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La révolution en marche - Rencontre

Madi K, le DJ qui fait danser la révolution à Tripoli

À travers sa musique, le DJ a donné un souffle nouveau au mouvement populaire et à la capitale du Liban-Nord.


Madi K, le « DJ de la révolution ». Photo DR

À l’heure où des protestataires bloquaient les routes par des pneus en feu, les platines du « DJ de la révolution », Mahdi Karimeh, enflammaient la nuit de Tripoli. Connu sous le nom de DJ Madi K, le jeune Tripolitain de 29 ans a réussi, en l’espace d’une seule nuit, samedi 19 octobre, à projeter au monde un autre visage de la capitale du Liban-Nord.

Samedi dernier, au troisième jour du mouvement de mobilisation populaire qui traverse tout le Liban, Tripoli était déjà un foyer vibrant de la protestation. Dans la médina, les vieux marchands ambulants retroussaient leurs manches et remplaçaient déjà leurs appels désespérés à la clientèle par les slogans de la révolution. Sur la place al-Nour, les anciens dansaient aux côtés des jeunes aux rythmes de la version arabe de Bella Ciao. Les femmes, elles, étaient placées en première ligne de défense.

Quelques heures plus tard, la même place vibrait dans une totale communion avec la musique du DJ Madi K, installé sur un balcon dominant la place avec ses platines.





Une décision spontanée

« La musique a métamorphosé Tripoli », lance le jeune homme. Sa décision de jouer sur la place Abdel Hamid Karamé (place al-Nour) a été aussi spontanée que la décision des Libanais de descendre dans la rue et de faire entendre leur voix. Il revient sur les quelques heures qui ont précédé sa première performance samedi face à des milliers de protestataires : « Dans la journée, samedi, j’ai posté une vidéo sur Instagram tirée de ma dernière performance lors du Festival des couleurs à Tripoli, et j’ai demandé aux internautes s’ils voulaient bien me rejoindre sur la place al-Nour. » Le DJ ne s’attendait pas à une réaction positive de la part des internautes qui ont bombardé son Instagram et son WhatsApp de messages l’incitant à véritablement mettre son idée à exécution. Il décide de se lancer.

« Sur la place al-Nour, l’ambiance était spectaculaire : les habitants de Tripoli, qui affichaient d’habitude un visage aux traits tirés par la fatigue et par le désespoir, étaient tous heureux, souriants et pleins d’espoir », dit-il.

Dans un premier temps, le DJ s’installe à côté de l’énorme sculpture en métal formant le mot « Allah » au milieu de la place et inspecte les alentours. Il aperçoit alors des personnes assises sur le balcon de leur maison, au-dessus du glacier Bachir, qui donne directement sur la place. Il leur demande la permission d’installer ses platines chez eux. Généreux et bienveillant, le père de la famille, qui s’avère être un ami de son père, lui cède immédiatement son balcon. Mais le DJ voit, par la suite, un autre immeuble, vieux et abandonné, qui domine lui aussi la place, l’immeuble Ghandour. C’est là qu’il finira par s’installer. Depuis, cet immeuble est devenu la scène à partir de laquelle la révolution tripolitaine est menée.


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« Le DJ de la révolution »

Quand il officie dans des circonstances normales, il faut des heures à Madi K pour installer toutes ses platines, les speakers, et préparer sa playlist. Ce soir-là, il ne lui faut qu’une petite heure pour être prêt.

Après avoir fait des études d’informatique, Mahdi Karimeh s’est fait un nom en jouant dans plusieurs clubs et événements au Liban et à l’étranger, notamment en Afrique et en Jordanie, puis a fondé son propre business, E-North Gaming Lounge (un café internet où les clients peuvent jouer à des jeux vidéo en ligne), dans trois régions du Nord. « Depuis mon plus jeune âge, j’achète tous les gadgets de musique, du walkman au discman en passant par les gadgets MP3 jusqu’à l’invention de l’iPod », dit-il, avant de poursuivre : « Je n’ai jamais, de ma vie, effacé une seule chanson, et c’est pour cela que je possède aujourd’hui d’énormes archives. » Mais ses archives ne contenaient pas de chansons patriotiques et révolutionnaires. « Le premier soir, j’ai dû télécharger sur place l’hymne national », confie-t-il.

Maintenant que l’hymne national a trouvé sa place dans sa playslit, le « DJ de la révolution » l’a revisité en le mixant avec des tubes techno et autres, lui conférant ainsi un nouveau beat (rythme) pour la foule qui rêve de bâtir un Liban nouveau.


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Mais tout le monde n’est pas heureux de voir les Libanais « faire la fête en pleine révolution ». Madi K dit comprendre les remarques de ceux qui s’inquiètent pour l’avenir de ce soulèvement et qui désirent préserver son caractère de mouvement de contestation, mais il affirme porter un regard différent sur l’ambiance festive de la « révolution » des Tripolitains. « En premier lieu, cette ambiance particulière a révélé au grand public, ainsi qu’aux médias libanais, la vraie face de Tripoli, une ville longtemps étiquetée comme intégriste et radicale », précise-t-il. Selon lui, la musique est le meilleur médium pour rapprocher les gens les uns des autres. « En plus, je n’étais pas seul sur scène, un orateur à mes côtés criait des slogans révolutionnaires. Mais les chansons offrent aux manifestants un moment pour qu’ils reprennent leur souffle », dit-il. Pour Madi K, la « révolution » consiste en l’occupation des rues par le peuple, en la réappropriation des villes et du pays.

« Tant que les manifestants sont dans la rue, assure-t-il, je continuerai de faire la révolution avec ce que je sais faire le mieux : caresser les platines. »


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commentaires (1)

Bravo Mahdi tu as bien raison !!

Bery tus

23 h 58, le 28 octobre 2019

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Commentaires (1)

  • Bravo Mahdi tu as bien raison !!

    Bery tus

    23 h 58, le 28 octobre 2019

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