIS QUI DIRIGENT CE PAUVRE PAYS ET C,EST COMPRENDRE LE PEUPLE QUI LES CONTESTE.
LA LIBRE EXPRESSION
22 h 37, le 29 octobre 2019