La tension à Nabatiyé persistait hier pour le troisième jour consécutif entre des partisans du Hezbollah et les manifestants rassemblés devant le Sérail.
Peu avant le discours du secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, les protestataires ont reçu des informations selon lesquelles les partisans du Hezbollah se préparaient à sortir en convois pour infiltrer la foule. Ce qui a poussé l’armée et les Forces de sécurité intérieure à renforcer leur déploiement pour éviter tout heurt. Et pour cause, puisque les attaques menées mardi soir par des fonctionnaires du conseil municipal de la ville affilié au Hezbollah contre les manifestants avaient fait 25 blessés. Des attaques qui ont d’ailleurs mené à la démission, mercredi, de quatre membres du conseil municipal de Nabatiyé en signe de protestation contre la répression des manifestations. Deux autres fonctionnaires de la municipalité de Nabatiyé el-Faouqa ont également présenté leur démission pour les mêmes motifs.
À peine le discours de Nasrallah terminé que les convois des partisans du parti chiite sont venus encercler les manifestants de tous les côtés. Ils ont même coupé le courant électrique, plongeant la place devant le Sérail dans le noir. La musique a également été coupée. Mais la foule n’a pas baissé les bras et les manifestants sont restés sur la place. Vers 19 heures, un habitant de la ville a ramené des haut-parleurs installés sur le toit d’une jeep et avec l’aide des militaires, il a pu rejoindre les manifestants. La musique a pu ainsi être diffusée de nouveau à la grande joie des protestataires qui se sont mis à chanter et à danser. La foule s’est dispersée vers 19 heures 45 se donnant rendez-vous aujourd’hui de 11 heures à 19 heures 30.
(Lire aussi : Le demi-jour des oracles, l'éditorial de Issa GORAIEB)
Discours condescendant
De nombreux manifestants interrogés sur le discours du chef du Hezbollah n’ont pas caché leur déception. Une jeune femme, qui préfère garder l'anonymat, estime que le discours était à la fois « condescendant et provocateur ». « Selon le sayyed, les gens pauvres sont menés en bateau, poursuit-elle. Ce n’est pas vrai ! Les vidéos qui circulent depuis le premier jour des rassemblements le montrent. Les manifestants se sont exprimés de manière spontanée pour crier leur ras-le-bol. Sur ces vidéos, on voit qu’ils dansent. Or le langage du corps est le langage le plus franc. Personne ne s’est moqué de nous. »
Lors de son discours, vendredi après-midi, le chef du Hezbollah a déclaré que le mouvement de contestation n'est plus « un mouvement populaire spontané ».
Une autre manifestante affirme « ne plus faire confiance au sayyed ». Pour cette jeune femme, il n’est pas possible de « négocier avec un pouvoir corrompu ». « Le sayyed le sait et il l’a dit dans son discours, note-t-elle. Pourquoi insiste-t-il alors à ce que des négociations soient menées avec lui ? Juste parce qu’il est son partenaire et qu’ils ont des intérêts communs ? »
« Il se peut qu’il se trouve parmi les manifestants une infime minorité qui a des visées politiques, mais ce n’est pas le cas de la majorité des protestataires, renchérit un homme. Mais ce n’est pas ce qui caractérise ce mouvement. Celui-ci est spontané et contre la corruption. Nous aurions aimé que le sayyed fasse des propositions sérieuses et qu’il fasse pression sur le pouvoir pour que le gouvernement démissionne. C’est à ce moment-là que les gens se retireront de la rue. »
Une autre jeune femme rappelle que « lors de ses campagnes électorales, le Hezbollah a brandi le slogan de la lutte contre la corruption ». « Comment le sayyed peut-il donc tolérer que ses partisans et ceux du mouvement Amal agressent les manifestants ? se demande-t-elle. C’est nous qui protégeons la Résistance. » La jeune femme ne cache pas sa contrariété après le discours de Nasrallah. « J’estime qu’une personne comme lui aurait dû parrainer la foule, parce que c’est cette même foule qui le protégera et non la classe politique corrompue qui a volé le pays », s’indigne-t-elle.
Par ailleurs, dans la Békaa-Ouest, des convois de voitures et de motos de partisans du Hezbollah ont sillonné la région, selon notre correspondante Sarah Abdallah.
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commentaires (5)
Qui c'est ça "ON" ?????????
FRIK-A-FRAK
14 h 24, le 26 octobre 2019